Avenir d'Orly, ce scénario cauchemardesque qui fait trembler Transavia

Le Groupe ADP ne manque pas de souligner que le couvre-feu d'Orly est le plus restrictif d'Europe devant Francfort ou Genève. Cet argument pourrait bien devenir encore plus vrai dans quelques mois à la faveur d'une étude menée par les services de l'Etat. Un allongement du couvre-feu pourrait bien faire partie des propositions qui figureront sur la table du prochain ministre des Transports pour limiter la pollution sonore autour de l'aéroport parisien. Ce qui n'est pas pour réjouir les compagnies, à commencer par Transavia. Compagnie majeure à Orly, basée sur le modèle low cost, la filiale d'Air France serait la plus impactée par un tel scénario.
Léo Barnier
Transavia serait la première à subir un allongement possible du couvre-feu à Orly.
Transavia serait la première à subir un allongement possible du couvre-feu à Orly. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

Transavia, Easyjet et les autres retiennent leur souffle à Orly. En place depuis 1968, le couvre-feu en vigueur sur l'aéroport entre 23h30 et 6h pourrait être étendu à partir de l'an prochain. Cela fait partie de deux des trois scénarios actuellement sur la table dans le cadre de l'étude d'impact selon l'approche équilibrée (EIAE), actuellement menée par les services de l'Etat pour réduire l'impact sonore sur les riverains. Un scénario cauchemardesque pour les opérations des compagnies aériennes, à commencer par les low cost dont le modèle est basé sur une utilisation maximale des avions tout au long de la journée. Après des perturbations dues à la période Covid, le dossier doit désormais se décanter rapidement - même si la vacance actuelle à la tête du ministère des Transports tend à geler quelque peu le processus.

Le dénouement dans le dossier du bruit à Paris-Orly semble désormais tout proche. « C'est très mûr, même si s'est suspendu tant que le gouvernement n'est pas finalisé », a indiqué ce mardi Pascal de Izaguirre, président de la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam) et PDG de Corsair, lors de ses vœux à la presse ce mardi. Les conclusions de l'étude d'impact selon l'approche équilibrée sont ainsi attendues dès le premier trimestre de cette année, même si le calendrier définitif ne devrait se préciser qu'après la nomination de l'ensemble du gouvernement.

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Scénarios de dernière minute

Selon les informations de La Tribune, trois nouveaux scénarios viennent d'émerger dans le cadre de ce travail mené par la préfecture du Val-de-Marne, en consultation avec les parties prenantes mais aussi avec l'appui du cabinet d'études CGX Aero. Et l'extension du couvre-feu en fait partie. Ces nouvelles options, qui comprennent toutes des contraintes, semblent ainsi plus drastiques que les premières propositions présentées en décembre, qui comprenaient un scénario s'appuyant largement sur les gains apportés par le renouvellement des flottes avec des avions moins bruyants. Un revirement de dernière minute qui interpelle du côté de la Fnam et de son délégué général, Laurent Timsit.

Dans les nouvelles options avancées, le premier scénario mise certes sur la modernisation des flottes, mais cette fois-ci avec des normes à respecter à partir de 2026 pour les appareils qui se poseront à Orly. Si cette proposition apparaît comme relativement classique, elle peut soulever des contestations de la part des opérateurs étrangers, en l'occurrence les compagnies nord-africaines qui desservent Orly.

Les deux autres options portent donc sur l'extension du couvre-feu. Selon un connaisseur du dossier, la première porte sur les départs uniquement, la seconde concerne les départs et les arrivées. A l'heure actuelle, il est interdit de programmer les décollages entre 23h15 et 6h00, ainsi que les atterrissages entre 23h30 et 6h15. Cette extension serait a priori d'une demi-heure dans les deux cas, avec un avancement du début du couvre-feu. Mais un autre acteur du secteur laisse entendre qu'une extension sur le matin est aussi possible et que « toutes les options sont sur la table ». Le nombre de créneaux horaires - qui limitent l'activité de l'aéroport à 250.000 mouvements par an - n'est en revanche pas remis en cause.

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Pas de négociations sur le couvre-feu

Pour l'instant, aucun horaire n'a été arrêté comme l'indiquaient il y a quelques jours des représentants de compagnies à La Tribune. « Nous n'avons pas eu d'informations très précises pour l'instant », note ainsi Jean-Pierre Sauvage, Président du BAR France (Board of Airlines Representatives - France, association des représentant de compagnies aériennes en France). Sur l'ampleur du décalage du couvre-feu, il déclare « avoir tout entendu » sans donner de chiffres. Interrogé sur le même sujet, Olivier Mazzucchelli, PDG de Transavia, n'est pas plus précis.

Pas de confirmation non plus de la part du Groupe ADP qui indique néanmoins qu'il « participe actuellement à l'exercice d'étude d'impact selon l'approche équilibrée (EIAE) piloté par la Préfecture du Val de Marne pour l'aéroport Paris-Orly » et qu'il « est consulté au même titre que les autres parties prenantes (riverains, élus, professionnels) sur l'impact des différents scénarios envisagés ».

Quelle que soit l'ampleur proposée pour cette extension, l'objectif pour les compagnies est clair : le couvre-feu ne doit pas bouger. « Orly est déjà l'aéroport le plus contraint d'Europe. Le contraindre encore plus n'est pas la bonne réponse. », explique Olivier Mazzucchelli. Le ton est le même pour Jean-Pierre Sauvage, qui refuse l'idée d'entrer dans une négociation qui entraînerait une restriction opérationnelle pour les compagnies.

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Transavia directement touchée

Si une telle mesure venait à se mettre en place, Transavia serait la plus impactée tant son imbrication avec Orly est grande. La compagnie à bas coût du groupe Air France y regroupe la moitié de son réseau. Elle représente d'ores et déjà le tiers de l'activité de l'aéroport et sa place va continuer de croître dans les années à venir. Elle devrait dépasser les 50 % à l'horizon 2026, quand elle récupérera les créneaux d'Air France qui a annoncé son recentrage sur Roissy à cette date.

Refusant de se dire inquiet, Olivier Mazzucchelli ne peut s'empêcher de laisser poindre une certaine appréhension. « Nous travaillons sur ce dossier. L'impact potentiel est important pour Transavia, premièrement parce que nous sommes très gros Orly et, deuxièmement, nous sommes une compagnie basée avec des emplois basés. Et c'est aussi le discours que nous portons. »

Et cet impact devrait être encore plus important du fait que Transavia est une compagnie à bas coût. Le modèle low cost sur lequel elle se base, tout comme Vueling ou Easyjet qui seront également touchées, nécessite d'optimiser au mieux l'utilisation des avions avec plus d'une douzaine d'heures de vol par jour (Transavia doit s'approcher de son objectif de 12h30 de vol par jour l'été prochain). Ce qui suppose des départs tôt le matin - un prérequis déjà mis à mal par des sous-effectifs au niveau du contrôle aérien qui obligent la compagnie à abattre préventivement une partie de son programme sur la période estivale - et des arrivées jusqu'à tard le soir.  « Cela peut avoir un impact assez important sur les dispositions opérationnelles de certaines compagnies, notamment low cost », analyse Jean-Pierre Sauvage.

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Des ricochets sur l'ensemble d'Orly

Outre la nécessité de réduire l'amplitude horaire de la journée, un relèvement du couvre-feu va aussi réduire les marges pour les vols retardés. Cela risque d'accroître les dépassements de l'horaire limite (malgré une amende pouvant aller jusqu'à 40.000 euros) ou de déroutement vers Roissy en cas d'arrivée très tardive. « Si une compagnie enfreint le couvre-feu tous les jours, c'est de sa responsabilité, mais ça n'a pas de sens de demander qu'une compagnie aérienne arrête ses vols à deux heures du couvre-feu ces vols pour ne pas l'enfreindre », prévient Laurent Timsit pour la Fnam.

Des compagnies long-courriers comme French Bee ou Air Caraïbes, avec des départs vers 20h au plus tard et des retours dans la journée et appareils modernes comme les A350, ne devraient pas être affectées ou modérément. Pourtant sa PDG, Christine Ourmières-Widener, indique qu'il existe toujours une inquiétude concernant un changement du couvre-feu à Orly : « Toute contrainte supplémentaire impactera le nombre de vols. Nous ne serions pas forcément les plus touchés, mais il y aura un effet de ricochet. Tout changement aura un impact sur l'ensemble des trafics. » De fait, elle espère que le couvre-feu ne bougera pas, en particulier à l'approche des Jeux olympiques de Paris 2024.

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Décision régalienne ou politique ?

Une fois l'étude d'impact selon l'approche équilibrée achevée par la préfecture du Val-de-Marne, celle-ci pourra faire des recommandations. Mais la décision se jouera « au niveau du ministre » avec « une disposition que l'on pourrait qualifier de régalienne », indique un connaisseur. « Cela peut être une décision politique », prévient même un autre. Encore faut-il qu'un ministre soit nommé, le poste étant vacant depuis le départ de Clément Beaune.

S'en suivra une période de plusieurs mois où le dossier sera consulté par la Commission européenne, à qui il reviendra de dire si l'approche équilibrée a été respectée. « Ce qui s'est passé à Amsterdam n'a échappé à personne. Il faut respecter le cadre réglementaire. Si nous ne le respectons pas, la Commission européenne aussi bien que les partenaires internationaux de la France sont en droit d'intervenir. Cela demande donc d'être fait de manière soigneuse et documentée », insiste Laurent Timsit.

Or, comme l'indique Olivier Mazzucchelli, « une étude d'impact d'approche équilibrée consiste à définir un objectif de réduction de bruit, puis de trouver les moyens de l'atteindre ». Et pour le PDG de Transavia, « la meilleure réponse est le renouvellement de flotte ». Soit le processus que vient d'entamer sa compagnie avec la réception de son premier Airbus A320 NEO en remplacement de ses Boeing 737 de la génération précédente. « Nous réalisons un énorme investissement pour un avion qui offre 50 % de réduction d'empreinte sonore (au décollage comme à l'atterrissage) », affirme-t-il ainsi avant d'ajouter que « c'est le paramètre le plus impactant, sans commune mesure (avec les autres démarches) ».

La réduction du bruit à la source est ainsi la première étape de l'approche équilibrée comme ne manque pas de le rappeler Jean-Pierre Sauvage. Viennent ensuite les mesures sur la gestion des opérations au sol, puis les dispositions opérationnelles pour réduire le bruit telles que les approches continues. Les restrictions opérationnelles, comme l'extension du couvre-feu, n'arrivent qu'en dernier.

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Quels critères de décision ?

Sur tous ces points-là, le Groupe ADP indique d'ailleurs avoir mis des mesures en place, avec un barème acoustique sur les redevances pour inciter les compagnies à renouveler leurs flottes, des travaux avec la DGAC sur les procédures de décollage et d'atterrissage dans le cadre du groupe de travail « Optibruit », des prises de positions en faveur des descentes continues ou l'expérimentation des sorties retardées de train d'atterrissage. Une enquête publique est d'ailleurs en cours de la part de la préfecture pour la mise en œuvre des descentes continues face à l'ouest après les Jeux olympiques d'été 2024, mais il n'est pas dit que celle-ci soit prise en compte dans l'étude d'impact.

« Nous avons une problématique de bruit, qui est réelle, notamment nocturne. Mais nous souhaitons être partie prenante à toutes les études qui seraient faites, mises en place par l'État ou d'autres organismes car il n'y a pas d'objectivité ou d'indicateurs de suivi fiables dans ce domaine. Il faut que le débat soit raisonné autour de ce sujet », déclare ainsi Pascal de Izaguirre.

« Nous ne disons pas qu'il n'y a pas de problème, mais qu'il y a une modernisation de la flotte qui se traduit par une amélioration », ajoute le patron de la Fnam en précisant que, outre Orly, cinq autres études d'impact d'approche équilibrée sont actuellement en cours en France - à Paris-Roissy, Toulouse, Bordeaux, Lille et Nantes - soit plus que dans tout autre pays européen. « C'est à la limite du raisonnable », commente Laurent Timsit.

En sus de ce processus au niveau de l'Etat français puis de la Commission européenne, les acteurs du secteur pourront également s'insérer dans le processus au-delà d'un rôle de consultation. Ainsi, s'ils jugent que l'approche équilibrée n'a pas été respectée, il n'est pas à exclure que certains d'entre eux déposent des recours face aux éventuelles décisions qui sortiront de cette étude d'impact. Ce pourrait être aussi le cas de la part des riverains s'ils estiment que les mesures ne vont pas assez loin.

Le processus pourrait donc prendre encore plusieurs mois et, dans le plus rapide des cas, n'être appliqué qu'à partir de la saison été 2025.

Léo Barnier

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Commentaires 10
à écrit le 25/01/2024 à 8:54
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Le territoire français est grand. Les riverains peuvent déménager plutot que de se plaindre comme des enfants. Ces memes qui sont les premiers à monter dans un avion pour partir en vacances.

à écrit le 25/01/2024 à 8:54
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Le territoire français est grand. Les riverains peuvent déménager plutot que de se plaindre comme des enfants. Ces memes qui sont les premiers à monter dans un avion pour partir en vacances.

à écrit le 24/01/2024 à 20:00
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Si, sincèrement, le but est de réduire globalement les nuisances sonores, et non de prendre des mesures coercitives purement électoralistes, alors vous serez d'accord avec ma suggestion, qui serait de calculer les droits d'une compagnie en "droits so...

à écrit le 24/01/2024 à 16:33
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Il faut bien que l’aviation soit mise à contribution pour limiter la pollution qu’elle soit sonore ou polluante. On sanctionne bien les voitures thermiques ! Et le consommateur et bien qu’on réduise les liaisons aériennes et qu’on protège les river...

le 24/01/2024 à 19:57
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Donc vous serez d'accord avec ma suggestion, qui serait de calculer les droits d'une compagnie en "droits sonores", c'est à dire que chaque compagnie qui réduit par exemple de 10% son empreinte sonore, aurait le droit d'augmenter de 5% ses droits en ...

à écrit le 24/01/2024 à 12:38
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Tout dépend de l'amplitude de cette réduction. Les départs (ce qui fait du bruit) "tardifs" ou très matinaux sont loin d'être majoritaires à Orly. Même si on les limite à 22h, cela ne devrait pas avoir un fort impact. Par contre, si "on" joue sur les...

à écrit le 24/01/2024 à 12:17
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Tous les aéroports devraient avoir un couvre feu identique sauf à vouloir octroyer à quelques centaines de privilégiés le droit d'empêcher de dormir à des dizaines de milliers d'habitants du voisinage des pistes .

à écrit le 24/01/2024 à 9:44
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Bof ce n'est pas très grave dans la mesure où cet aéroport n'accueille que des compagnies marginales et des low cost. En toute logique cet aéroport en zone urbaine dense devrait être abandonné au profit du développement de celui de CdG. Et il serai...

le 24/01/2024 à 17:50
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Une liaison rapide de CDG vers Paris ? Cela fait 1/2 siècle qu'on attend, cela existe dans tous les grands aéroports, et la France sur ses ergots toujours en retard

à écrit le 24/01/2024 à 9:06
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quand orly a vu sa construction l'aeroport se trouver dans les champs qui a construit idem pour le perif parisien qui lors de sa construction devais garder un espace vert qui a construit et combien d'autre absurdite comme roissy ou les gares de t...

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