Il faisait partie des ministres les plus menacés par le changement de gouvernement. Clément Beaune n'est plus le ministre délégué chargé des Transports. Après un an et demi, c'est avec un message flou sur X (ex-Twitter) annonçant à demi-mots son départ : « Je suis fier d'avoir été ministre pendant 3 ans et demi dans les gouvernements de Jean Castex, Elisabeth Borne et Emmanuel Macron. Je les en remercie sincèrement ». Pour l'heure, le poste est géré par Christophe Béchu, qui a, de son côté, conservé son poste de ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Le premier ministre, Gabriel Attal, a désormais 10 jours pour annoncé l'avenir de ce ministère ainsi que le nom du futur ministre des Transports. La suite pour Clément Beaune est actuellement en suspens, dans l'attente des prochains noms de ministres délégués et secrétariats d'Etat.
Malgré près de quatre années passées au gouvernement, occupant d'abord le poste de secrétaire d'État chargé des Affaires européennes à partir de 2020 (prenant brièvement le titre de ministre délégué après l'élection présidentielle de 2022) puis rejoignant l'hôtel de Roquelaure au début du second quinquennat d'Emmanuel Macron, celui qui faisait partie de l'aile gauche du précédent gouvernement n'aura pas été reconduit par Gabriel Attal dans sa liste annoncée hier soir. Sa proximité avec le président de la République, dont il a été le conseiller pour les affaires européennes d'abord au ministère de l'Economie en 2015-2016, puis pendant la campagne de 2017 et enfin à l'Elysée jusqu'en 2020, n'aura pas suffi non plus.
Clément Beaune était en position de fragilité depuis décembre dernier après avoir exprimé son opposition à la loi immigration, mettant en jeu sa démission au moment du vote. Il était ensuite rentré dans le rang, gardant le silence jusqu'à début janvier alors que la perspective d'un remaniement se précisait. Dans un entretien au Parisien, il avait alors déclaré que le sujet « était trop grave pour rester en retrait ». Des ministres opposés au texte, seul Aurélien Rousseau (Santé) a effectivement démissionné. Le même Parisien, citant plusieurs élus, lui prête d'ailleurs une rivalité avec Gabriel Attal.
Doubler la part du train d'ici 2030
Son passage au ministère des Transports a été marqué par une politique en faveur du développement ferroviaire, reprenant à son compte l'objectif de doublement de la part du train pour les passagers comme le fret d'ici 2030, voulue par Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe SNCF. Et pour porter cette ambition, il a été chargé de l'amorçage du plan d'investissement de 100 milliards d'euros supplémentaires d'ici 2040 pour rénover les infrastructures vieillissantes, annoncé en février 2023 par Elisabeth Borne qui était alors Première ministre.
Depuis, les modalités de financement de ce plan tardent à se concrétiser, notamment en l'absence d'une loi de programmation pluriannuelle pourtant souhaitée du côté du ministère et des acteurs du ferroviaire. Celle-ci aurait le mérite de sécuriser les investissements de l'Etat, qui n'a pas indiqué à quelle hauteur il entendait contribuer à cet effort qui sera aussi porté par les collectivités locales et la SNCF.
767 millions d'euros pour développer les RER métropolitains
Une première étape a néanmoins été consentie avec la signature des premiers contrats de plan État-Région (CPER), où la priorité a été donnée au ferroviaire. Plusieurs centaines de millions d'euros ont été mis sur la table par l'Etat, dont 767 millions d'euros consacrés au démarrage des services express régionaux métropolitains (SERM), plus connus sous le nom de RER métropolitains. Son successeur devra donc reprendre le flambeau sur ce dossier, qui va largement conditionner la place du train dans les mobilités des Français pour plusieurs décennies.
Clément Beaune s'est aussi illustré par son engagement pour le train de nuit, en poursuivant la relance des trains de nuit, amorcé par Jean Castex en 2021. Débloquant plusieurs millions d'euros de subventions par an, il a récemment inauguré le Paris-Berlin et le Paris-Aurillac. Il s'est montré en revanche plus discret dans l'histoire de Fret SNCF, condamnée à un démantèlement en raison d'un manquement aux règles européennes sur les aides d'Etat. La suite de ce dossier sera là aussi laissée à son successeur qui devra s'assurer que la discontinuité des activités de Fret SNCF correspond aux attentes de la Commission européenne.
Taxer les aéroports et les autoroutes
Côté aérien, l'action de Clément Beaune laissera sans doute un souvenir moins positif, notamment en conséquence de son action pour renforcer la taxation du secteur en raison de son impact écologique. Le ministre, plutôt favorable à une taxe sur les billets d'avion, a finalement annoncé une taxe sur « les grandes exploitations d'infrastructures de transport de longue distance » au premier rang desquelles se trouvent certes les concessions autoroutières, mais aussi les aéroports. De quoi dégager 600 millions d'euros par an au bénéfice de l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afit), qui doit notamment contribuer au plan de 100 milliards d'euros pour le ferroviaire.
Le futur ministre des Transports devra d'ailleurs sûrement affronter les recours de la part des sociétés de concessions autoroutières Vinci et Eiffage, mais aussi potentiellement d'acteurs du transport aérien dont l'Union des aéroports français (UAF) qui s'est réservée cette possibilité.
Côté réalisation, Clément Beaune pourra néanmoins se targuer d'avoir réussi à mettre autour de la table compagnies aériennes et grands aéroports pour définir un nouveau modèle de régulation, qui doit régenter les équilibres économiques au sein du secteur pour les prochaines années. Il a également largement mis en avant son rôle pour le développement d'une filière de carburant d'aviation durable (SAF) en France, en y consacrant 200 millions d'euros sur les deux milliards d'euros d'investissements annoncé par Emmanuel Macron en juin pour décarboner la filière aéronautique.
Lancement du leasing social
Sur les autoroutes, justement, hormis la taxation autoroutière, Clément Beaune a annoncé l'arrêt de plusieurs projets en construction sans rentrer dans les détails. Une prise de parole survenue après le fiasco de l'A69 reliant Toulouse à Castres, qui avait rassemblé plusieurs manifestants et grévistes de la faim en opposition au projet, jugé « incompatible avec la transition écologique par 1.500 scientifiques ». Le remplaçant devra reprendre ce dossier brûlant, alors qu'une Zone à défendre s'est mise en place ces derniers jours pour empêcher l'avancée du chantier.
L'ancien ministre des Transports a placé son mandat sous la volonté d'accélérer sur les voitures électriques, mené avec la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. La mesure la plus importante reste la mise en place du leasing social, qui permet la location d'une voiture électrique à 100 euros par mois pour les 50 % des ménages aux revenus les plus faibles.
Les deux ministres ont également annoncé une enveloppe de 200 millions d'euros supplémentaires pour le déploiement des bornes électriques afin d'atteindre les 400.000 bornes annoncées par le chef de l'Etat pour 2030. Sous le mandat du ministre des Transports, la barre des 100.000 bornes de recharge a été finalement franchie, deux ans après la date annoncée par le gouvernement, et 100 % des autoroutes sont désormais équipées. L'obstacle reste cependant encore très haut pour son successeur, puisque les voitures électriques ne représentent actuellement que 2,5 % du parc automobile total.
Les Jeux olympiques en approche
Enfin, le sujet chaud de la rentrée concerne les deux-roues. Un contrôle technique obligatoire est en vigueur depuis janvier alors qu'il avait été initialement écarté par le gouvernement. Pour faire passer la pilule, Clément Beaune a annoncé un bonus de 6.000 euros pour l'achat d'un deux-roues électrique pour les ménages les plus faibles, encore en discussion côté Bercy.
« Pas suffisant » pour la Fédération des motards de France qui annonce de possibles manifestations dans les mois à venir. Le futur ministre devra donc calmer la fronde le plus rapidement possible. Il devra également clarifier les mises en place des zones à faibles émissions (ZFE) dans les métropoles, Clément Beaune étant revenu maintes fois dessus sans vraiment parvenir à poser un calendrier clair et à informer suffisamment.
Le projet le plus immédiat reste celui des Jeux olympiques où il faudra également mettre en place les voies olympiques, validées par l'ancien ministre des Transports, sur le périphérique parisien, avant de laisser place à des voies de covoiturage. Une idée qui ne fait pas l'unanimité dans la capitale, tout comme la demande de réduction de la vitesse à 50 km/h sur le périphérique par Anne Hidalgo, que l'ancien ministre des Transports a rejetée.
En attendant, Clément Beaune devrait reprendre sa place de député, avant de laisser place à deux options : une reconduction au sein du gouvernement dans les prochaines annonces de Gabriel Attal ou, si ce n'est pas le cas, une campagne pour la mairie de Paris dont les élections se dérouleront en 2026.
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