Geopost (groupe La Poste) cherche à revendre ses actifs en Russie

Le groupe La Poste, propriétaire de la filiale Geopost, est en train de négocier la revente des actifs de la marque DPD, détenus en Russie, dix-huit mois après le début de la guerre en Ukraine. Selon le journal russe Kommersant, deux repreneurs seraient sur les rangs pour reprendre DPD Russie. Mais les conditions se sont durcies pour les entreprises occidentales.
DPD est une marque de Geopost, la filiale du groupe La Poste.
DPD est une marque de Geopost, la filiale du groupe La Poste. (Crédits : DR)

Geopost, filiale à 100% du groupe La Poste, cherche à sortir du piège russe dans les meilleures conditions. Dix-huit mois après avoir annoncé son retrait du pays, à la suite de l'invasion de l'Ukraine décidée par Vladimir Poutine, Geopost, la filiale spécialisée dans la livraison et la logistique, négocie actuellement la vente de son service de livraison « DPD Russie », avec un certain nombre de grands opérateurs logistiques locaux, selon les informations du journal russe Kommersant, cité par l'agence russe Interfax.

La filiale du groupe La Poste, lui-même détenue par la Caisse des dépôts et consignations (66 %) et par l'État français (34 %) avait annoncé quitter la Russie belligérante trois mois après l'invasion, en mai 2022. « Dès le 28 février 2022, nous avons suspendu tous les flux de GeoPost/DPDgroup en direction et en provenance de Russie », écrit Geopost sur son site français. Depuis, comme nombre d'entreprises étrangères, elle doit minimiser l'impact financier de l'arrêt des activités, tout en évitant une prise de contrôle totale par le Kremlin, bien décidé à faire payer les sanctions imposées par les Occidentaux en particulier sur l'énergie.

Selon le quotidien russe, deux repreneurs russes du secteur de la logistique et transport (Delovye Liniya et PEC) se seraient montrés intéressés par la reprise des activités du « deuxième service de livraison de colis en Europe » .

« En mai 2022, Geopost a annoncé sa décision de se retirer du marché russe. Le processus de cession de DPD Russie suit son cours. Il s'inscrit dans le cadre des mesures réglementaires instaurées par le gouvernement russe, qui est susceptible d'évoluer », a confirmé à La Tribune le groupe Geopost mercredi.

Implantée en Russie depuis 2004, Geopost/DPDgroup via sa filiale DPD Russie opérait principalement des services de livraison domestique auprès de clients particuliers et PME. Elle possède en Russie 35.000 sites et emploie 3.000 personnes, précise Kommersant, rappelant que le chiffre d'affaires 2022 était en baisse de 24,2 % pour atteindre 14,88 milliards de roubles (141 millions d'euros), tandis que le bénéfice net a baissé de 91,4 % pour atteindre 99 millions de roubles (941.000 euros). Au niveau global, le groupe a revendiqué 15,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022. La part de la Russie était donc encore largement en devenir pour le groupe.

En Russie, GeoPost possède également 29,07 % de l'opérateur en faillite de la chaîne de bureaux de poste PickPoint, dont la dette envers les créanciers dépasse 2,6 milliards de roubles (24,7 millions d'euros), selon le journal Kommersant.

Sollicitée sur ces actifs restants, la filiale de La Poste n'a pas souhaité réagir.

Présente dans 49 pays, Geopost avait fait de son développement international « en dehors d'Europe, l'une des priorités stratégiques » pour ainsi « construire un réseau mondial est essentiel pour répondre à l'évolution des marchés émergents, tirés par le boom du e-commerce. » Elle visait même à accroître la part de son activité intercontinentale « pour atteindre 20 % de son chiffre d'affaires total d'ici 2025. »

Des reventes longues, complexes et coûteuses

En plus du discret processus de revente de ses actifs, Geopost étudie plusieurs scénarios de sortie depuis plusieurs mois. « Nous préparons actuellement une opération de transfert de propriété dans le respect des exigences réglementaires. Pendant cette période de transition, GeoPost/DPDgroup continuera à remplir ses obligations envers ses clients, partenaires et employés », assurait-elle déjà au printemps 2022, disant anticiper « un risque de dépréciation de la valeur de cette société ».

Et de préciser : « GeoPost/DPDgroup ne tirera aucun avantage financier de ce transfert de propriété ».

Pour cause, en Russie, à mesure que les sanctions et l'isolement du marché russe affaiblissent l'économie locale ainsi que sa devise, les autorités durcissent, pour les entreprises occidentales, les conditions de revente de leurs actifs. Les commissions de contrôle qui supervisent ces négociations sont décidées à faire payer au maximum les étrangers.

Lire aussiRevente des actifs des entreprises étrangères : Moscou veut faire payer le prix fort aux Occidentaux

Des pertes totales ou partielles

Le 21 août, face à un « contexte de plus en plus difficile », c'est la chaîne de restauration rapide Domino's Pizza qui a décidé de jeter l'éponge, annonçant le dépôt de bilan de ses activités russes qu'elle tentait de vendre depuis décembre et actant ainsi la fermeture de 142 établissements à travers le pays.

Au total, selon une analyse du Financial Times, qui a épluché les comptes annuels de 600 multinationales européennes, ces dernières ont perdu au moins 100 milliards d'euros « à la suite de la vente, de la fermeture ou de la réduction de leurs activités russes ».

Le groupe Renault a par exemple subi une perte sèche de 2,2 milliards d'euros et lâché un de ses principaux marchés lors de son départ de Russie en mai 2022. Mais ce sont les majors pétrolières qui ont le plus perdu, comme BP, l'un des premiers à se désengager pleinement de Russie dès le 27 février 2022, pour une charge estimée à plus de 22 milliards d'euros.

Aussi, selon un décret, la Russie peut « temporairement prendre le contrôle d'entreprises » issues de pays considérés comme « non-amicaux », indique à l'AFP Vladimir Tchikine, avocat spécialiste du droit des entreprises en Russie, rappelant qu'officiellement ces sociétés restent aux mains de leurs propriétaires étrangers.

Cet été, Danone et Carlsberg ont fait les frais de cette politique de rétorsion. Alors que les deux géants industriels étaient en passe de vendre leurs activités russes, ils ont été pris de court par l'Etat russe, qui s'est octroyé unilatéralement le contrôle de leurs actifs dans le pays.

ZOOM - Les entreprises occidentales en Russie, après dix-huit mois de guerre

Dix-huit mois après le début de la guerre en Ukraine, nombre d'entreprises occidentales continuent à évaluer la viabilité de leur présence en Russie.

Même si une centaine d'entreprises des pays du G7 poursuivent largement leurs activités en Russie, selon un décompte de l'université américaine de Yale, « on continue d'observer une tendance à la réduction des activités des entreprises occidentales sur le territoire russe », rapporte à l'AFP Julien Vercueil, économiste spécialiste de la Russie.

Rester, c'est toutefois s'exposer à « des coûts réputationnels importants », relève-t-il. « Les Ukrainiens - et en particulier Volodymyr Zelensky - ont beau jeu d'insister dès qu'ils le peuvent sur le financement que ces entreprises apportent à la guerre russe par les bénéfices qu'elles réalisent sur le territoire russe », ajoute l'économiste.

Les géants de l'agroalimentaire et de la distribution, restés en nombre en Russie, sont par exemple souvent ciblés. « Auchan poursuit son travail en Russie, paie des impôts, finance la guerre et subit les attaques russes. Cynisme, masochisme ou stupidité ? Quittez la Russie: cet argent est trop sanglant », a écrit mercredi sur X (ex-Twitter) le ministère ukrainien de la Défense alors qu'un centre commercial du groupe a été touché par des fragments d'obus russes.

Autant de raisons susceptibles de déclencher des boycotts chez les alliés de l'Ukraine, comme dans les pays scandinaves, où le géant américain des biscuits et friandises Mondelez n'est plus vendu par de nombreuses entreprises et institutions.

Pour les entreprises, continuer à exercer des activités en Russie, c'est aussi s'exposer à un cadre juridique incertain. « Rester alors que l'environnement juridique est désormais ouvertement caractérisé par l'arbitraire et la prédation d'Etat au détriment des intérêts étrangers est dangereux », assure Julien Vercueil.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 06/09/2023 à 18:44
Signaler
Encore des retardataires pour la IIième Retraite de Russie? C'est la déroute et on ne parle plus de l'Emprunt Franco-Russe puisque c'est réglé.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.