L'aéroport de Francfort passe à la reconnaissance faciale à grande échelle

« Souriez, vous êtes enregistrés ». Associé avec Sita, l'aéroport de Francfort, principal hub allemand, plaque tournante du trafic de Lufthansa, va désormais s'appuyer sur la biométrie pour assurer l'identification des passagers tout au long de leur parcours dans l'aéroport, de l'enregistrement jusqu'à l'embarquement. Pour autant, cela peut-il créer un véritable mouvement dans une Europe toujours prompte à voir la menace de Big Brother se dessiner derrière l'utilisation massive de ces technologies ?
Léo Barnier
L'aéroport de Francfort va proposer des solutions biométriques aux passagers du groupe Lufthansa comme à ceux de l'ensemble des compagnies Star Alliance.
L'aéroport de Francfort va proposer des solutions biométriques aux passagers du groupe Lufthansa comme à ceux de l'ensemble des compagnies Star Alliance. (Crédits : Kai Pfaffenbach)

Fini les expérimentations et les projets pilotes. L'aéroport de Francfort s'est lancé dans le déploiement à grande échelle de la biométrie dans son parcours passager. Une première pour un aéroport de cette taille en Europe. D'autant que l'objectif est de pouvoir proposer cette technologie basée sur la reconnaissance faciale à l'ensemble de ses dizaines de millions de passagers annuels à toutes les étapes de leur trajet : l'enregistrement, la dépose bagages, le contrôle des billets et l'embarquement. Et ce, sur tout type de vol (domestique, européen et intercontinental). Un mouvement qui pourrait en appeler d'autres en Europe.

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« Le déploiement est enclenché, nous sommes désormais en phase d'accélération ». Sergio Colella, président de Sita Europe, est convaincu que la mise en place de la biométrie à Francfort, aéroport majeur européen et mondial, hub de Lufthansa, va marquer un tournant sur le Vieux Continent, souvent plus rétif à ce type de technologie. Il assure que d'autres projets verront le jour rapidement et que la reconnaissance faciale va devenir un nouveau standard pour le transport aérien, au même titre que la dépose bagages en libre-service. Il voit d'ailleurs plus loin en assurant que « c'est une étape dans la construction de l'identité numérique », qui permettrait de concentrer tous ses documents (passeport, dossier de voyage, ou encore documents sanitaires) dans son téléphone.

Gains capacitaires

Il faut dire que Sita, société spécialisée dans les échanges de données entre les acteurs du transport aérien, se veut en pointe sur l'intégration de ce type de technologies. De fait, il est le partenaire majeur de Fraport, le gestionnaire de l'aéroport de Francfort, dans la mise en place de la biométrie, afin de « faire de votre visage votre nouvelle carte d'embarquement ». La technologie en elle-même est développée par le groupe japonais NEC. Cela doit permettre de fluidifier le parcours des passagers. A la clé, une réduction des temps de passage de l'ordre de 30%, selon le patron de Sita Europe, et donc d'améliorer leur niveau de satisfaction. Sergio Colella revendique même des taux de l'ordre de 75% pour les projets pilotes menés en Europe.

A terme, une telle technologie permettrait également à l'aéroport de gagner en capacité, d'au moins 10%, sans toucher à l'infrastructure. Un apport non-négligeable alors que Francfort était confronté à des problèmes de congestion avant la crise sanitaire, et que celle-ci a repoussé la mise en service d'un troisième terminal en 2026.

Avant d'en arriver là, le système doit d'abord monter en puissance. Pour cette mise en service, seuls 18 points de passage sont équipés de systèmes de reconnaissance faciale. L'objectif est d'atteindre 150 postes opérationnels l'an prochain, puis 200 à terme. L'identification biométrique est ainsi proposée à l'ensemble des passagers des compagnies de Star Alliance, l'alliance globale dont fait partie le groupe Lufthansa, principal opérateur à Francfort. Ce qui représente la grande majorité des plus de 60 millions de voyageurs que devrait compter l'aéroport cette année (70 millions avant la crise sanitaire). Et Sergio Colella assure que d'autres compagnies rejoindront le mouvement, avec une mise en place possible en quelques jours.

Les passagers intéressés pourront même relier leur profil biométrique et leurs documents de voyage à l'avance sur l'application Star Alliance, ou en arrivant à l'aéroport lors de l'enregistrement avec leur passeport. En fonction de leur choix, les données pourront être conservées pour un prochain voyage. En revanche, cette technologie de reconnaissance faciale ne sera pas utilisée pour le passage de frontière, en raison des restrictions en vigueur en Allemagne. Le patron de Sita Europe indique que cela aurait été possible en France ou en Italie, ajoutant que des discussions sont tout de même en cours avec la police fédérale.

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Une intégration complexe

Les principales difficultés ne sont d'ailleurs pas technologiques, précise Sergio Colella. Il assure que la reconnaissance faciale a déjà fait ses preuves avec des taux d'identification allant bien au-delà des 99%. Il ajoute que des contrôles humains sont prévus en cas de doute. Bien que convaincu que l'acceptation par les populations a fait son chemin, notamment en Europe où les réticences sont les plus fortes, il estime que les principaux points durs à régler ont été la mise en conformité avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD), avec l'apport de garanties quant à la sécurité et à la fiabilité des données, ainsi que sur la cybersécurité. Il pointe aussi la difficulté d'intégrer un tel outil dans les processus aéroportuaires, particulièrement complexes.

En France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avait exprimé ses réticences face à la reconnaissance faciale dans les aéroports, il y a trois ans. Rappelant que les données biométriques sont des éléments sensibles, elle avait estimé que : « Introduire dans le quotidien des passagers un processus de contrôles biométriques dématérialisés à chaque étape de leur parcours risque d'alimenter un sentiment d'accoutumance à ces technologies, porteur de risques pour les droits et libertés des citoyens à plus grande échelle ».

D'ailleurs, même si Sergio Colella ne le reconnaît pas entièrement, le déploiement de la biométrie à Francfort a pris du retard. Après un projet pilote l'an dernier, les deux partenaires avaient communiqué en février dernier sur un déploiement à partir du printemps. Il aura donc fallu quelques mois de plus pour que le pas soit réellement franchi.

Léo Barnier

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Commentaires 4
à écrit le 27/10/2023 à 8:40
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Pas étonnant de la part des allemands. Notons quand même que l'Etat de Californie a interdit cette reconnaissance facile car seulement fiable au maximum à 70%.

à écrit le 27/10/2023 à 6:37
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Bonjour par mesure de sécurité nous somme en train de mettre en place des systèmes de contrôle des population .... une conception inacceptable dans nos démocratie. Que se soit dans les aéroports ou dans certaine ville , tous cela est inacceptable...

à écrit le 26/10/2023 à 18:12
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Je ne prends plus l'avion et je m'en félicite encore plus avec l'utilisation qui va se généraliser de la reconnaissance facile et évidemment de l'IA. Big Brother is watching you? Pas moi.

à écrit le 26/10/2023 à 17:34
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Cas d'école de l'effet rebond: cette technologie permet de réduire temps de passage des voyageurs d'environ 30%, mais l'aéroport en profite pour augmenter le traffic d'autant. Au final il y aura encore plus de monde dans les aéroports.

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