
La nouvelle taxe sur « les infrastructures de transport de longue distance » n'en finit plus de faire réagir. C'est notamment le cas de l'ACI Europe, l'association des aéroports européens. L'organisation, dirigée par Olivier Jankovec, a poussé le calcul au-delà de la seule année prochaine, où cette taxe devrait peser à hauteur de 125 à 130 millions d'euros sur les cinq principaux aéroports français (Paris-Roissy et Paris-Orly, Nice, Marseille et Lyon). Dès 2025, un sixième aéroport pourrait être concerné : celui de Toulouse.
C'est la première fois que l'aéroport de Toulouse-Blagnac est cité dans ce contexte. Jusqu'ici, que ce soit dans les propos de l'Union des aéroports français, du directeur général d'Air France-KLM, Ben Smith, ou du ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, seules les cinq premières plateformes hexagonales semblaient concernées. Interrogé par La Tribune, Philippe Crébassa, le président d'Aéroport Toulouse-Blagnac, n'a pas souhaité commenter cette annonce pour le moment.
Toulouse aura bien du mal à y échapper
Pour rappel, cette taxe de 4,6% doit s'appliquer au-delà de 120 millions de revenus d'exploitation. L'an dernier, Toulouse-Blagnac a réalisé un chiffre d'affaires total de 132 millions d'euros, ce qui aurait pu le rendre éligible. Mais il faut retrancher les 29 millions d'euros de recettes issues de la taxe d'aéroport - taxe payée par les compagnies aériennes pour financer les missions régaliennes de sûreté et de sécurité déléguée par l'Etat aux aéroports - qui n'entre pas dans l'assiette fiscale.
Il faut également que l'aéroport dégage plus de 10% de marge nette en moyenne sur les sept dernières années (en retranchant les deux plus mauvaises, soit celles du Covid, et les deux meilleures). Or, Toulouse a dégagé une marge de 11% en 2022.
En principe, l'aéroport de Toulouse devrait rester sous le seuil cette année et ainsi éviter de payer la taxe qui sera effective l'an prochain. L'aéroport est toutefois en pleine phase de redressement post-Covid. L'an dernier, son trafic passager a crû de 84% à 7 millions de passagers - soit les trois-quarts du trafic de 2019, avec une progression forte tout au long de l'année - et un chiffre d'affaires en hausse de plus de 55%, hors taxe d'aéroport. Toujours pénalisée par des voyages d'affaires en berne, la plateforme indiquait en mars dernier espérer retrouver une activité nominale à l'horizon 2025, et dès cette année entre 80 ou 85% du trafic de 2019.
L'aéroport devrait donc se rapprocher petit à petit de ses résultats antérieurs à la crise sanitaire, où il accueillait 9,6 millions de passagers pour un chiffre d'affaires de 126 millions d'euros hors taxe d'aéroport (sur un total de 161 millions d'euros). À ce moment-là, il ne pourra plus échapper à la taxe.
Et comme les autres plateformes concernées, Toulouse est un aéroport avec une part relativement faible de trafic low-cost (49 %). Résultat, la mesure devrait affecter en premier lieu des compagnies traditionnelles, dont le groupe Air France. Cette perspective devrait renforcer encore un peu plus l'opposition à cette taxe, qui pourrait évoluer d'ici la fin de l'année au cours des débats au parlement.
« Presser les aéroports qui sont à la pointe des efforts de décarbonisation pour obtenir des recettes fiscales n'est pas judicieux et équivaut à une politique d'écoblanchiment, a taclé Olivier Jankovec d'ACI Europe. Pour atteindre le niveau zéro dans l'aviation européenne, il faudra investir plus de 820 milliards d'euros dans l'ensemble de l'écosystème [...]. Taxer davantage le secteur ne fera que rendre ces investissements plus difficiles et menacera nos objectifs communs. »
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