Le TGV M d'Alstom : l’arme de la SNCF pour étouffer la concurrence sort d’usine

Présenté par la SNCF comme sa future arme stratégique, le TGV M continue de passer les jalons chez Alstom en vue de son entrée en service fin 2024. Si ce sera trop tard pour les Jeux olympiques, la SNCF l'attend surtout pour faire face à la concurrence grandissante des opérateurs étrangers sur la grande vitesse dans l'Hexagone. Et également pour aller chasser sur leurs terres.
Léo Barnier
Alstom a effectué la première mise en rame du futur TGV M destiné à la SNCF.
Alstom a effectué la première mise en rame du futur TGV M destiné à la SNCF. (Crédits : L. Barnier - La Tribune)

Le TGV M commence à prendre forme. Un peu plus d'un an après le dévoilement du nez de nouveau fleuron à grande vitesse d'Alstom à Belfort, la première rame assemblée est sortie d'usine ce vendredi à La Rochelle. C'est un jalon de plus pour celui qui doit devenir le fer de lance de la SNCF et parachever le plan « Riposte » destiné à faire face à l'arrivée de la concurrence. L'opérateur ferroviaire public devra néanmoins attendre encore deux ans et la fin de l'année 2024 pour pouvoir lancer le service opérationnel de son TGV M.

C'est plus précisément sur le site d'Aytré, centre d'excellence d'Alstom pour la grande vitesse, situé à quelques minutes de La Rochelle, que s'est déroulé l'évènement, destiné à célébrer la première mise en rame d'un TGV M (réunion des motrices et des voitures passagers). Sous un ciel alternant soleil et pluie, la rame d'un blanc immaculé est sortie du hangar tous phares allumés sur une musique dynamique, afin de dévoiler ses courbes au parterre d'invités, regroupant élus locaux, dirigeants d'Alstom et de la SNCF, presse locale et nationale. Seule la motrice et les premières voitures étaient visibles, sans pelliculage, mais c'est bien une rame de présérie entièrement assemblée qui était présentée.

Avalanche de chiffres pour un apport stratégique

Se succédant à la tribune, Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, Alain Krakovitch, directeur de TGV-Intercités, Jean-Baptiste Eyméoud, président d'Alstom France et Bertrand Constensoux, directeur du site Alstom d'Aytré ont multiplié les chiffres pour mettre en lumière les apports de leur nouveau joujou : -20 % de consommation d'énergie, -32% d'émissions de CO2, 97 % de composants recyclables pour la dimension écologique. Mais aussi 20 % de place en plus (répartis entre plus d'espace à bord et plus de sièges), une modularité permettant de varier entre 7 et 9 voitures par rame et de jouer sur le nombre de voitures destinées à la première classe ou à la seconde, une capacité maximale de 740 places contre 634 aujourd'hui (en configuration Ouigo) et une connectivité 5G pour l'aspect commercial. S'y ajoute enfin une diminution de 30 % des coûts d'entretien avec l'introduction de la maintenance prédictive grâce aux données fournies par le train ou de nouveaux bancs automatisés de maintenance (BAM).

De quoi faire du TGV M le « bras armé » de la SNCF pour le développement de la grande vitesse en France, selon Alain Krakovitch. Ou encore « l'actif stratégique de demain » pour Christophe Fanichet, qui parle d'une « véritable transformation », voire d'une « révolution » à travers l'exploitation de ce nouveau train. Selon lui, il doit permettre de saisir la dynamique de croissance du trafic ferroviaire qui s'est enclenchée ces derniers mois, avec notamment un été record pour la grande vitesse avec 10 % de voyageurs en plus par rapport à 2019.

S'il doit contribuer au développement du ferroviaire, le TGV M doit aussi barrer la route à la concurrence de Trenitalia entre Paris-Lyon et l'Italie, et peut-être un jour celle de l'opérateur espagnol Renfe. « Le TGV-M sera l'arme principale par rapport à l'arrivée de la concurrence, avec un design et des services que n'auront pas les autres », avait ainsi déclaré Alain Krakovitch l'an dernier

Le Sud-Est, l'Italie puis le reste

Les 115 TGV M actuellement commandées arriveront au rythme de 12 rames par an entre fin 2024 et 2032. Ils seront prioritairement déployés sur l'axe Sud-Est, le Marseille-Lyon-Paris. C'est-à-dire le secteur le plus rentable et le plus convoité par ses concurrents étrangers. Si la configuration bi-classe (avec probablement moins de voitures de première qu'aujourd'hui) sera la plus usitée, une configuration type Ouigo haute-densité est également prévue.

Dès 2026, il entrera également en service vers l'Italie, sur la ligne transfrontalière Paris-Milan, pour pallier à l'obsolescence du matériel actuel qui n'ira pas au-delà de cette date. Équipé pour le système de signalisation européen ERTMS, le TGV M pourra d'ailleurs prendre les lignes à grande vitesse italiennes, contrairement aux trains actuels.

Par la suite, les rames pourront entrer progressivement sur d'autres axes en fonction des besoins, mais aucun plan n'est pour l'instant communiqué par la SNCF. C'est également le cas pour l'évolution du parc actuel de 360 TGV. A priori, les TGV M viendront essentiellement en remplacement de rames actuelles, notamment les dernières à un étage, la croissance venant de leur capacité supérieure en sièges.

Le train qui valait trois milliards

Si les attentes sont grandes, l'investissement est conséquent. Il est estimé aujourd'hui à 3,5 milliards d'euros, un montant significatif pour la SNCF comme le déclare Christophe Fanichet : « c'est un investissement que nous assumons malgré notre situation économique fragile, et que nous avons maintenu malgré la crise et les menaces. »

Cela comprend la commande initiale, passée en 2018, pour 100 rames fermes destinées au trafic domestique, ainsi qu'une commande additionnelle de 15 rames formalisées en août pour la desserte internationale. Le contrat originel comprend également des options pour 100 rames supplémentaires, ce qui pourrait emmener l'investissement complet au-delà des 6 milliards d'euros.

A cela s'ajoute toute la préparation opérationnelle nécessaire au sein de la SNCF pour installer l'outil de maintenance, former les conducteurs, les personnels de bord et les techniciens, ou encore adapter les gares aux 2,6 mètres supplémentaires par rame lors de l'adjonction d'une neuvième voiture (dont la taille est en partie compensée par des motrices plus courtes). Ce dernier chantier, qui concerne principalement la signalétique , a déjà été engagé dans 70 gares de l'axe Sud-Est.

Du côté d'Alstom, Jean-Baptiste Eyméoud mentionne un investissement de 50 millions d'euros pour le seul site d'Aytré. Mais avec une telle commande, il s'assure de l'activité pour 10 ans, voire jusqu'en 2040 si toutes les options sont levées.

Place aux essais

Le passage de cette étape symbolique de la mise en rame doit désormais emmener d'ici à quelques semaines le TGV M sur le chemin des essais dynamiques, qui auront lieu à Velim en République Tchèque. Il pourra alors se frotter à des vitesses de 200 km/h, avant de revenir en France pour poursuivre son développement. Trois rames de présérie prendront part aux essais.

En parallèle, la mise au point des éléments de bord va se poursuivre. Parmi les chantiers en cours, la SNCF cite avec la finalisation des sièges (avec des tests par un échantillon représentatif de personnes), le développement de la voiture dédiée aux personnes en fauteuil roulant - qui doit permettre pour la première fois un accès entièrement autonome - ou encore celui de la voiture bar décrite comme « le fleuron de ce TGV » par Alain Krakovitch.

Léo Barnier

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Commentaires 26
à écrit le 11/09/2022 à 9:26
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Quel est l'intérêt quand le billet de train devient plus cher que l'avion ? On se demande s'il existe encore des comptables capables de calculer un seuil de rentabilité...

le 12/09/2022 à 8:23
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quand je vois la sncf et la region grand est polemiquer sur l(electrification de la ligne paris, baleet fermer 3etes la ligne. et q"aucune autre possiblite est possible c'est un scandale d'etat alors qu'il suffit d'acheter des train a hydrogene ...

à écrit le 11/09/2022 à 8:10
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Croire que la SNCF va devenir compétitive grâce un nouveau TGV est une illusion . Vivement le tarif unique au km parcouru pour tous au lieu de toutes ces cartes et ses tarifs différents

le 11/09/2022 à 18:23
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ca a existe , l etat l a supprimer il y a 15 ans (sarko je crois) : ca s appelait la perequation tarifaire/kilometrique...mais pas applicable au tgv car le seuil de renta etait catastrophique...aucun pays n 'a un train a grande vitesse bon marché......

à écrit le 10/09/2022 à 19:12
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Grave magnifique, d accord public

à écrit le 10/09/2022 à 17:37
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La France est en train de sombrer grâce à la politique ultralibérale hyperatlantiste mafieuse de Sarkozy, Hollande et Macron de l'UE, et sa concurrence débile et non faussée mais suicidaire. Est-ce rééllement un pb, vu que l'avenir du monde est à la...

le 10/09/2022 à 19:34
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Si vous aviez, en France, les services publics à la Chinoise, pas de doute que vous seriez déjà dans la rue avec les camarades pour dire que ça n’est pas possible de continuer comme ça…….

le 11/09/2022 à 18:26
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les services sociaux, publics ou de transports a la chinoise..laissez moi rire allez donc y vivre quelques mois..on en reparle : eau souillée et polluée, transport publics pour aller taffer inexistant ou deficient...et je parle pas du fichage de la ...

à écrit le 10/09/2022 à 14:42
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Un wagon pour qui a un moyen de transport + compartiment pour mettre les trottinettes et les charger . 1 numero de ticket et une personne qui les surveille et les range. integration multimode dans la mobilité de mes usagés. satisfaction globale 99.9%...

à écrit le 10/09/2022 à 14:25
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1 wagon famille , je mets pas une famille avec des enfants avec le reste des passagers. le confort c'est pas qu'un siege. si on dit que ca passe 4 heures/ jour dans un tgv ( paris-lyon,lyon-paris)), j'enleve 1 rangée pour gagner de l'espace entre sie...

à écrit le 10/09/2022 à 13:42
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si je devais mettre un DG à la sncf, je mets un dg d'une compagnie aerienne. l'ouverture à la concurrence => la meme structure de marché et logique que le secteur aerien. demain vous avez le transavia ou le easytrain du ferroviere , ca pernetre le ma...

à écrit le 10/09/2022 à 13:35
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les lignes demain ne sont pas vu comme un reseau mais chaque ligne est vue comme un centre profit ou non. A l'ouverture de la concurrence je sais pas si changer de train ... vs des trains amortis permettront d'asphyxier le nouvel entrant => tgv au ...

à écrit le 10/09/2022 à 7:04
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Ce chef d'oeuvre pourra-t-il rouler sur les voies non électrifiées? Permettra-t-il de joindre les hameaux aux dessertes supprimées? Sinon ce n'est qu'un Château de Versailles pour lequel tout le monde paiera pour le bien-être de quelques privilégiés,...

le 10/09/2022 à 8:53
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un TGV pour desservir des hameaux !?! .....c'est plus qu'éxagéré non ?

le 10/09/2022 à 10:14
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Ce TGV existe.. En Espagne entre Zamora et Urense (Galice) il est équipé d 'un moteur diesel qu il met en route au pied des montagnes; bien-sur cela vibre et claque un peu plus mais c est tout de même impressionnant= SIEMENS

le 10/09/2022 à 13:10
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je pense qu'il existe des gammes. l'innovation, c'est excellent. apres une compagnie ferroviere privée regarde les choses autrement. le Q/P => cout d'investissement train pour etablir un service et son reseau, cout d'entretien et maintenance, le KM...

le 10/09/2022 à 15:21
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Le TGV a été dévoyé et doit faire la Micheline de luxe. Il est censé partir d'un endroit et arriver viiiite à un autre, lointain, pas s'arrêter partout, sinon il n'a pas le temps d'atteindre sa vitesse plafond et doit ralentir, s'arrêter. Les lignes ...

à écrit le 10/09/2022 à 0:32
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Manifestement Alstom est toujours sous perfusion de la SNCF... Par ailleurs, la surproduction de TGV sans réel besoin ne semble pas très bon pour la planète.

à écrit le 09/09/2022 à 20:13
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Le TGV a le nez qui s'allonge ,le gepetto ne serait il pas japonnais ?

à écrit le 09/09/2022 à 19:32
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Bonjour, Avant tout, pour pouvoir survivre à la concurrence... Ils vas falloir changer beaucoup de chose ... Le service dans les gares, les guichets et dans les trains... Le prix du transport ( trops chère et non concurrentiel) La sécurité dans...

le 09/09/2022 à 19:58
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Et aussi sortir de la jungle tarifaire totalement incompréhensible, ainsi qu'un site de réservation fiable !

le 11/09/2022 à 18:30
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les guichets? lol il n y en a plus ( à paris en tout cas) tout est automatisé ou sur votre smartphone à la japonaise....

à écrit le 09/09/2022 à 19:13
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Le problème de la SNCF n'est pas le TGV, c'est les syndicats qui sont eux aussi à grande vitesse pour mettre tout à l'arrêt.

le 11/09/2022 à 18:38
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les syndicats? lol ils ne représentent que 8% des agents apparemment (taux de syndicalisation) ...92% SONT NON SYNDIQUES...VOUS AVEZ dans LA TETE CE QUE L ON VOUS A DIT IL Y A 30-40 ANS.... vous ne connaissez rien à cette boite et donnez des commen...

à écrit le 09/09/2022 à 18:47
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Ce train va d'abord prendre énormément d'électricité

le 09/09/2022 à 19:26
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Comment le savez vous ?

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