Mobilité : verdict jeudi pour la jeune pousse Heetch et ses fondateurs

Le tribunal correctionnel de Paris doit rendre sa décision concernant l'application nocturne de transport entre particuliers à 13h30.
Mounia Van de Casteele
Le tribunal correctionnel de Paris doit rendre sa décision à 13h30.

Article publié le 1er mars et actualisé le 2 mars à 9h

Jour J pour la jeune pousse Heetch et ses deux jeunes dirigeants, qui seront fixés sur leur sort ce jeudi 2 mars 2017. Ils sauront en effet si leur application de transport entre particuliers destinée aux jeunes noctambules leur vaut une condamnation pénale. Le tribunal correctionnel de Paris doit rendre sa décision à 13h30.

Cette date avait été fixée le 9 décembre, à l'issue d'un procès de deux jours au tribunal de grande instance de Paris, afin de laisser le temps au juge d'éplucher les dossiers des quelque 1.500 taxis venus se constituer parties civiles. Le parquet, qui ne voit pas en Heetch une application de covoiturage, avait pris des réquisitions sévères: 300.000 euros d'amende contre la startup fondée en 2013 et une interdiction de diriger toute entreprise pendant deux ans contre les deux fondateurs Teddy Pellerin et Mathieu Jacob.

Terrain d'entente jamais trouvé avec les taxis

"L'économie du partage a de beaux jours devant elle, ce genre de dirigeants ne doivent pas la porter", avait dit la magistrate à l'adresse de Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, contre qui elle a aussi requis 10.000 euros d'amende chacun. Mathieu Jacob avait assuré à la barre qu'il avait toujours été "convaincu de la légalité" des activités de sa société, et qu'il n'avait jamais voulu "dénigrer les taxis". Et avait d'ailleurs rappelé qu'avec Teddy Pellerin, ils avaient en vain essayé d'entrer en contact avec les taxis, tout comme avec la préfecture de Police. Le but n'étant pas d'essayer de supprimer les taxis de la ville mais de trouver un terrain d'entente, convaincus de la complémentarité de leurs services. Il a, à cet égard, rappelé que la majorité des trajets effectués via Heetch incluaient la banlieue et se faisaient le jeudi, vendredi et samedi soir.

Mais, pour la procureure, la "startup créatrice de mobilité nocturne" et ses dirigeants sont coupables de complicité d'exercice illégal de la profession de taxi, de pratique commerciale trompeuse et d'organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non-professionnels.

Les fondateurs de Heetch indifférents au sort de leurs chauffeurs?

Teddy Pellerin a tenté de démontrer la bonne foi de la société, qui agit "en plein tâtonnements" en matière de législation sur l'économie collaborative. Notons en effet que Bercy vient tout juste de clarifier les règles fiscales... onze ans après la naissance de Blablacar, désormais leader en la matière. Lors du procès, les avocats de Heetch ont d'ailleurs comparé les barèmes tarifaires de la licorne française et ceux de Heetch, expliquant que les tarifs du premier, rapportés à des trajets de courte distance, équivalaient à ceux du second. Et vice-versa.

Cependant, pour la magistrate, c'est très clair, Heetch n'entre pas dans la définition légale du covoiturage, et ne peut se dispenser des contraintes réglementaires sur le transport rémunéré de particuliers.

"Le fait qu'une législation vous déplaise ne constitue pas un vide juridique", avait-elle estimé.

La procureure avait par ailleurs reproché aux deux jeunes dirigeants de 32 et 34 ans leur "décontraction" notamment face aux nombreuses garde à vue subies par des conducteurs Heetch, ou par rapport aux amendes payées par certains d'entre eux. Elle a également estimé que Teddy Pellerin, pour plaider sa cause, avait surtout "apporté des éléments de langage" déjà répétés "dix fois" aux médias. Les deux fondateurs ont tenté de corriger l'impression à la fin de l'audience: "On n'a jamais pris à la légère les décisions de justice", a ainsi déclaré Mathieu Jacob, disant sa conviction de contribuer à la "mixité sociale" parce que Heetch organise beaucoup de transports entre la banlieue et le centre de Paris.

Le jeu des différences avec UberPop

Heetch, application nocturne tournant de 20 heures à 6 heures du matin, souligne que les revenus de ses conducteurs sont plafonnés à 6.000 euros par an, somme permettant seulement le "partage des frais" du véhicule. Leur avocat a fait valoir le fait que les chauffeurs touchaient en moyenne 1.700 euros par an et que la médiane, se situait quant à elle à 1.100 euros annuels.

L'application a évidemment été comparée au service UberPop, du géant international des VTC (voitures de transport avec chauffeur) Uber, qui a été lourdement condamné l'été dernier pour des chefs de prévention identiques. Le tribunal avait requis 800.000 euros d'amende dont la moitié avec sursis. Un avocat de Heetch a demandé au tribunal de ne pas faire un "copié-collé" de cette décision: "On veut nous faire croire que Heetch et UberPop c'est blanc bonnet et bonnet blanc". Sauf qu'au départ, les revenus d'UberPop n'étaient pas plafonnés. Mais surtout, les horaires n'étaient pas limités.

Les taxis donnent de la voix : économie du partage ou du pillage ?

Enfin, les avocats des taxis, VTC et organisations professionnelles parties civiles ont eux étrillé Heetch, une "machine à fric" soutenue par de puissants investisseurs et déployant une "communication cynique". "Il ne faut pas que ce qui vous est présenté comme l'économie du partage devienne l'économie du pillage et des ravages", a dit l'un d'eux.

Pour rappel, Heetch annonce 30.000 conducteurs occasionnels. La société est passée de 8 à 51 emplois depuis sa création. Elle a réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de quelque 2 millions d'euros mais reste légèrement déficitaire.

Mounia Van de Casteele

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Commentaire 1
à écrit le 03/03/2017 à 10:04
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Contre des taxis , à qui il est toléré de bloquer aéroports et circulation, ils auront tort; Et la paix sociale ? ?? ?

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