SkyTeam, l'alliance d'Air France-KLM, change de stratégie : retour aux sources

Tout juste après voir accueilli Virgin Atlantic, et avant la possible perte d'ITA Airways avec son rachat par Lufthansa, SkyTeam retrouve peu à peu des couleurs avec la reprise du trafic. Mais plus que la recherche de nouvelles compagnies, l'alliance du groupe Air France-KLM ou de Delta Air Lines, veut renforcer l'intégration en profondeur de ses membres en leur offrant de nouvelles solutions commerciales et technologiques génératrices de plus-value. Au point de se poser comme une alternative aux joint-ventures.
Léo Barnier
Sans abandonner les développements technologiques, SkyTeam veut renforcer la coopération avec ses membres.
Sans abandonner les développements technologiques, SkyTeam veut renforcer la coopération avec ses membres. (Crédits : SkyTeam)

Reléguées au second plan pendant la crise sanitaire, conséquence logique du repli opéré par l'ensemble des compagnies aériennes durant cette période, les alliances globales reviennent doucement sur le devant de la scène dans le transport aérien. C'est le cas de SkyTeam qui entend mettre à profit ce moment de reconstruction pour renforcer son rôle avec une stratégie intégrée, alors que les compagnies membres ont largement donné la priorité aux joint-ventures (coentreprises entre compagnies sur un réseau donné permettant de mutualiser les bénéfices, soit le plus haut niveau d'intégration avant la fusion). Cela s'illustre par un retour au niveau budgétaire d'avant la pandémie, autour de 20 à 25 millions d'euros par an, après une diminution de 80 % pendant la crise.

« SkyTeam est dans une phase de reprise, a déclaré Patrick Roux à La Tribune à l'occasion de l'Assemblée générale de l'Association internationale du transport aérien (IATA). Nous avons passé du temps ces derniers mois à mettre en place notre nouvelle stratégie. » A en croire le directeur général de l'alliance qui comprend entre autres Air France-KLM et Delta Air Lines, la gestion de la crise a été une période d'intenses réflexions pour les équipes : « La pandémie a fait ressortir la valeur d'être ensemble, de ne pas être seul face à des situations inédites. En plus de cela, nous voyons que la façon de nouer des partenariats a évolué. Nous étions depuis quelques années dans une logique où nous nous demandions quel est l'avenir des alliances, parce que ce sont les joint-ventures et les partenariats bilatéraux qui créent véritablement de la valeur. »

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Retour aux sources

Cela s'est traduit par une remise à plat du concept d'alliance : « Ce n'est pas uniquement lié à la pandémie, mais nous avons vu récemment que nous arrivons dans quelque chose de plus complexe et de plus hybride, où les joint-ventures ne sont pas le modèle ultime. » D'où la volonté de Patrick Roux de développer un nouvel axe stratégique, à savoir trouver des solutions pour aider les compagnies de SkyTeam à développer leur business ensemble.

Le dirigeant y voit presque un retour à la mission originelle de l'alliance, lors de sa création en 2000, à savoir aider les membres à étendre leurs réseaux et leur apporter des bénéfices immédiats. « Depuis, cet objectif avait été un peu dilué avec ces joint-ventures ou les projets technologiques, concède-t-il. Nous voulons le relancer. »

L'entité SkyTeam pourrait ainsi être amenée à jouer un rôle direct, en permettant à des compagnies membres de proposer des contrats communs pour vendre des vols à des entreprises. Patrick Roux prend l'exemple d'Air France et de Korean Air souhaitant démarcher ensemble une multinationale : ils pourront fournir leurs grilles tarifaires à SkyTeam, qui fera une offre unique en conséquence à la société en question. Aucune des deux compagnies aériennes n'a connaissance des tarifs de l'autre, ce qui évite une distorsion de concurrence. Des possibilités de combiner les tarifs sont aussi offertes. « Nous arrivons à proposer à nos membres de développer leur business ensemble sans la complexité d'une joint-venture avec des outils très intégrés », résume-t-il.

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Se rapprocher de la Silicon Valley

Patrick Roux ne renie pas pour autant la stratégie des dernières années, « qui était basée sur l'expérience client et la technologie ». Il cite ainsi l'amélioration de la connectivité et la compatibilité entre les outils des différentes compagnies de l'alliance, le « digital spine » qui permet par exemple à un passager Delta Air Lines ou Air France volant chez un autre opérateur de pouvoir s'enregistrer en ligne, choisir des options ou suivre son bagage et son vol depuis ses interfaces habituelles (site Web, application) sans changer d'environnement. « C'est vraiment en phase d'accélération et nous sommes en train de connecter tous les membres entre eux. Cela évite que chacun ait à faire des développements bilatéraux », a-t-il affirmé.

Le directeur général de SkyTeam évoque ainsi un partenariat qui vient juste d'être annoncé avec Plug and play, plateforme de mise en relation entre les entreprises et les start-ups de la Silicon Valley. Il veut ainsi pouvoir tester de nouvelles pistes d'innovation avec les compagnies membres. Il cite l'exemple de l'intelligence artificielle qui pourrait être utilisée pour traiter des cas d'irrégularité de plusieurs vols dans différentes compagnies : « Nous commençons à avoir des outils robustes dans l'environnement d'une compagnie, mais cela devient compliqué dès qu'il y a plusieurs compagnies en jeu. Nous regardons donc comment l'intelligence artificielle peut nous aider. »

Ces développements technologiques pourront être également sources de revenus pour SkyTeam en les commercialisant à l'extérieur. Autant de budget supplémentaire qui servira à faire baisser la contribution des membres. Dans la même veine, Patrick Roux regarde les possibilités de valoriser certains actifs comme la marque SkyTeam « dont la valeur n'est pas exploitée ».

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La durabilité sur tous les plans

En plus de solidifier ce qu'il considère comme faisant partie des fondations de l'expérience client, le patron de SkyTeam veut aussi l'augmenter sur le plan de la durabilité avec un engagement public des membres sur 12 critères communs, à commencer par la réduction de CO2, mais la diversité et l'inclusion ou le bien-être au travail. Dans la même optique, l'alliance a tenu il y a quelques semaines la deuxième édition de son « Sustainable flight challenge », une « compétition amicale » qui enjoint toutes les compagnies à mettre en œuvre des solutions pour réduire l'empreinte environnementale de leurs vols. 22 membres ont ainsi participé au travers de 72 vols, avec une réduction d'émissions de 15 % en moyenne. L'objectif est ensuite de favoriser le partage de bonnes pratiques, mais encore faut-il pouvoir généraliser ces solutions aux plus de 10.000 vols quotidiens de l'alliance. Des mesures de suivi sont tout de même prévues.

De même, Patrick Roux se projette sur les possibilités d'évolutions des programmes de fidélité, en ne récompensant « non plus la fréquence de voyage mais la manière de voyager de façon plus durable ». SkyTeam a aussi lancé un programme pour encourager la féminisation des postes de management.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 27/06/2023 à 18:52
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Grâce à Virgin, l'alliance s'offre une premium economy de qualité car celle de Delta ou AF ne vaut pas la différence de prix payé pour y accéder. Quant à ITA, cela fait longtemps que voler ITA ne permet plus d'engranger de miles ou des XP contrairem...

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