« Tout miser sur les carburants d'aviation durables est une erreur et nous allons le payer très cher » (Marc Rochet, Air Caraïbes)

PARIS AIR FORUM- C'est l'une des solutions plébiscitées par le gouvernement pour décarboner le secteur de l'aviation : développer les SAF, ces carburants sans pétrole auquel le gouvernement va dédier 200 millions d'euros, selon l'annonce d'Emmanuel Macron ce mardi. Mais pour le directeur général d'Air Caraïbes, Marc Rochet, cette solution s'avère trop chère et surtout pas assez économe en émissions carbone. Interrogé par La Tribune lors du Paris Air Forum, ce vendredi, il détaille d'autres pistes à privilégier selon lui.
Pour décarboner l'aviation, les SAF, ces carburants d'aviation durables, sont présentés comme l'une des solutions.

Comment réduire l'empreinte carbone du transport aérien ? Vaste question à laquelle les réponses sont multiples. L'une d'elles consiste à développer les SAF. Ces carburants d'aviation durables qui pourraient permettre au secteur d'atteindre l'objectif européen de neutralité carbone en 2050 auquel il s'est engagé.

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C'est du moins ce dont semble être convaincu le gouvernement français à l'instar des 200 millions d'euros annoncés par Emmanuel Macron ce vendredi lors d'une visite dans une usine de Safran afin de développer ces carburants pour avion sans pétrole.

Ces fonds serviront ainsi à l'implantation du projet BioTJET dans la zone de Lacq (Pyrénées-Atlantiques), qui vise à construire et opérer la première unité commerciale française de biocarburants à destination du secteur de l'aéronautique.

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Des volumes insuffisants et des prix quatre à cinq fois plus chers

Les SAF sont produits à partir de biomasse composée de résidus issus majoritairement de la sylviculture locale (l'entretien des forêts) et de déchets de bois en fin de vie. Ce qui pose un premier problème, souligne Marc Rochet. Invité au Paris Air Forum organisé par La Tribune ce vendredi, le directeur général d'Air Caraïbes et président de French Bee a, en effet, souligné les ressources limitées en biomasse. « Il y a déjà actuellement un vrai débat sur comment utiliser cette matière qui n'est pas en quantité suffisante pour le secteur du transport aérien », pointe-t-il, estimant que les quantités disponibles ne répondent qu'à 20% des besoins de l'aviation.

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Et ce n'est pas la seule difficulté à laquelle se heurtent ces carburants d'un nouveau genre, selon lui. Car ils coûtent bien plus cher que le kérosène. Entre quatre et cinq fois plus et « nous ne voyons pas de baisse significative du tarif à venir », explique Yan Derocles, analyste chez Oddo Securities, également présent au Paris Air Forum ce vendredi. « Une énergie qui coûte quatre fois plus cher, je n'ai pas tendance à y croire », tance Marc Rochet qui avance un troisième argument : « je voudrais que tout le monde soit conscient que quand un avion vole une heure, une minute, ou 100 kilomètres, qu'il soit alimenté à 100% par du SAF ou par du kérosène, il émet la même quantité de CO2 dans l'air ».

En effet, en vol, rempli de carburant vert ou polluant, l'avion brûle la même quantité de CO2. En aparté, Marc Rochet a précisé que les économies de CO2 sont réalisées lors de leur confection puisque les SAF ne nécessitent pas d'énergies fossiles. Même s'ils sont donc moins polluants, Marc Rochet fait valoir qu'ils sont certes « une très belle solution », mais qu'il faut « une quantité d'électricité incroyable pour en produire qui est, actuellement, totalement hors de portée de ce qu'on sait produire ».

Baisser la consommation et davantage de passagers

« Je crois que les SAF feront partie du dispositif mais tout miser là-dessus est une erreur et nous allons le payer très cher », conclut celui qui plaide davantage en faveur d'innovations technologiques au service d'une baisse de la consommation des avions. « À chaque saut technologique, elle diminue de 25% », assure-t-il, estimant « qu'on ne va pas assez vite ». Ainsi, « vous revenez assez vite à l'émission de gaz carbonique actuelle ou d'il y a 10 ans », fait-il valoir, considérant qu'« on ne met pas assez le paquet là-dessus ».

En outre, au défi de la hausse des coûts induite par la décarbonation du secteur, il affirme que les solutions sont multiples et passent par des avions plus modernes, une réforme du contrôle aérien, déployer du matériel électrique dans tous les aéroports, optimiser les trajectoires ou encore concevoir des avions plus légers. Il avance également la possibilité d'une meilleure optimisation de la place à leur bord. Et d'expliquer que « nous avons été les premiers et les seuls à densifier l'avion en mettant dix sièges de front dans nos A350, plutôt que 8 ou 9. Bien sûr, c'est moins confortable, mais avec ça on est capable de produire des prix qui attirent le client car ils restent accessibles ». « Je pense que l'industrie devra être capable d'absorber une partie de ces coûts », conclut-il, n'excluant toutefois pas qu'une partie de cette hausse devra être supportée par le client.

Multiplication du nombre de passagers

Des innovations technologiques et plus de passagers à bord des avions : une solution qui devrait également permettre à la compagnie de répondre au grand nombre de voyageurs à venir. Un point sur lequel alerte la députée écologiste, présidente de la commission transports et tourisme, Karima Delli, craignant que le nombre de passagers actuel, 4,3 milliards, soit doublé. Répondant, lors du Paris Air Forum, à Marc Rochet, elle dénonce que « lorsque vous multipliez le nombre de voyageurs transports et que vous doublez votre flotte, même si vous parvenez à baisser votre consommation de 25%, le bilan reste catastrophique. La question qui se pose est donc de savoir comment allons-nous réguler une croissance qui va ne faire que s'accélérer ». Face à ce phénomène, « certains aéroports décident de baisser le nombre de vols. Il y a, en effet, cette réflexion au niveau européen », fait-elle valoir.

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Commentaires 21
à écrit le 18/06/2023 à 19:00
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Il y a assez d'énergie sur Terre pour faire voler des avions. Il n'y a pas encore assez de dispositifs pour capter cette énergie mais la trajectoire s'améliore. La biomasse est une solution du siècle dernier. Elle n'est pas extensible mais peut procu...

à écrit le 18/06/2023 à 15:14
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Bof tant qu'on peut voyager en avion même au double du prix actuel pendant une vingtaine d'années ça me va. Et puis pour les destinations touristiques il vaut mieux un touriste qui dépense 100€ que 10 touristes qui dépensent 10€. Vive la fin du tou...

à écrit le 17/06/2023 à 22:42
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La seule option est de réduire le nombre de vols ce qui implique une forte diminution du nombre de voyageurs. Pour diminuer le nombre de passagers il suffit d'augmenter fortement le prix des billets d'avion. C'est peut être dur à accepter mais le ...

le 18/06/2023 à 11:46
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Pas certain. Il y a aussi l'autre solution, qui consiste à contingenter les vols: même si vous avez de l'argent, vous ne volerez pas si ce n'est pas votre tour. En gros, il s'agira de mettre en place une mobilisation générale type "service militaire ...

à écrit le 17/06/2023 à 21:38
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Avec SAF "des prix 4 à 5 fois plus chers" et alors ? C'est sur ça sera beaucoup plus cher que de "voler" au kérosène détaxé. "Voler" c'est bien le terme.

le 18/06/2023 à 5:35
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Et alors ? Ça prendra pas , c'est aussi simple que ça. À part rendre volontairent les autres carburants plus cher, le prix c'est le nerf de la guerre....

à écrit le 17/06/2023 à 19:11
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Il y a bien une solution: Moins D'AVIONS ! Surtout quand on voit l"usage qui en est fait. Transporter des hordes de touristes pour de soi-disant vacances! est une aberration. Un enfer pour les "vacanciers" et les autochtones des destinations.

le 18/06/2023 à 5:40
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Donc ne rendre l'avion qu'aux gens fortunés ? Mais quel riche idée ça . Car on sait très bien que l'avion même cher, même bardé de taxe, ne disparaitra pas. Finalement , on aura une liberté de se mouvoir à deux vitesses suivant qu'on soit riche...

le 18/06/2023 à 11:41
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De facto l'avion est déjà, même à ce prix, une source d'inégalité. 55% des français ne prennent l'avion que très occasionnellement, et 56% des français citent l'élément financier pour ne pas prendre l'avion. (chiffres fondation Jean Jaurès entre aut...

à écrit le 17/06/2023 à 18:25
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Marc Rochet a eu son heure de gloire mais comment se projeter vers un avenir qu'il ne connaitra pas ? Pathétiques tous ces experts de sa génération avec leurs oracles !!!

à écrit le 17/06/2023 à 15:48
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Plus de passagers par vol, c'est donc un A380 qui consommerait comme un A350... Parce que faire voyager de manière inconfortable des clients ne résoudra pas le problème.

à écrit le 17/06/2023 à 14:06
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Tout le monde s'imaginent que le futur sera la suite du présent et ne pensent nullement à devoir s'adapter ! ,-)

à écrit le 17/06/2023 à 12:00
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Notre civilisation industrielle s'est construite autour de la consommation d'hydrocarbures et de l'électricité qui en dépend ou presque (hors ENR et Nuc bien qu'il faille construire ces bidules). Actuellement on nous demande de changer, du moins les ...

le 18/06/2023 à 11:55
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Non c est dans toute l Europe , seulement certains pays l ont fait plus tôt que nous donc (10-15 ans) on a un goulet d étranglement … sur tout les sujets : isolation maisons appartement, chaudière, voiture électrique - d ou pourquoi vu le cumul des c...

le 18/06/2023 à 14:28
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Mais qui est le semeur ? Le gouvernement ou le citoyen?

à écrit le 17/06/2023 à 11:47
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Avec de l'électricité renouvelable en période d'excédent de production, on électrolyse l'eau et produit de l'H2 et du O2 (ce dernier ne sert pas à grand chose dans les avions mais se vend très bien et donc, participe au prix final de l'H2). L'électro...

à écrit le 17/06/2023 à 11:34
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"décarboner le secteur de l'aviation" : C'est impossible, ça n'arrivera pas

à écrit le 17/06/2023 à 11:31
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Merci à lui car en effet si on prend rien qu'un peu de recul les conséquences de cette idéologie ne peuvent qu'être dévastatrices. La pensée à court terme n'est que de la pensée courte.

le 18/06/2023 à 12:04
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Le problème c'est que 2100 c'est du court terme. On n'est pas surpris par la catastrophe. Mais on ne la voyait pas si proche (pour paraphraser Macron).

le 18/06/2023 à 16:30
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Ca fait plus de 40 ans que nos classes dirigeantes savaient, si elles avaient voulu l'empêcher elles l'auraient fait, elles ne le veulent donc pas déluge il y aura. Faut arrêter maintenant svp, merci.

le 18/06/2023 à 18:16
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Ils savaient depuis 40 ans nos dirigeants et n'ont rien fait, pourquoi agiraient ils maintenant ? Et pourquoi me censurer cette vérité svp ? Ils veulent le déluge déluge il y aura.

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