Vol Rio-Paris : ce qu'ont dit les premiers experts au procès de l'AF447

Le procès de l'accident du vol Rio-Paris est désormais lancé. Face aux co-accusés, Air France et Airbus, les premiers experts sont venus livrés leurs témoignages sur l'enquête et les recherches menées il y a treize ans. Le scénario de la catastrophe se dessine peu à peu au tribunal correctionnel de Paris.
Léo Barnier
Les premiers experts sont passés à la barre dans le procès de l'accident du Rio-Paris.
Les premiers experts sont passés à la barre dans le procès de l'accident du Rio-Paris. (Crédits : Eric Gaillard)

Après l'émotion de la première journée, les débats ont pris une tournure plus technique lors du procès de l'accident du vol Rio-Paris. Afin de comprendre les circonstances et les causes de l'accident, mais aussi les conditions d'enquête, le tribunal a entendu un premier groupe d'experts en charge des investigations en 2009. Leurs témoignages ont permis de commencer à reconstruire ce qu'il s'est passé il y a treize ans, avec parfois des approximations inhérentes à un si long laps de temps. Il faudra néanmoins encore de nombreux témoins avant que la justice puisse statuer sur la culpabilité ou non d'Airbus et Air France pour homicides involontaires sur la personne des 228 passagers et membres d'équipage du vol AF447.

Le principal témoignage a été celui de Xavier Mulot, colonel de gendarmerie à la retraite et directeur d'enquêtes de 2009 à 2011 en tant que chef de la Section de recherche de la Gendarmerie des transports aériens (GTA). Expérimenté après avoir déjà dirigé l'enquête sur le crash du Concorde en 2000 - tout comme son unité qui est intervenu sur des accidents comme ceux de Flash Airlines West Caribbean en 2005, de XL Airways Germany en 2008 - il a retracé la mise en place de la cellule d'enquête dédiée dans les heures qui ont suivi la découverte de l'accident.

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Un avion en parfait état

L'officier de gendarmerie a indiqué que l'aéronef avait certes subi des incidents par le passé, mais qu'au vu des rapports d'entretien il était « en parfait état de fonctionnement », avec un Check-A (visite de maintenance obligatoire) effectué en avril 2009, deux mois avant le crash.

Xavier Mulot a expliqué qu'en l'absence de l'épave jusqu'en 2011, d'autres méthodes de travail avaient dû être employées en particulier à partir des messages de maintenance automatique envoyés par l'avion (ACARS). Ceux-ci ont très rapidement orienté les investigations vers un givrage des sonde Pitot, qui ont « joué un rôle déterminant dans l'accident ». Un type d'événement survenu, selon lui, à 18 reprises chez des exploitants français entre janvier 2007 et juin 2009, principalement chez Air France. Il a ainsi mentionné le témoignage d'une copilote qui avait vécu une situation identique. D'après Xavier Mulot, celle-ci a déclaré que sa survie avait tenu au fait « qu'elle n'avait rien touché et simplement veillé au maintien de sa vitesse », jusqu'à ce que les indications reviennent.

En dépit de ce rôle déterminant, Xavier Mulot indique que lors des auditions menées avec les différents organismes aéronautiques que sont le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), et l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) s'accordaient tous à dire que le problème de givrage des sondes était « medium et non pas grave au sens juridique du terme » avec une durée temporaire.

Avec quelques imprécisions, corrigées par Madame la juge Sylvie Daunis, l'ancien colonel de gendarmerie a rappelé que l'Airbus A330 disparu était originellement doté de sondes Pitot Goodrich en équipement de série, remplacées par des sondes Thales AA au nom d'un contrat préférentiel passé entre l'électronicien français et Air France. Ces sondes équipaient déjà la flotte A320. De même, il a mentionné le bulletin de service (SB) émis en 2007 par Airbus, entraînant la décision d'Air France de remplacer les sondes Thales AA par les modèles BA dès lors qu'une panne ou une détérioration survenait.

Sur l'équipage, l'officier à la retraite a signalé plusieurs éléments sans pouvoir affirmer que cela avait eu un impact sur leur état d'esprit pendant le vol et leur capacité à réagir de façon appropriée à la situation : arrivée en retard à l'aéroport avant le vol pour raison d'embouteillages, présence à bord de la femme d'un des copilotes et de « l'amie intime » du commandant de bord, le deuxième copilote en cours de séparation. Xavier Mulot a en revanche affirmé qu'ils étaient tous trois à jour de qualification, avec des observations très satisfaisantes et une manière de travailler qualifiée de « standard » (ce qui est positif dans l'aéronautique) par leurs collègues.

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Le devoir de chacun

Questionné par les avocats de la défense, Xavier Mulot a souligné la pleine participation d'Air France et d'Airbus aux investigations et la volonté de chacun de comprendre ce qu'il s'était passé et d'éviter que cela se reproduise, rappelant au passage qu'il s'agissait « d'un devoir de la part de chacun ». Il a également indiqué que l'enquête avait été « exceptionnelle » de par la concertation des différents acteurs et services d'enquête : BEA, DGAC, EASA, Air France et Airbus.

Cette bonne collaboration a également été soulignée par Michel Thommeret, docteur en géologie marine à l'université Paris 6, qui a participé à l'élaboration des recherches en mer en interaction avec le BEA. S'il avait émis quelques réserves à l'époque sur le fait que le BEA conserve pour lui les résultats obtenus tant que les campagnes de recherches étaient en cours, il a insisté sur le fait que les recherches sous-marines avaient été faites « selon les règles de l'art » à l'époque. Et ce en dépit des difficultés pour travailler à des profondeurs aussi importantes (L'épave a été retrouvée par 3.900 m de fond) et dans un relief très accidenté.

Léo Barnier

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Commentaires 4
à écrit le 12/10/2022 à 10:39
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Il faut arrêter le sensationnalisme, le scénario est parfaitement connu et très bien décrit dans le rapport du BEA.

à écrit le 12/10/2022 à 9:03
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Coquille dans le chapeau (“Livrés”)

à écrit le 12/10/2022 à 9:02
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Coquille dans le chapeau (“Livrés”)

le 12/10/2022 à 12:19
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Je viens de commenter sur le même point dans un autre article. Il semblerait que les recrutements de (éventuels) correcteurs à la Tribune se limitent au niveau CE2 (et encore !).

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