Avec 50 milliards pour la transition écologique, le gouvernement verdit son dernier budget

Le ministère de la Transition écologique voit son budget augmenter en 2022 pour atteindre un niveau "historique" de 49,9 milliards d’euros, selon le projet de Loi de finances (PLF) présenté mercredi. Mais de nombreux points clés restent en suspens, notamment les détails du futur plan d'investissement "France 2030" qui devra dessiner les contours de l'industrie hexagonale du futur.
Marine Godelier
Le budget du ministère de la Transition écologique 2022 « augmentera de 3 %, c'est-à-dire d’un peu plus de 1,5 milliard d’euros » pour atteindre 49,9 milliards d’euros, précise-t-on à l’Hôtel de Roquelaure.
Le budget du ministère de la Transition écologique 2022 « augmentera de 3 %, c'est-à-dire d’un peu plus de 1,5 milliard d’euros » pour atteindre 49,9 milliards d’euros, précise-t-on à l’Hôtel de Roquelaure. (Crédits : GONZALO FUENTES)

Verdir le parc automobile, rénover l'ensemble des "passoires énergétiques" ou encore réduire les émissions polluantes dans l'industrie... tout en accompagnant les ménages et les entreprises, dans un contexte de hausse des prix de l'énergie: le défi de la transition est de taille pour le gouvernement, qui compte montrer, à moins de sept mois de la présidentielle, qu'il met de gros moyens sur la table pour y répondre.

Pour cause, le sujet se taille une place de choix dans le budget de l'Etat en 2022 : la part allouée au ministère de la Transition écologique atteindra presque la barre symbolique des 50 milliards d'euros (49,9 milliards), son "plus haut niveau historique", s'est félicité mercredi le cabinet de Barbara Pompili à l'occasion de la présentation du projet de loi finance (PLF) pour l'année prochaine. Le supplément d'"un peu plus de 1,5 milliard d'euros" représente une augmentation globale de 3%, soit  note-t-on à l'hôtel de Roquelaure.

"Avec le plan de relance, jamais un gouvernement n'aura autant investi dans la transition écologique.[...] Ce portefeuille, qui a pu, lors des quinquennats précédents, être le parent pauvre de l'action publique, est désormais parmi les mieux dotés. Il se trouve dans les cinq budgets les plus importants de l'Etat, avec l'Education nationale et les Armées", s'est ainsi félicité l'entourage de la ministre.

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En effet, ce montant inédit s'ajoute aux 30 milliards d'euros du plan de relance consacrés à la transition environnementale, "dont 70% doivent être engagés d'ici à la fin 2021, et le reste en début d'année prochaine", a développé le ministère.

MaPrimeRénov: le dispositif pérennisé, mais contesté par des ONG

Sans surprise, puisque l'annonce date de la semaine dernière, le grand gagnant est le dispositif MaPrimeRénov, lancé en janvier 2020 pour remplacer le crédit d'impôt transition énergétique (CITE). Celui-ci sera pérennisé, avec une enveloppe de 2 milliards d'euros supplémentaires en 2022. Le but : inciter les ménages à rénover leur logement, par une prime ouverte à tous les propriétaires quels que soient leurs revenus.

Il faut dire que, selon le gouvernement, le succès a été au rendez-vous : l'objectif des 400.000 dossiers de rénovation déposés au titre de MaPrimeRénov d'ici à la fin 2021 a déjà été dépassé, et revu à la hausse, avec une nouvelle cible de 800.000 d'ici à décembre.

"Grâce à l'impulsion de MaPrimeRénov, nous nous trouvons enfin sur bon rythme. Il faut désormais le maintenir", avait affirmé le gouvernement la semaine dernière, affirmant une ambition de "concilier fin du monde et fin du mois".

Mais le montant ne fait pas tout, a réagi l'association CLER, membre du Réseau Action Climat, pour qui l'aide n'est pas suffisamment ciblée vers les rénovations réellement performantes. "Elle fait gonfler les chiffres de rénovations, sans faire baisser les factures de chauffage et d'électricité de manière significative, et en dilapidant les ressources du plan de relance", regrette l'ONG, qui demande une hausse du niveau d'exigence.

Le CLER et Action Climat refusent statu quo et manque de cohérence

Quant au chèque-énergie de 100 euros mis en place par le gouvernement pour accompagner les ménages les plus modestes face à la hausse des prix de l'énergie, c'est une "aide curative" liée à l'absence d'une "véritable politique structurante", selon le CLER. D'autant qu'elle serait en fait insuffisante pour véritablement sortir les ménages de la précarité énergétique, pointe le Réseau Action Climat, qui demande une augmentation "de 150 à 170 euros".

De manière globale, l'ONG dénonce un manque de "cohérence" des dépenses, avec le maintien de nombreuses subventions néfastes au climat et à la biodiversité. Et de citer le report de la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole non routier à 2023. Mais aussi le glissement d'une taxe sur le kérosène à une "éco-contribution" sur l'achat de billets d'avion "qui reste très faible". Quant aux garanties export pour les projets d'exploitation de produits gaziers, elles ne seront interdites qu'en 2035.

"Le budget affiché par le ministère de la Transition écologique est en tension avec ces dépenses néfastes, qui bénéficient aux mêmes secteurs. Il ne s'agit pas de les supprimer toutes du jour au lendemain, mais de refuser un statu quo", fait valoir Meike Fink, responsable transition climatique juste au Réseau Action Climat.

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Freinage des suppressions d'emplois au ministère

Le ministère estime néanmoins ne pas avoir à rougir de ce budget en hausse, qui permettra par ailleurs "de donner un coup de frein aux réductions des effectifs du ministère".

Pour rappel, selon des chiffres transmis à l'AFP par la CGT, en 2012, le ministère, qui s'appelait alors de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, comptait plus de 44.500 agents. Neuf ans plus tard, en 2021, ils ne seraient plus que 29.400 environ au ministère de la Transition écologique. En ajoutant les agents des ministères de la Mer et de la Cohésion des Territoires, les effectifs s'établiraient à 35.800 ETP.

Le ministère continuera donc de perdre des emplois... mais à un rythme moins soutenu. Concrètement, les baisses d'emplois à temps plein (ETP) seront limitées à 350 en 2022, contre 1.200 en moyenne les années précédentes au nom de la maîtrise de la dépense publique.

"Les emplois au niveau départemental seront intégralement préservés. Cela permettra d'avoir une écologie qui accompagne les acteurs sur le terrain, qui ne fait pas que prescrire et réglementer", se félicite-t-on au cabinet de Barbara Pompili.

Il y aura même des créations de postes, avec 20 ETP supplémentaires dans les parcs nationaux, en plus des 20 déjà annoncés lors du One Planet Summit de janvier - passant de 803 à 843. Par ailleurs, les effectifs de l'Office Français de la Biodiversité (OFB) seront pérennisés, après avoir subi des coupes. De quoi soutenir la stratégie nationale de la biodiversité, actuellement élaborée par le gouvernement, après le retentissant Congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui s'est tenu au début du mois à Marseille.

PLF 2022, ses oublis, ses zones d'ombre

Reste que le tableau réjouissant brossé par le ministère de la Transition écologique comporte de nombreuses zones d'ombre. Ainsi, plusieurs dépenses annoncées ne se trouvent pas dans le PLF - ce qui a provoqué la vive sortie du Haut conseil des finances publiques (HCFP):

« Pour 2022, le conseil a été saisi sur une base d'informations incomplètes. Faute d'information, le conseil ne peut pas à ce stade, se prononcer sur le solde public de 2022 », a ainsi souligné Pierre Moscovici, président du HCFP et premier président de la Cour des comptes, en audition à l'Assemblée nationale mercredi matin.

Manque notamment le plan d'investissement massif annoncé par Emmanuel Macron, "Bâtir la France de 2030", qui devrait représenter 30 milliards d'euros de dépenses mais dont la présentation a été reportée. Celui-ci se trouve "en cours de concertation", et "a vocation à être intégré par voie d'amendements", répond-on au ministère de la Transition écologique. Car les attentes sont fortes : il y a quelques jours, plusieurs think tanks appelaient le gouvernement à saisir l'occasion pour muscler l'investissement public, alors que les fonds consacrés à la R&D sur l'énergie ont stagné, voire décru ces dernières années, à moins de 0,01% du PIB pour la recherche sur les énergies renouvelables.

"On espère que ce plan d'investissement n'oubliera pas les secteurs ferroviaire et des transports collectifs. Et que son objectif primaire, à l'instar du plan de relance, ne sera pas la création d'activité économique, en faisant passer la transition écologique au second plan malgré l'urgence", pointe Meike Fink du Réseau Action Climat.

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L'examen du PLF 2022 promet de nouvelles revendications à venir

Par ailleurs, au-delà du plan France 2030, l'ambition du PLF 2022 peut encore être rehaussée. Une fois adopté en conseil des ministres, le texte sera déposé à l'Assemblée nationale par le gouvernement, au plus tard le 5 octobre. La majorité et les groupes d'opposition l'examineront alors, et formuleront des propositions. A l'instar du député écologiste Matthieu Orphelin, qui a d'ores et déjà suggéré d'y ajouter un impôt sur la fortune (ISF) "climatique" ciblé sur les hauts patrimoines. De quoi donner un avant-goût des débats de l'élection présidentielle à venir.

Marine Godelier

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Commentaires 10
à écrit le 26/09/2021 à 12:10
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Espérons que sur cet argent là, au moins, les tuyaux de financements ne soient pas encore une fois détournés dans les paradis fiscaux de ceux qui détruisent le monde en ronflant. Et l'idée d'écocide de la remarquable Brune Poirson elle fait son chemi...

à écrit le 24/09/2021 à 12:29
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Dingue mais où passe tout ce fric ???

à écrit le 24/09/2021 à 12:19
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Tout ce qui est donné peut être repris sauf la publicité qu'elle peut générer!

à écrit le 23/09/2021 à 18:03
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C'est pas en déversant des milliards qu'on luttera contre le réchauffement climatique, au contraire. Plus il y a de milliards, et plus il y a d'activité, et plus il y a du CO2. Si on veut lutter contre le réchauffement, il faudrait au contraire arrêt...

le 23/09/2021 à 20:27
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Aucun politicien fait dans l'écologie, ils font tous semblant (les soit disant écologistes compris) on regule les populations de sanglier, lapin.. mais on prévoit pas de baisser le nombre d'humain qu'on est, et tant qu'aucun cherchera à baisser notre...

à écrit le 23/09/2021 à 16:57
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pour aider notre ministre, un apercu sur l industrie nucleaire ;En 2020, 52 centrales nucléaires sont en constructions dans le monde, principalement en Chine et en Inde, alors que 186 unités ont pris leur retraite. Trente pays se partagent un parc de...

le 23/09/2021 à 21:49
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le nucléaire classique est toujours moins cher que l'éolien qui est grassement subventionné avec des prix garantis, sans parler de l'éolien en mer qui est de très loin le plus cher, jusqu'à 240€ du MWh

le 24/09/2021 à 17:06
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240 euors etait le prix en 2017. Nous sommes en 2021, la derniere enchere a Dunkerque est de 45 euros le MWH

le 24/09/2021 à 17:30
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grassement subventionné..

le 25/09/2021 à 4:00
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oui, vous avez raison. le nucleaire est largement subventionne par Paris. 2 preuves Evidentes. Les US, pourtant premiere puissance economique mondiale se refusent a subventionne le nuke . resultat; les Us ferment plus de cenrtales nukes que n impor...

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