Tiny House : garde-manger, douche à recyclage, toilettes sèches, zéro wifi... bienvenue dans la maison low-tech

Pendant dix mois, Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque, deux ingénieurs de formation, ont vécu, en alternance, dans une petite maison équipée de douze low-tech. L'objectif de la démarche ? Prouver que ces technologies de la débrouille sont adaptées à notre mode de vie occidental et permettent, sans perdre en confort, d’adopter un comportement plus écologique.
En mettant la main à la pâte, le coût de construction de la maison s'est élevé à 35.000 euros, dont 3.500 euros ont été réservés à la fabrication des douze low-tech.
En mettant la main à la pâte, le coût de construction de la maison s'est élevé à 35.000 euros, dont 3.500 euros ont été réservés à la fabrication des douze low-tech. (Crédits : Low-tech Lab)

C'est une petite maison dans la prairie, plantée au milieu d'un champ à Concarneau, en Bretagne. Ici, vous ne trouverez pas trois fillettes en train de dévaler une colline verdoyante, les nattes au vent, sous les regards attendris de Charles et Caroline Ingalls. Cette « tiny house » est, en réalité, un laboratoire des low-tech, ces technologies douces qui doivent répondre à un triple objectif de durabilité, d'accessibilité et d'utilité.

Pendant un peu moins d'un an, Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque, deux ingénieurs de formation âgés de la trentaine, ont vécu, en alternance, dans ce micro-habitat coupé de tout réseau: eau, électricité et assainissement. Durant leur séjour, ils ont pu tester, à l'épreuve du réel, douze low-tech. « L'idée, prévient Clément Chabot, ça n'était pas de revenir à la bougie. » L'objectif, derrière cette expérimentation, était plutôt de prouver que ces technologies de la débrouille sont adaptées à notre mode de vie occidental et qu'elles permettent, sans perdre en confort, d'adopter un comportement plus écologique.

Douze low-tech passées au peigne fin

Le projet a été porté par le Low-tech Lab, un programme de recherche et de documentation open-source visant à valoriser ces technologies douces. Le choix de l'habitat comme environnement test n'est pas anodin. Le secteur du résidentiel-tertiaire hors transport représente, au niveau national, la deuxième source d'émissions de gaz à effet de serre (*). Par ailleurs, la précarité énergétique touche près de 7 millions de Français (**). « L'expérience que nous avons menée montre qu'il y a des moyens de vivre mieux en dépensant beaucoup moins », se réjouit Clément Chabot.

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Toilettes sèches, récupérateur d'eau, chauffe-eau solaire... Parmi les douze low-tech passées à la moulinette, il y a eu des réussites... et des échecs. « Le gros point de déception a concerné l'eau, explique Clément Chabot. En moyenne, en France, 143 litres d'eau sont consommés par jour et par personne dans la maison. On voulait trouver un moyen de réduire ce chiffre. » L'équipe de cobayes opte alors sur un système de douche à recyclage permettant, le temps de la toilette, de rester sur un même volume d'eau.

Seulement voilà: nos deux acolytes s'aperçoivent finalement que recycler de l'eau souillée coûte cher, autant d'un point de vue écologique qu'économique. « Ce qui est important dans notre démarche, c'est de regarder le cycle global d'un produit. Dans le cas présent, ça ne correspondait pas aux critères qu'on s'était fixés au préalable », tranche Clément Chabot.

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[Toilettes sèches, récupérateur d'eau, chauffe-eau solaire... Parmi les douze low-tech passées à la moulinette, il y a eu des réussites... et des échecs. Crédits : Low-tech Lab]

Le chauffage, ce « monstre » énergivore

Autre problématique de taille: produire sa propre électricité. Un domaine pour lequel la low-tech atteint ses limites, car il n'existe pas, actuellement, de solution satisfaisante, tant d'un point de vue écologique qu'économique. Pour autant, la philosophie low-tech offre une parade: plutôt que de produire de l'électricité, l'objectif est d'en réduire son usage, sans rogner sur son confort personnel. Et la marge de manœuvre est importante. En effet, seule une petite partie de la consommation d'énergie d'une maison peut n'être satisfaite qu'avec de l'électricité (pour la lumière, les ordinateurs, etc.). Le plus gros enjeu réside, en fait, dans la production de chaleur.

« Le chauffage, rappelle l'ingénieur, est le plus gros poste de consommation d'énergie dans l'habitat. » Pour canaliser ce « monstre », Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque ont notamment eu recours au capteur à air chaud. « Le capteur à air chaud est l'une des low-tech les plus abouties que nous connaissions », s'enthousiasment-ils dans leur rapport, rendu public début février. Ce système, qui consiste notamment à placer un corps noir derrière une vitre pour produire le maximum de chaleur dès qu'un rayon de soleil se présente, fait clairement partie des plus belles réussites de l'expérience.

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Autre succès: la phytoépuration, une version low-tech d'un système d'assainissement des eaux usées qui recourt, notamment, à des bactéries pour dégrader les particules organiques et ainsi les rendre assimilables par le milieu naturel. Sa spécificité: utiliser des plantes pour stimuler l'activité bactérienne, là où un système traditionnel mécanise le processus.

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[Le système low-tech de phytoépuration est disposé dans le jardin de la tiny house. Crédits : Low-tech Lab]

Débrancher le frigo

Au rang des bonnes trouvailles, figure aussi le garde-manger, cette méthode de conservation autrefois très répandue, notamment dans les campagnes, et qui a connu un déclin à l'arrivée des réfrigérateurs. « Le frigo, rappelle Clément Chabot, fait partie des gros postes de consommation d'énergie dans une maison, car il tourne toute la journée. » Par ailleurs, il est loin d'être le système de conservation des aliments le plus efficace. « Conserver n'est pas synonyme de faire du froid », rappellent, à cet égard, les ingénieurs dans leur rapport. « Mettre des fruits et des légumes dans le froid revient à les tuer », illustre par exemple Clément Chabot.

Durant leur expérience, les deux amis ont donc créé un meuble respectant différentes ambiances de conservation, pour différents types d'aliments. Dans un tiroir sec, aéré, à la lumière, ils ont rangé leurs abricots, aubergines et autres avocats. Les pommes de terre, oignons ou encore courges étaient quant à eux conservés dans un tiroir doublé de toile de jute pour les abriter de la lumière. Enfin, un caisson en bois, suspendu à la façade extérieure de la maison, permettait de recréer une ambiance fraîche et humide. « Pendant l'été, on n'a pas pu se passer de frigo », admet toutefois Clément Chabot, pointant, par la même occasion, tout l'objectif de la démarche low-tech. L'idée n'est pas de se passer entièrement des méthodes traditionnelles, mais plutôt de les coupler avec des techniques plus novatrices et moins énergivores.

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[Pour conserver leurs aliments dans une ambiance fraîche et humide, Clément et Pierre-Alain ont suspendu un garde-manger à la façade de la maison. Crédits : Low-tech Lab]

Tour de France

Au final, en n'utilisant qu'une bouteille et demi de gaz, ainsi qu'une machine à laver à l'extérieur de la maison low-tech, la facture énergétique de Clément Chabot et Pierre-Alain Levêque s'est élevée, au terme des dix mois d'expérience, à une centaine d'euros. À titre de comparaison, les Français payaient, en moyenne, 960 euros d'électricité par an, selon des données de l'Insee datant de 2016.

Leur projet ne s'arrête pas là. Posée sur un chassis de remorque, la maison va désormais voyager dans toute la France, et faire étape dans au moins six grandes villes. « L'idée est de donner envie au grand public de sauter le pas, mais aussi de rencontrer des professionnels pour comprendre les besoins et les freins qu'ils rencontrent, afin de les lever ensemble », détaille Clément Chabot. La première escale devrait être à Rennes, en septembre prochain.

(*) Données issues du rapport Secten 2018 du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa).

(**) Chiffre tiré d'un rapport de l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), publié en novembre 2018.

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ZOOM

Low-tech : suivez le guide

Depuis sa création en 2013, le Low-tech Lab effectue un travail de documentation des low-tech. « L'objectif, explique Clément Chabot, est de partager des démarches et des savoir-faire, pour que chacun puisse les intégrer et mieux vivre ». Jusqu'à présent, une centaine de ces technologies ont été répertoriées. « On arrive à balayer une bonne partie des usages, applicables dans plein de contextes différents », se félicite-t-il. Difficulté, coût et durée de fabrication, tutoriel pas à pas... Toutes les informations nécessaires à la réalisation des low-tech sont réunies dans des fiches techniques, disponibles gratuitement sur le wiki du Low-tech Lab. Ce travail étant collaboratif, chacun peut apporter sa pierre à l'édifice. À noter que le site du Low-tech Lab est actuellement en refonte, là encore pour coller au plus près à la philosophie prônée par l'association. « La démarche low-tech s'applique aussi au numérique, qui a aujourd'hui un énorme impact écologique, développe Clément Chabot. On essaie d'avoir un site qui soit le plus léger possible ».

Lire aussi : Comment le numérique pollue dans l'indifférence générale

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ENCADRÉ

Et si vous sautiez le pas ?

Sourcer, documenter et diffuser les low-tech sur le web, c'est bien, mais comment passer au concret ? En 2019, le Low-tech Lab a ouvert sa première antenne locale à Grenoble. Cette année, l'association devrait en ouvrir une seconde, à Boulogne-Billancourt, en région parisienne. Ces relais locaux ont trois objectifs. Le premier est de fédérer les gens intéressés par le sujet des low-tech. Le second, de les accompagner dans leurs démarches pour les aider à sauter le pas, notamment en bénéficiant de conseils techniques. Enfin, de faire découvrir la philosophie low-tech à l'échelle de leur région. « L'objectif, à plus long terme, est d'avoir un maillage mondial de Low-tech Lab », explique Solène Rennuit, responsable communication de l'association. D'ici là, si vous souhaitez obtenir plus d'informations concernant ces antennes locales, vous pouvez écrire à l'adresse suivante : [email protected].

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Commentaires 13
à écrit le 16/02/2020 à 18:45
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Le low tech c’est aussi moins d’internet et de numérique, énormes consommateurs de C02 (plus que l’aviation). Donc poster des commentaires ici est déjà en complète contradiction avec ces principes (que je n’approuve pas complètement, étant logique a...

à écrit le 14/02/2020 à 4:18
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35KE cette boite ! On peut faire bcp mieux avec des containers recycles et assembles capables de rouler.

à écrit le 13/02/2020 à 19:34
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Le low tech avec une phytoépuration qui n'épure rien.... Le mieux c'est le système BioMicrobics BioBarrier, recyclage à 100% des eaux usées avec de vraies performances et une vraie certification.

à écrit le 13/02/2020 à 16:53
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Ben oui mais le consuel et la spanc ils en pensent quoi? Et si tu veux elever des momes la dedans, je te parles pas des services sociaux. Mais "sur le principe" c'e'st bien

à écrit le 13/02/2020 à 16:41
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Mon réfrigérateur/congél (partie haute) de cuisine consomme 10kWh/mois (la VMC c'était 48, la nouvelle économe/hygroréglable 3kWh/mois), c'est sûr ce que c'est pas négligeable mais pas énorme non plus. En proximité il faudrait faire comme mes parents...

à écrit le 13/02/2020 à 14:21
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35000 € pour ce placard ! C'est une plaisanterie ? Voila donc ce que nous reserve le futur segment economique de developpement durable .

à écrit le 13/02/2020 à 12:54
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Pas besoin d'être ingé, il faut avoir pour le coup des savoirs faire! J'ai dans l'idée de le faire, je n'en dits pas plus, mais disons que la modélisation est la clef! Un petit pied de nez aussi puisque mon but sera que tout sera accessible et ...

le 15/02/2020 à 10:59
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Ici en Coree de +en+ de gens se cassent des grandes villes et s'installent en province pour y vivre autrement. Le truc qui marche du feu de dieu est le recyclage de container de 40 m3. Decoupes, ouverts, isoles ces bidules sont etonnants. De loin ...

à écrit le 13/02/2020 à 10:48
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La toilette sèche est sans aucun doute la base de notre lutte contre le réchauffement climatique, le reste n'est qu'accessoire a notre confort! Tout doit être recyclé sur place!

à écrit le 13/02/2020 à 10:46
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Enfin un article qui nous ramène à la réalité des gens. Pour la lumière dans le sud nous sommes gâtés mais en ce qui concerne le frigo pas moyen de s'en passer. Cet art de vivre se mérite et ces innovateurs doivent se plier à certaines contraintes jo...

à écrit le 13/02/2020 à 10:20
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Merci au Low Tech Lab d'ouvrir la voie et de nous faire (re)decouvrir) quelques aspects physiques dans l'utilisation de l'energie dans la vie quotidienne. Pour experimenter et utiliser dans la vie quotidienne quelques techniques mentionnees dans l'a...

à écrit le 13/02/2020 à 8:47
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Merci pour cet article intelligent, maintenant sachant que déjà si vous voulez faire des toilettes sèches il faut dédommager financière Véolia, déjà, la première pierre à poser pèse deux tonnes. La nature et l'humanité auraient intérêt, fortement...

à écrit le 13/02/2020 à 8:11
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le mot important c'est ' en alternance' une americaine avait fait pareil elle etait allee vivre en alaska au milieu des ours, loin de tout dans une cabane sans alternance elle a tenu 1 an

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