Trouver de l'argent en se passant des banques ? Pas si difficile !

Face au durcissement des conditions posées par les banques, les entreprises de taille moyenne se tournent vers des solutions de capital-investissement et d'émissions obligataires. Ces alternatives existent depuis plusieurs années, mais leur intérêt se confirme par l'ampleur grandissante de la demande.
3,83?% sur six ans et demi, c'est la rémunération de la première émission obligataire en placement privé européen, émise par le Groupe bonduelle avec le crédit agricole cib. Un succès?!

Les PME restent les entreprises les plus consommatrices de crédit bancaire. Selon le rapport de la Cour des comptes sur l'État et le financement de l'économie (juillet 2012), 72?% du nombre de lignes de crédits accordées par les banques entre janvier 2009 et juillet 2010 leur étaient destinés. Mais les banques, qui ont du mal à se refinancer sur les marchés, ne cessent de durcir les conditions d'octroi de prêts, comme le déplorent les trois quarts des patrons de PME, selon le baromètre KPMG de juin 2012 pour la CGPME. Conséquences de ce durcissement pour les petites et moyennes entreprises : les frais augmentent, les montants prêtés sont plus faibles et des garanties supplémentaires sont exigées par les banques.

Un hybride entre dette senior et fonds propres

Or, dans le même temps, les besoins de financement progressent. Plus des deux tiers des PME (68 %) déclarent avoir au moins un besoin de financement pour investir ou alimenter la trésorerie. « Les PME ont besoin de relais aux financements traditionnels », observe donc Fabrice Imbault, directeur général adjoint de la société de gestion A Plus Finance, avant d'ajouter : « Nous leur proposons des véhicules collectifs comme les Fonds d'investissement de proximité (FIP) ou des fonds communs de placement à risques (FCPR) investis au moins à 50 % dans des sociétés non cotées par le biais d'obligations convertibles. » Le plus souvent, il ne s'agit pas de se substituer aux banques, mais de compléter le montant nécessaire.
Les entreprises concernées par les prestations d'A Plus Finance ont déjà un historique de bons résultats, à l'image de la société grenobloise Adeunis RF, spécialisée dans les systèmes de transmission radio sans fil (9 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2011). Elle a levé 2,1 millions d'euros en obligations convertibles fin 2011. « Face aux propositions de financement traditionnel en fonds propres, un financement obligataire répondait à notre double objectif de préserver notre indépendance capitalistique et de trouver des ressources nouvelles pour financer l'accélération de nos activités », notamment à l'international, raconte Hervé Vincent, PDG d'Adeunis RF.
Les alternatives au crédit sont aussi souvent recherchées à l'occasion de la transmission de l'entreprise. Les fondateurs de la société PIL (Produits industriels lorrains), installée à Nancy, qui fabrique depuis 1984 des produits de fonte pour les travaux publics - comme des plaques d'égout -, ont ainsi fait appel à A Plus Finance pour organiser la cession de l'entreprise à travers un financement mezzanine de 2,5 millions d'euros, monté avec un pool de banques, et un apport en fonds propres des repreneurs de PIL. Le financement mezzanine est un financement hybride entre dette senior (prêt bancaire) et fonds propres (capitaux apportés par les repreneurs), souvent sous la forme d'obligations convertibles.

Le boom du capital investissement

Un autre montage, par le biais d'un Owner Buy Out (OBO), peut permettre de combiner la préparation de la transmission de l'entreprise et le financement de son développement. L'OBO est un rachat de l'entreprise conjointement par son dirigeant et des investisseurs par le biais d'un holding créé pour l'occasion. Ce montage a été utilisé par la société Cap Champenois, spécialiste des portes et fenêtres en aluminium (lire ci-contre).Certes, ces solutions de capital investissement existent depuis quelques années, « mais ce qui est nouveau, c'est l'ampleur de la demande », indique Fabrice Imbault. Entre l'été 2011 et l'été 2012, A Plus Finance a étudié 70 dossiers de financement obligataire, contre 20 l'année précédente. Une croissance forte malgré le coût plus élevé pour l'entreprise que le crédit bancaire classique.
Les entreprises de taille intermédiaire, comme Bonduelle (1,7 milliard de chiffre d'affaires), peuvent rechercher directement des investisseurs. Le fabricant de légumes en conserve vient ainsi de réaliser, avec l'aide de Crédit Agricole CIB, la première émission obligataire en placement privé européen pour une société non notée par les agences financières. Cette solution de placement privé (par opposition à un placement sur le marché) se présente elle aussi comme « une alternative au financement bancaire traditionnel », précise le Crédit Agricole Nord de France dont Bonduelle, installé à Renescure, dans le Nord, est client. Avec un coupon rémunéré à 3,83 % sur six ans et demi, cette émission a rencontré un franc succès auprès d'assureurs européens qui cherchaient des placements plus rémunérateurs que les obligations d'État. Au point que la transaction a été portée à 145 millions d'euros au lieu des 100 millions initialement prévus.
Reste que ce type d'opération ne peut pas concerner les très petites entreprises. Or, il y a « une urgence absolue », selon le syndicat des indépendants, car les « réponses bancaires sont coûteuses et inadaptées ». Pour cette raison, l'ancien patron des Banques Populaires, Philippe Dupont, vient de lancer Isodev. Destinée notamment aux artisans et commerçants, Isodev dispose de 30 millions d'euros pour accorder des prêts participatifs à des entreprises avec un chiffre d'affaires entre 250 000 euros et 15 millions d'euros. Et les TPE devraient aussi pouvoir se tourner bientôt vers la Banque publique d'investissement, dont la création serait imminente.

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Owner buy out en Champagne

Le dirigeant de Cap Champenois, fabricant de menuiseries en aluminium à Reims, voulait à la fois financer la réunion de deux sites industriels et monétiser son patrimoine professionnel. Avec l'aide de Celca Conseils, filiale spécialisée en fusions-acquisitions de la Caisse d'épargne Lorraine-Champagne-Ardenne, il a opté pour une opération owner buy out (OBO), soit le rachat par le dirigeant, grâce à l'endettement du holding et un investisseur. L'entreprise (5 millions d'euros de CA) est désormais coiffée par un holding de tête détenu à 60?% par le fondateur et à 40?% par l'un de ses fournisseurs. Le cash ainsi dégagé a permis de financer en partie (à 40?%) la réorganisation des deux sites industriels, avec le complément d'un crédit bancaire. Selon Franck Delval, directeur de Celca Conseils, « sans l'OBO, le projet industriel n'aurait pas pu avoir lieu ».

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