Usine marémotrice : Eastport surfe sur la vague

La première usine marémotrice de l'histoire des États-Unis vient d'être ouverte à Eastport, dans le Maine. Cette petite ville de 1.322 habitants située à quelques kilomètres de la frontière canadienne a décidé de parier sur l'énergie renouvelable.
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Quand la Ocean Renewable Power Company (ORPC) est venue contacter la ville d'East-port, en 2008, pour lui proposer d'y installer la première usine marémotrice des États-Unis, les 1.322 habitants de cette petite ville de l'État du Maine n'ont pas été surpris. Eastport est localisée dans l'immense baie de Fundy, connue pour ses puissantes marées avec de forts courants. Des courants qui génèrent une énergie cinétique prévisible et régulière. « Les éoliennes c'est bien, souligne Bob Peacock, le président du conseil municipal d'Eastport. Mais vous ne savez jamais quand le vent va sou? er, alors qu'ici je peux prédire cent ans à l'avance les mouvements de la marée. » En septembre dernier, la première turbine appelée « TidGen », capable de délivrer une puissance de 180°kilowatts et d'alimenter pour l'instant 25°foyers, a été mise en marche. Elle constitue une première étape d'un ambitieux chantier qui prévoit, d'ici à 2016, l'installation d'une vingtaine de générateurs dans les eaux profondes de la baie. Entre le développement des turbines et les études pour étudier la marée et les meilleurs emplacements possibles, le projet - financé par ORPC et le département fédéral de l'Énergie - a déjà coûté 21 millions de dollars. Ocean Renewable Power Company a signé un contrat de vingt ans pour alimenter les réseaux de trois compagnies d'électricité du Maine. Le prix du kilowatt a été fixé à 16,3 centimes d'euro, soit 6 centimes plus cher que le prix moyen du kilowatt dans la région. Indexé sur les coûts de production, le tarif devrait considérablement baisser dans les années à venir au fur et à mesure que la technologie va s'affiner. « Les habitants sont fiers de ce projet, concède Bob Peacock qui a tenu un rôle de consultant bénévole. Nous n'avons pas de pétrole, pas de gaz, l'électricité est notre seule solution. Et cela nous permet de ne dépendre de personne en ce qui concerne l'énergie. » À terme en 2016, les 2.000 foyers de la région seront alimentés avec cette électricité.

Des projets couteux pour une Amérique en crise

L'utilisation de l'énergie marémotrice de la baie de Fundy n'est pas un concept étranger pour les anciens d'Eastport. En 1935, le gouvernement américain, sous l'impulsion du président Franklin Delano Roosevelt, avait commencé la construction du barrage de Quoddy. Un projet énorme. Mais dans une Amérique alors en pleine récession, le Congrès avait supprimé son financement. L'impact économique avait été conséquent pour la ville d'Eastport qui avait été déclarée en banqueroute. Par la suite, les présidents Dwight Eisenhower, John F. Kennedy puis Jimmy Carter ont voulu relancer la construction du barrage. En vain. Le barrage Quoddy est devenu une légende qui se raconte de génération en génération. Le conseil municipal avoue avoir eu quelques réserves au moment de considérer l'offre d'ORPC. « Nous avions des doutes, raconte en souriant Bob Peacock. Car au début, ils n'ont pas compris la complexité de nos marées, ils ont fait des erreurs et cela a été tout un apprentissage pour eux d'arriver à écouter les pêcheurs et les marins du coin. Ils ne s'attendaient pas à une telle expertise. » Mais le changement est en marche à Eastport. En plein marasme économique lors du lancement du projet en 2008, touchée de plein fouet par le chômage, la petite ville a directement bénéficié de l'arrivée d'ORPC. À l'aune de ses 1.322 habitants, les chiffres sont éloquents : 4 millions de dollars ont été dépensés sur place dans l'achat de matériel, dans les salaires, les locaux, les logements et dans les restaurants. Cinquante habitants ont travaillé à mi-temps sur le projet et dix personnes travaillent à plein-temps désormais depuis que le premier générateur a été lancé. ORPC a envoyé 38°salariés sur place, ce qui a permis aux restaurants de rester ouverts pendant l'hiver, période où ils sont fermés normalement. Il y a quatre ans, Eastport comptait seulement trois restaurants. Il y en a seize désormais. L'hôtel et la dizaine de bed and breakfast d'Eastport ne désemplissent plus. « Le tourisme a augmenté, précise Bob Peacock. Nous sommes passés d'un état dépressif à une joie énorme. »

Une ville en pleine ébullition

Début octobre, le paquebot The World, véritable ville flottante, est venu mouiller dans le port. Car Eastport s'ouvre au monde. Des officiels du Chili, du Japon, de Russie, du Danemark, d'Irlande, d'Angleterre, d'Island, séduits par le potentiel de cette énergie renouvelable, sont déjà venus visiter les installations pour s'en inspirer. L'État du Connecticut envisage d'installer une usine sur sa rivière du même nom. Plusieurs villes côtières des États-Unis pourraient être influencées par la réussite éventuelle de ce projet. « La ville est en pleine ébullition, affirme Bob Peacock. Il n'y avait rien à l'horizon pour les jeunes et là tout change. Ils côtoient des ingénieurs en énergie marine, des architectes, des biologistes, des scientifiques en tout genre. Il y a une émulation. Les gamins réalisent que l'on peut partir faire de hautes études scientifiques et revenir travailler dans la région. C'est une véritable révolution. »

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