Plaidoyer pour une alliance stratégique étroite entre la Grèce et la France face à la Turquie

OPINION. La Grèce et la France doivent resserrer encore plus leurs liens pour protéger l'Union européenne contre les ambitions de la Turquie en Méditerranée orientale à travers un accord de coopération en matière de défense et de sécurité avec une clause d'assistance militaire mutuelle. (*) Par Notis Marias, professeur des Institutions de l’Union européenne, Université de Crète-Grèce, ex-député au Parlement Européen (2014-2019) et ex-député au Parlement Grec (2012-2014).
La conclusion d'un Accord de coopération en matière de défense et de sécurité avec une clause d'assistance militaire mutuelle entre la France et la Grèce serait un acte fort que M. Erdogan ne pourra pas ignorer. (Notis Marias, professeur des Institutions de l’Union européenne, Université de Crète-Grèce, ex-député au Parlement Européen et ex-député au Parlement Grec).
"La conclusion d'un Accord de coopération en matière de défense et de sécurité avec une clause d'assistance militaire mutuelle entre la France et la Grèce serait un acte fort que M. Erdogan ne pourra pas ignorer". (Notis Marias, professeur des Institutions de l’Union européenne, Université de Crète-Grèce, ex-député au Parlement Européen et ex-député au Parlement Grec). (Crédits : DR)

Le président de la République française, Emmanuel Macron, a avec courage réitéré, lors de sa récente rencontre avec Angela Merkel à Brégançon, l'engagement de la France aux côtés des forces de la paix et de la stabilité dans la Méditerrané orientale. La Grèce et Chypre comme aussi la Libye sont des victimes du révisionnisme de l'Histoire que le président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan essaie d'imposer par le chantage, la force ou la "négociation forcée". La doctrine de M. Erdogan se base sur la révision du traité de Lausanne de 1923, proposition publiquement avancée déjà par lui-même en décembre 2017.

Paris et Athènes protègent les intérêts de l'Europe

La France et la Grèce sont des alliées historiques dont les intérêts en termes de sécurité régionale convergent tout autant plus dans la conjoncture actuelle. Le nouveau "pivot asiatique" des Etats-Unis a créé un vide géopolitique dans la région du Proche-Orient. Un vide que des forces comme la Turquie essayent de combler. Néanmoins, la Méditerranée est un espace stratégique pour l'Europe et M. Erdogan est bien au courant de cela. Des forces comme la France et la Grèce avec leurs actions protègent les intérêts de toute l'Europe dans la région.

De son côté, la Turquie d'Erdogan vise à devenir un pôle géopolitique régional, qui interviendra de manière directe ou indirecte dans toute la région. L'incident du 10 Juin 2020, dont la frégate Courbet a été victime, est bien l'expression du comportement agressif, illégal et dangereux de la Turquie d'Erdogan. La Grèce est aussi victime depuis des nombreuses années d'incidents similaires dans son espace maritime et/ou aérien.

"Dysfonctionnements cérébraux" de l'OTAN

Le positionnement de l'OTAN face à l'incident du 10 Juin montre bien les "dysfonctionnements cérébraux" de l'Alliance. Similairement, les positions des États membres de l'Union européenne (UE), malgré l'existence de l'Article 42, paragraphe 7 du traité sur l'Union européenne (traité UE), n'ont pas été à la hauteur de la menace, dont un État membre de l'Union, la France en l'occurrence, a été victime. Cet article n'est pas perçu par des pays tiers comme une clause de défense collective. L'Europe de la défense, malgré les tentatives des certains pays comme la France et la Grèce, ne semble pas être parmi les priorités des autres États membres de l'UE.

L'Histoire démontre qu'une Union comme l'UE, si elle a des ambitions à accomplir, un rôle au niveau mondial pour la paix et la stabilité, ne doit pas négliger le volet de la défense et de la sécurité. L'UE dispose indiscutablement le "soft power" mais pour faire face à des forces, comme la Turquie, dont la seule attitude, qui compte à ses yeux est le "hard power", elle a besoin de construire son propre "hard power" également.

Les provocations récurrentes de la Turquie

Que faire en attendant l'accomplissement de l'Europe de la défense ? La question se pose assez naturellement d'autant plus pour des pays comme la Grèce. En ce sens, j'ai eu l'occasion en tant que député au Parlement Européen d'interpeler le président Macron à ce sujet lors de la session plénière du 17 avril 2018 à Strasbourg. J'ai proposé la conclusion d'un Accord de coopération en matière de défense et de sécurité avec une clause d'assistance militaire mutuelle entre la France et la Grèce. Suite aux interventions des députés, le président Macron a déclaré, lors de la séance au Parlement européen, que "la France se tiendra à chaque instant aux côtés de tout État membre lorsque sa souveraineté sera attaquée" et il a rajouté : "c'est également la position que nous tenons constamment aux côtés de la Grèce lorsqu'elle est menacée en Méditerranée orientale".

Après avoir à plusieurs reprises foré dans la zone économique exclusive de Chypre, la Turquie a illégalement effectué, ces dernières semaines, des recherches sismiques d'exploration d'hydrocarbures dans une zone située sur le plateau continental grec. Cela constitue une provocation de plus après la modification du statut de Sainte-Sophie mais surtout elle constitue une violation directe des droits souverains grecs et par conséquence des droits souverains de l'UE. Les peuples français et grec ont toujours été solidaires en temps des crises respectives. Les mots d'ordre "nous sommes tous des Européens grecs" et "France-Grèce-Alliance" semblent être partagés au sein des sociétés française et grecque respectivement.

Resserrement nécessaire des liens franco-grecs

Face au comportement de M. Erdogan, il est temps que la Grèce et la France passent aux actes. La présence des forces armées françaises aux côtés des celles de la Grèce, ces dernières semaines lors des exercices militaires, est une première étape. La conclusion d'un Accord de coopération en matière de défense et de sécurité avec une clause d'assistance militaire mutuelle entre la France et la Grèce serait un acte fort que M. Erdogan ne pourra pas ignorer. Un tel Accord pourrait s'accompagner d'accords d'approvisionnement d'équipements militaires français par l'armée grecque comme aussi d'accords de coopération en matière de recherche et innovation dans ces domaines. Des projets à forts contenu local est un paramètre clé pour la Grèce. Selon, les informations de La Tribune les entreprises françaises semblent avoir une démarche qui permettrait aux universités comme aux entreprises grecque d'être parties prenantes des projets industriels.

Néanmoins, l'achat des frégates française par la marine grecque rencontre, selon La Tribune, certaines difficultés. Certes, il s'agit d'une affaire commerciale mais le juste prix doit être conclu. Les deux parties ne doivent pas perdre de vue les enjeux stratégiques et le contexte général comme aussi les contraintes du budget de l'État grec. Le facteur déterminant, à mon avis, pour la Grèce dans cette négociation doit être la conclusion de l'Accord de coopération en matière de défense et de sécurité avec une clause d'assistance militaire mutuelle entre les deux pays. En même temps, une puissance mondiale comme la France, qui a l'ambition de représenter l'Europe géopolitique et qui revient de manière très active sur la scène de la Méditerranée orientale, doit choisir ses alliés locaux et accepter d'assumer un certain "prime de leadership" (premium of leadership) financier vis-à-vis ses alliés locaux. En gardant ces principes en vue, je pense qu'un Accord équilibré et mutuellement bénéfique doit pouvoir être conclu le plus vite possible.

De son côté, M. Erdogan essaierait d'utiliser le moindre retard ou fissure de cette alliance franco-hellénique afin d'essayer un rapprochement potentiel avec la France dans l'objectif d'isoler, si possible, la Grèce de ses alliés. Pour ces raisons la France et la Grèce doivent maintenir le cap actuel, fermer leurs oreilles aux "sirènes géopolitiques" et accélérer leurs démarches de rapprochement.

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Commentaires 27
à écrit le 31/08/2020 à 23:00
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Personne ne semble intéressé par cet espace de liberté que nous envient 2.245.854 325 personnes privées de liberté .d'expression. J 'ai vu aujourd'hui à Marseille,devant le MUCEM un tag destiné à son excellence, M.Erdogan "fais 13 attention " .A 100...

à écrit le 30/08/2020 à 22:50
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Aucun contradicteur ?Devant les insultes d 'Erdogan sur les Présidents Grecs et français je m'interroge sur la dangerosité des populistes incultes ,.Ils ne parlent pas anglais ,n'ont aucune culture historique ,des ignares .Les ,,,,imbéciles se recon...

à écrit le 29/08/2020 à 8:19
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Elle était devenue une icône de la lutte pour la défense des droits de l'homme en Turquie. La « dernière des Mohicans » face au virage autoritaire et nationaliste de Recep Tayyip Erdoğan. Après 238 jours de grève de la faim, l'avocate et militante de...

à écrit le 28/08/2020 à 22:53
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Les États de l'Union européenne sont liés par une obligation d'assistance ,en cas d'agression .Les Turcs sont agressifs, en refusant l'arbitrage de l'ONU ,car ils savent qu'ils ont juridiquement tord et qu'ils perdront, car les îles ont un plateau co...

à écrit le 28/08/2020 à 19:48
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Quand la Turquie s'éveillera , la lune tremblera .

à écrit le 28/08/2020 à 14:54
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Je note qu'on nous a vendu l'Europe comme un étant un rempart dont le mot d'ordre était "L'union fait la force". Quand je vois comment l'Europe arrive a exister face aux Etats-Unis, la Russie, la Chine, la Turquie j'étais déjà atristé. Mais devant sa...

à écrit le 27/08/2020 à 19:32
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Si l'UE ne parle pas d'une seule voix pour contrer ce coup de force elle ne se relèvera pas et sera soumise à des chantages permanents... Souvenons nous de Chamberlain qui brandissait son papier et la courageuse réponse de Churchill... Ou sont les a...

le 27/08/2020 à 20:59
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Faut rien attendre de L'Europe, elle n'existe pas en tant que rempart pour une protection commune, c'est les marchés qui intéressent avec un coup bas pour le travail ,d'où une politique d'immigration soutenue pour maintenir le chômage et réduire les ...

le 28/08/2020 à 14:17
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@Albert. Quand on fait référence aux accords de Munich, il ne faut pas oublier que la France n'a pas dénoncé , et même encouragé l'accord avec les turcs pour garder le million et demi de migrants dans des camps, se mettant à la merci de chantage . Po...

le 28/08/2020 à 21:02
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L'U.E.en tant que telle n'a pas d'armée et n'a pas mandat des États Membres en matière de défense. Les États Membres souhaitent rester pleinement souverain en cette matière. Les Pays-Bas ne représentent qu'eux-même, il suffirait de leur demander à...

le 29/08/2020 à 11:28
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@loco , ce que vous dites est une belle chansonnette , le résultat c'est que ils sont distribués dans toutes les localités villes et villages notre pays au gré des associatiobns financées par l'état et les régions et comme ils faut les occupés , des...

à écrit le 27/08/2020 à 18:07
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Soyons pragmatique sur le plan économique la Grèce est un nain ,la Turquie présente plus d'opportunités. Donc oublions les réactions affectives et laissons la Grèce se débrouiller seule ,nous n'avons rien à gagner à supporter la Grèce. A tous ceux ...

le 28/08/2020 à 4:24
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Limitons cette vue utilitariste des relations internationales. Cela ne grandit pas ceux qui écrivent ainsi. Nous sommes alliés de la Grèce. La Turquie peut être un partenaire ou un concurrent. Nous devons défendre nos alliés. C’est normal.

le 28/08/2020 à 11:21
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Bonjour, La Grèce est en tant que « nain » ne cherche pas à intervenir dans les election françaises à travers sa diaspora.. Erdogan a donné directement et publiquement des consignes de vote lors des élections allemandes. On l’eut évidemment pense...

le 28/08/2020 à 11:26
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D’autre part la Grèce pourrait elle aussi ne pas s'embarrasser d’affects et trouver un accord avec les turc pour expédier directement par bateau devant les côtes françaises les milliers de réfugies et demandeurs d’asile qui débarque quotidiennement s...

le 28/08/2020 à 20:10
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L'UE reste une puissance économique de tt premier plan qui n'a (pas encore??) de légitimité ni de souveraineté politique. Pourquoi ne pas réactualiser des pourparlers et des négociations pour intégrer la Turquie à l'UE, sachant que des liens socio é...

à écrit le 27/08/2020 à 14:38
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Les coalitions ont toujours été a "l’initiative" des guerres mondiales et "l'europe" n'y échappera pas!

à écrit le 27/08/2020 à 13:59
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La Grèce ne veut pas de la France. Elle a refusé d'acheter des Frégates FDI Françaises. Elle préfère les navires Allemands ou US !

à écrit le 27/08/2020 à 13:09
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La Turquie reste pour les US, par l'outil de souveraineté qu'est l'OTAN, un rempart incontournable contre la volonté de puissance impérialiste et belliqueuse de la Russie de Poutine sur tt le MO et la Méditerranée Orientale et l'affirmation de puissa...

le 28/08/2020 à 4:28
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Ça fait 3 ans que les USA auraient du remettre le rigolo en place. Mais la Erdogan est passée entre les gouttes. Donc non, si on en est là c’est parce qu’il le faut.

à écrit le 27/08/2020 à 12:59
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Au lieu d'offrir 3 à 4 milliards d'€ à la Turquie nous aurions mieux fait de les confier à la Grèce. L'Allemagne est sous emprise : son importante colonie turque n'attend qu'un signal d'Erdogan pour entrer en action et donc Angela ne bouge pas le pet...

à écrit le 27/08/2020 à 10:56
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Pays pillé par son oligarchie avec l'aval de ses politiciens et les banquiers européens qui maintenant n'a plus rien obligé de quémander de l'aide militaire aux premiers venus, tout ceci est bien pathétique. Vite un frexit.

le 28/08/2020 à 13:21
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Ils peuvent se passer de notre aide n'en doutez pas. Ce ne sont pas des guignols sur le terrain militaire. Je pense même qu'ils ont la supériorité technologique et la maîtrise des airs et des mers face aux Turcs, qui d'ailleurs le savent bien, ce p...

le 28/08/2020 à 16:50
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SI en plus ils peuvent se passer de nous en effet la question ne se pose même pas, qu'ils se débrouillent entre eux !

à écrit le 27/08/2020 à 10:44
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Ce sont les coalitions qui ont permis toute guerre mondiale... "L'europe" c'est loin d'être la paix... C'est le conflit permanent interne comme externe!

à écrit le 27/08/2020 à 8:37
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Ah comme on aime la France quand il faut l'envoyer au combat, sachant que nos présidents n'ont pas besoin du feu vert du parlement pour lancer des aventures militaires !!!!

à écrit le 27/08/2020 à 8:16
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Après le traité de Versailles, le traité de Lausanne ! Décidément , on en fini pas de la 1ère guerre mondiale. Pourvu que les espagnols ne rappellent pas les traités des Pyrénées et les anglais ne ravivent la guerre de cent ans !

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