Et si le capitalisme était le plus écologique  ?

Contrairement à une idée reçue, l'économie de marché protège les ressources naturelles. Leur monétisation permise par l'instauration de droits de propriété est une puissante incitation à les préserver. Car quand ces ressources appartiennent à tout le monde, elles sont généralement exploitées jusqu'à l'épuisement. Par Laurent Pahpy, ingénieur, analyste pour l'Institut de recherches économiques et fiscales (IREF).
Vue du centre de recherche d'aquaculture de Cargill à Dirdal (Norvège). L'aquaculture satisfait l'augmentation de la demande en poisson depuis le début des années 1990 et va bientôt dépasser la pêche traditionnelle en quantité. Les espèces marines menacées de surpêche comme le thon rouge sont celles qui n'ont pas encore été domestiquées.
Vue du centre de recherche d'aquaculture de Cargill à Dirdal (Norvège). L'aquaculture satisfait l'augmentation de la demande en poisson depuis le début des années 1990 et va bientôt dépasser la pêche traditionnelle en quantité. Les espèces marines menacées de surpêche comme le thon rouge sont celles qui n'ont pas encore été domestiquées. (Crédits : Reuters)

Les dernières prévisions alarmantes du GIEC justifieraient pour beaucoup une remise en cause radicale de notre modèle de civilisation. Lors de son ultime discours en tant que ministre de l'Écologie, Nicolas Hulot avait expliqué qu'il n'avait « pas réussi à combler cette ligne de faille entre l'économie et l'écologie ». La recherche perpétuelle et égoïste de profit épuiserait les ressources de la planète et nous mènerait droit à la catastrophe.

Protéger la nature grâce au profit

De multiples exemples à travers le monde contredisent cette affirmation péremptoire. En Namibie, une approche contre-intuitive a été adoptée dans les ranchs privés depuis près de cinquante ans. Les éleveurs ont remplacé leurs troupeaux de bovins par des réserves de faune et de flore locales. L'attrait des touristes occidentaux pour les safaris est bien plus profitable et permet aux propriétaires de rentabiliser la reproduction et la protection des girafes et autres antilopes face au braconnage. Dans ce pays, la population d'animaux sauvages dans les ranchs a augmenté de 80 % depuis l'instauration de droits de propriété privée en 1967.

Ce succès s'explique par la recherche du profit. Considérée à tort comme un vice, elle est un puissant incitateur pour le propriétaire à prendre soin de son capital naturel s'il parvient à le monétiser par la culture, l'élevage ou le tourisme. Lorsqu'une ressource n'appartient à personne (ou à tout le monde - ce qui revient au même), chacun est amené à la piller, à l'exploiter ou à la polluer jusqu'à l'épuisement total. Ce constat n'était pas étranger à Aristote, qui remarquait que « ce qui est commun au plus grand nombre fait l'objet des soins les moins attentifs. L'homme prend le plus grand soin de ce qui lui est propre, il a tendance à négliger ce qui est commun ».

Défaillance ou défaut de marché ? La tragédie des biens communs

Les drames écologiques surgissent moins de la défaillance que du défaut de marché, à l'image de la surpêche où il n'est pas possible de définir des titres de propriété sur les poissons en l'état de la technologie actuelle. Néanmoins, quand cela peut se faire, l'instauration de droits de propriété est le meilleur moyen de mettre fin à la tragédie des biens communs et d'attribuer une grande valeur aux ressources écologiques rares. Les réussites sont légion.

À 40.000 euros le kilo, le commerce de corne de rhinocéros en Afrique du Sud permet aux propriétaires des animaux de financer la protection et la reproduction du mammifère tout en en tirant profit. C'est en garantissant des droits de propriété marqués au fer rouge sur les bisons d'Amérique que l'espèce a été sauvée de peu de l'extermination au XIXe siècle. Autre exemple, l'aquaculture permet de satisfaire toute l'augmentation de la demande en poisson depuis le début des années 1990 et va bientôt dépasser la pêche traditionnelle en quantité. Notons que les espèces marines toujours menacées de surpêche comme le thon rouge sont celles qui n'ont pas encore été domestiquées.

Croissance économique et écologie

Certes, le développement économique affecte parfois dramatiquement les écosystèmes et la biodiversité, mais il arrive un seuil à partir duquel la situation s'inverse et s'améliore grâce aux richesses et aux technologies accumulées. L'augmentation des rendements agricoles permet de nourrir en quantité et en qualité la population tout en laissant la place à des espaces naturels plus sauvages. Dans les régions ayant dépassé un PIB par habitant de 3.900 euros, les forêts reprennent du terrain. Même si des efforts doivent encore être accomplis, la qualité de l'air s'est grandement améliorée dans les pays occidentaux. Dans ces derniers, les déchets plastiques sont traités, stockés ou recyclés à plus de 95 % et ne sont plus rejetés dans la nature.

Lorsque nos besoins élémentaires sont satisfaits et que notre niveau de vie augmente, une partie de nos ressources peut être allouée au recyclage, à la protection de la biodiversité et à la production d'énergies décarbonées. Dans les pays ayant adopté l'économie de marché et qui sont, par conséquent, les plus riches, l'indice de performance environnementale bat tous les records. La France est d'ailleurs en deuxième place derrière la Suisse et devant le Danemark. Même le World Wide Fund (WWF), dont l'approche méthodologique est fortement critiquable, calcule que la biodiversité a augmenté de 10 % dans les pays riches depuis les années 1970.

Dans les pays qui refusent l'économie de marché, le non-développement économique est à l'origine des plus grands drames écologiques de notre époque. L'absence de traitement des eaux et des déchets véhicule des maladies gravissimes. Les affections diarrhéiques tuent encore près de 4.000 personnes par jour dans les pays pauvres. Une personne meurt toutes les dix secondes dans le monde à cause de la pollution de l'air issue de la cuisson au feu de bois. En plus de sauver des centaines de milliers de vies chaque année, la gazinière ou le raccordement électrique limitent la déforestation.

Mettre le capitalisme au service de la nature

Les approches décroissantes ou malthusiennes sont donc des contresens si l'on veut améliorer la situation écologique de la planète tout en éliminant la misère et les maladies. Si la nature est capitale pour l'humanité, protégeons sa valeur économique grâce au capitalisme pour lutter contre la tragédie des biens communs !

Comme l'expliquait l'économiste Julian Simon, le statut de « ressource » est relatif à l'usage que l'on en fait. Leur rareté fait augmenter leur prix ce qui incite les entrepreneurs à les rationner, les recycler, ou en développer des substituts. La connaissance, la technologie, la richesse accumulées depuis deux siècles et les innovations que nous n'imaginons pas encore nous permettront de nous adapter au changement climatique. Nous sommes déjà capables d'inventer des robots sous-marins face aux parasites de la grande barrière de corail, de modifier génétiquement des moustiques contre la malaria et de développer des plateformes de crowdfunding pour sanctuariser des espaces naturels.

Débarrassons-nous des marchands de peur et de catastrophisme. Libérons-nous des entraves à la recherche scientifique et au développement technologique. Par l'innovation et nos choix de consommation quotidiens, devenons les acteurs du progrès dans une économie de marché résolument prospère et écologique.

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Commentaires 20
à écrit le 14/07/2020 à 22:01
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Bonjour, Vous écrivez : "... les pays occidentaux. Dans ces derniers, les déchets plastiques sont traités, stockés ou recyclés à plus de 95 % et ne sont plus rejetés dans la nature". Je ne sais pas ou vous trouvez vos chiffres ! En matière de recy...

à écrit le 16/05/2019 à 18:45
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Bonjour, Merci pour votre article. Je souhaite faire appel à une extrême vigilance par rapport à ce qui est développé dans votre article. Il y a déjà un certain manque vis à vis des affirmations et des sources. Ensuite je souhaite complètement...

à écrit le 08/12/2018 à 13:00
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Merci d'accepter le débat malgré mon incompétence politique .Vous êtes trop bon !Je pense que le capitalisme ,le socialisme le libéralisme n'existent y pas .Ce sont des idées abstraites ,des constructions intellectuelles .Ce qui existent ce sont des...

le 10/12/2018 à 21:38
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Les responsables sont bien les personnes. Mais les idées existent! En revanche vous continuez à ne pas répondre à la question posée. Personne ne prétend que ceux qui soutiennent et profitent du système capitaliste protègent la nature. Ni l'auteur n...

à écrit le 07/12/2018 à 15:30
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Bien sûr dans l'ex URSS et ses colonies c'était pire .Pas de contre pouvoir ,de liberté de la presse ,de syndicats ,d'associations de consommateurs !J'ai vu les murs lépreux des immeubles collectifs en RDA et je sais qu'à Riga dans des appartements s...

à écrit le 07/12/2018 à 10:15
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Des arguments ?Les fabricants de cigarettes ont fait ,pendant des dizaines d'années ,du lobbying pour démontrer l'absence de risque sur la santé publique !Idem actuellement pour les implants !Dans sa remarquable contribution l 'ex préfet d'Alsace rap...

le 08/12/2018 à 9:18
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Vous êtes hors sujet. Le problème posé est simple "est ce qu'on protège mieux ce qui nous appartient ?" Tous les exemples que vous donnez sont ceux de destruction de ce qui n'appartient pas aux responsables de ces destructions. Le principe du libéral...

à écrit le 06/12/2018 à 21:01
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Le capitalisme ne survivrait pas à la vraie écologie, car c’est une question de «  valeurs »( ce sont des extrêmes , deux pôles opposés , le jour comme la nuit...)

à écrit le 06/12/2018 à 17:48
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"le capitalisme était le plus écologique" Evidement dès lors qu'on supprime les paradis fiscaux. Le capitalisme, c'est une guerre économique où la recherche des gains priment. L'optimisation des circuits d'approvisionnement les plus courts, du sto...

à écrit le 06/12/2018 à 17:05
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Très bon article mais qui ne va pas assez loin dans son raisonnement : les actionnaires d'une entreprise peuvent être vus de la même façon. Dès lors qu'ils sont noyés dans une masse d'autres actionnaires capitalistes, ils reproduisent le même schéma ...

à écrit le 06/12/2018 à 16:44
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Ne cofondons pas la financiarisation et la globalisation avec le capitalisme national pour démontrer que les problèmes écologiques sont a régler de matière globale avec l'appui de la finance! Seul la relocalisation et la responsabilité sont les sol...

à écrit le 06/12/2018 à 15:37
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Et que dire des fabricants de gadgets inutiles ?

à écrit le 06/12/2018 à 15:29
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Merci pour cette belle démonstration .J'ai des actions dans des fabriquants de cigarettes ,de produits phytosanitaires ,de moteurs diesels trafiqués .Je ne souhaite pas que leur cours baisse !Par contre que le territoire français soit une poubelle po...

le 06/12/2018 à 21:20
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Bonjour Il faut se donner un peu de mal quand on pretend démontrer qu'Aristote se trompe non? Ironiquement c'est vous qui apportez des preuves à l'analyse de l'auteur puisque tout vos exemples montrent que personne ne prend soin de ce qui ne lui a...

à écrit le 06/12/2018 à 14:57
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"L'économie de marché protège les ressources naturelles"....Heureusement que je suis assis...

à écrit le 06/12/2018 à 13:49
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Je ne doute pas de vos intentions, mais l'article est rempli de contre-verités (il a été démontré par example que les marchés financiers sont incapables de donner un prix à la rareté et que le signal prix n'existe pas) et il semble que nous ne connai...

à écrit le 06/12/2018 à 13:46
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Article interessant qui pose bien des questions. Effectivement, dans nombre de systèmes agricoles, je pense en particulier en Haïti, le défaut de propriété est la cause de l'exploitation minière des terres: personne ne construit de murs pour retenir ...

à écrit le 06/12/2018 à 12:26
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Je suis triste pour vous, car vos illusions vont très prochainement se déchirer et ce moment vous fera si mal, comme à nombre d'entre nous quand nous avons compris, admis la trajectoire et les terribles conséquences. Je suis triste pour nous car v...

à écrit le 06/12/2018 à 12:02
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Cela devient ridicule. Face à un siècle de destruction capitaliste, accélérée par la forme la plus prédatrice nommée néo-libéralisme, on aurait besoin de plus de capitalisme? D'appliquer un logique monétaire à ce qui n'a pas de prix ? On arrivera aux...

à écrit le 06/12/2018 à 11:51
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Ah oui d'accord, en fait les multimilliardaires qui exploitent des milliards de tonnes de ressources environnementale pour les polluer en masse n'y sont pour rien... Logique voyons ! C'est la faute au consommateur mais bien sûr, en voilà une idée nou...

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