L'urgence de décarbonation est une opportunité pour développer notre industrie

OPINION. Dans cette période de crise, il est nécessaire de soutenir notre industrie lourde, notamment en favorisant la décarbonation et en affirmant notre souveraineté industrielle. Pour cela, il faut déployer massivement l'énergie solaire, éolienne, nucléaire, géothermique, hydroélectrique. Surtout, il faut faire un choix politique clair au moment où nous nous trouvons à un croisement historique. Par Benoit Decourt et Pascal Penicaud, cofondateurs d’Elyse Energy.
(Crédits : Reuters)

L'Europe, et la France particulièrement, ont connu depuis les années 70 une désindustrialisation réelle de leurs économies. Ce recul a été vécu dans la douleur par beaucoup de nos concitoyens affectés par les fermetures de sites, l'augmentation du chômage et le sentiment de déclassement.

Bon an, mal an, l'industrie européenne est néanmoins restée un moteur essentiel de l'activité économique du continent. Longtemps sous les radars, elle s'est doucement réveillée, ré-enchantée. L'usine, qui s'était faite discrète, redevient motif de fierté.

La crise sanitaire a placé les Européens face à une réalité inconfortable : à force de délocalisations, nous sommes devenus terriblement dépendants de chaines d'approvisionnement extra-européennes fragiles, pour nous soigner (les principes actifs de nos médicaments), nous protéger (les masques de protection), ou nous déplacer (les puces électroniques de nos véhicules).

L'urgence de faire un choix

Las, la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine risque de tout emporter.

L'augmentation des prix du gaz et de l'électricité menace le mouvement de relance industrielle. Elle fait aussi peser un risque existentiel sur le cœur vibrant de l'industrie européenne : l'industrie lourde.

Si celle-ci avait bien résisté à la désindustrialisation grâce à une modernisation accrue et une énergie bon marché d'origine nucléaire ou hydro-électrique, la flambée actuelle des prix de l'énergie bouleverse cet équilibre.

Dans ce contexte, il est urgent de faire un choix : accepter et accompagner la fin de l'industrie lourde en Europe, ou relancer le développement industriel à la faveur de sa décarbonation et de la reprise en main de notre indépendance stratégique.

L'épuisement progressif des ressources de gaz naturel en Mer du Nord, combiné aux bouleversements du secteur électrique, interrogent légitimement sur la capacité à fournir de manière compétitive l'énergie primaire nécessaire à l'industrie lourde en Europe. Certains experts des renouvelables estiment ainsi qu'il sera impossible de garder ces industries sur notre continent, et appellent à accompagner la fin de ce secteur pour limiter son impact socio-économique.

Une nouvelle logique circulaire

D'autres, dont nous sommes, sont convaincus que l'urgence de décarbonation offre une opportunité historique pour développer notre industrie dans une nouvelle logique circulaire, plus sobre et vertueuse.

La production locale de molécules bas-carbone comme le méthanol, actuellement issus de gaz naturel et importé, fournit par exemple un débouché pour valoriser le carbone émis par l'industrie. Associé à de l'hydrogène vert, ce carbone, transformé en méthanol, est directement utilisable par les industriels de la chimie en quête d'intrants durables, mais aussi par les opérateurs maritimes comme carburants alternatif durables.

Sous réserve de règles du jeu adaptées, comme la taxation carbone aux frontières, ce type de projets, que nous développons, participe à la pérennisation de l'industrie en France sans nuire à sa compétitivité. Il ne vise pas l'insularité, mais bien la reprise de contrôle partielle des approvisionnements critiques. Il améliore la balance commerciale et fournit des emplois. Il reconnecte production et consommation et permet une meilleure maîtrise de l'impact de ces activités, aujourd'hui caché sous le tapis des émissions importées.

Le choix entre ces deux options - accompagner la fin de l'industrie lourde en Europe, ou relancer le développement industriel à la faveur de sa décarbonation - est éminemment politique. Il revient aux citoyens et à leurs représentants. Ce choix est également précaire. L'absence d'une action résolue des pouvoirs publics, pourrait, de facto, entériner l'abandon et la délocalisation définitive de l'industrie lourde européenne.

Un vrai choix politique

Dirigeants d'une PME industrielle et engagée, nous appelons à un vrai choix politique. Nous ne croyons pas à la fatalité d'une Europe sans usines, d'une France muséifiée. Pour faire ce choix, nous appelons d'abord à ne pas abandonner notre industrie lourde dans cette période de crise. Nous appelons ensuite à un soutien résolu à la décarbonation et la souveraineté industrielle. Enfin, nous souhaitons un déploiement massif et rapide de nouveaux moyens de production électrique, solaire, éolienne, nucléaire, géothermique, hydroélectrique, pour produire l'énergie bas-carbone nécessaire à notre industrie, à notre chauffage, à nos véhicules, à notre agriculture, à nos avions et à nos navires.

Le choc gazier et électrique est du même ordre que le choc pétrolier de 1973. Aurons-nous l'audace et la force collective d'alors, incarnés par le programme nucléaire civil ? Ou suivrons-nous l'exemple britannique qui, consciemment ou non, les conduisit à sacrifier leur industrie. Nous sommes incontestablement à un croisement historique.

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Commentaires 4
à écrit le 09/12/2022 à 17:37
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Pour dire tout et son contraire, rien de mieux que l'annoncer par un titre pareil !! Bref ! Générons du carbone pour en supprimer.... mais, surtout ne changeons pas nos habitudes ! ;-)

à écrit le 09/12/2022 à 16:16
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Oui à la logique circulaire ! L'hydrogène, comme le méthanol sont des opportunités pour relancer notre industrie lourde tout en restant durable.

à écrit le 09/12/2022 à 16:03
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Mais non, il n'y a aucune "urgence" de décarbonation

le 09/12/2022 à 17:05
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Il n'y a pas urgence en tout cas pour la production électrique qui, en France était déjà décarbonée à presque 90% il y a encore quelques années. La transition soit disant écologique a un peu assombri le tableau en introduisant les filières renouvela...

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