
Trois démissions en 24 heures. Les députés LREM Pierre Person, Sacha Houlié, et Aurore Bergé ont finalement décidé les uns après les autres de quitter les instances dirigeantes de leur « parti ». Tout s'est joué en quelques heures, au lendemain de plusieurs législatives partielles particulièrement catastrophiques pour « En Marche ». « En démissionnant, ils veulent surtout tuer [Stanislas] Guérini, le patron de LREM », décrypte un initié du parti présidentiel. Ces démissions ne seraient donc qu'un énième épisode de la guerre fratricide que se livrent macroniens de la première heure, entre jeunes issus de « la bande de la Planche », ces anciens supporteurs de Dominique Strauss Kahn, et anciens du MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes), appelés également « la bande de Poitiers » ?
Depuis 2017, ces deux « bandes » s'opposent au sein de la macronie pour s'attirer les bonnes grâces présidentielles. D'ailleurs, en début d'été, Person et Houlié, tous deux issus de « la bande de Poitiers », semblaient encore croire au « mouvement » LREM. Au point d'avoir imaginé avec Stéphane Séjourné, l'ancien conseiller politique d'Emmanuel Macron à l'Elysée, un putsch pour en prendre le contrôle. C'est que ces trois là sont des militants de la première heure. Avec quelques autres, ils avaient fondé, dès 2015, « les Jeunes avec Macron ». Une véritable réussite, qui avait permis à l'époque au ministre Macron de disposer d'une première base de militants, bien avant le lancement d'En Marche qui, lui, avait été supervisé et concocté par l'ancien conseiller politique Ismaël Emelien, pur produit d'Havas.
En début d'été donc, Pierson, Houlié et Séjourné multipliaient en toute discrétion les réunions pour peaufiner leur OPA sur LREM. Eux et leurs supporters se répartissaient déjà les postes, imaginaient encore un tournant social au quinquennat. Et puis, rien. Leur opération échoua avant même d'être lancée.
En démissionnant, ces ambitieux ont voulu frapper les esprits, mais c'est également une manière pour eux de prendre acte de leur échec estival. LREM reste aux mains de Stanislas Guérini et de ses amis de la bande de la Planche, bien que ces derniers suscitent des critiques toujours plus acerbes au sein de la majorité. « Marre de jouer la caution de cette bande inefficace ! », s'exclame ainsi l'un des démissionnaires.
À moins que tout cela ne soit le début d'une autre histoire... Car ces démissions ne permettent elles pas aux intéressés de préparer « le coup d'après », comme le souffle l'un de leurs amis... ? Comme s'il était urgent de créer autre chose que LREM pour préparer 2022, et la probable candidature d'Emmanuel Macron.
En réalité, dès le début du quinquennat, la structure LREM n'a jamais trouvé sa place dans le dispositif macronien. Le pouvoir y est effectivement concentré à l'Elysée. À l'origine, certains des plus proches du chef de l'Etat, tel Alexis Kohler, le tout puissant secrétaire général de l'Elysée, avaient même imaginé pouvoir se passer d'un parti en bonne et due forme tout au long du quinquennat. Pour eux, la Vème République n'exige pas le jeu des partis. Au contraire, ce régime est fondé, pensent-ils, sur « la rencontre d'un homme avec le peuple ». Une lecture plébiscitaire de nos institutions... bien éloignée de la rhétorique de campagne de 2017 fondée sur « l'horizontalité ».
Malgré cette tentation, LREM existe toujours. Au sein des équipes dirigeantes, on trouve d'ailleurs deux très proches d'Emmanuel Macron : Philippe Grangeon, qui était il y a encore peu conseiller politique à l'Elysée, et Jean-Marc Borello, patron du groupe SOS, spécialisé dans l'action sociale. Car si LREM est loin d'être le lieu du débat d'idées dans la macronie, ce « parti » a constitué au fil des années une sacré cagnotte du fait des financements publics. À ce titre, LREM reçoit 22,5 millions d'euros de subventions annuelles. Résultat, en cinq ans, la structure aura perçu 112 millions d'euros de subventions publiques ! « La moisson est magnifique, c'est sans doute la seule raison qui fait que le parti existe encore », commente un membre de la majorité. En quelques années, LREM est donc devenu un coffre-fort. De quoi susciter de nombreuses convoitises au sein de la belle famille des marcheurs.
Sur le terrain des idées, les partisans du « nouveau monde » ont souvent tendance à renvoyer les partis dans « l'ancien monde ». Selon eux, dans le cadre de la Vème République, ces derniers ne seraient pas des instruments si utiles et indispensables pour gravir la plus haute marche du podium, le graal politique en France : l'Elysée. C'est pourquoi les équipes d'Emmanuel Macron à l'Elysée envisagent désormais le lancement d'un nouveau mouvement de supporters pour accompagner une probable candidature en 2022.
Il n'y a pas que la macronie qui préfère mettre les partis dans la poubelle de l'histoire. Au sein des oppositions, la forme parti n'a guère le vent en poupe. Après avoir lancé les « Insoumis » en 2016, Jean Luc Mélenchon est lui aussi passé à autre chose, et réfléchit sérieusement à créer un nouveau mouvement dans l'optique de 2022. À droite, Xavier Bertrand n'a cessé d'expliquer qu'il se situe aujourd'hui « au-dessus des partis », faisant sienne cette formule gaullienne, et préférant utiliser la carte d'élu régional pour se positionner. Et il y a quelques jours, Marine Le Pen laissait entendre qu'elle pourrait démissionner du RN, pour se consacrer à 2022, et lancer son propre mouvement. Décidément, tout est bon pour intéresser les Français au combat présidentiel. L'histoire nous montre pourtant que se priver de partis n'est pas forcément une bonne chose pour la démocratie. « Nouveau monde » ou pas.
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