Producteurs, distributeurs de contenu et télécoms : quel modèle européen ?

OPINION. La Commission européenne a annoncé le lancement d'une consultation sur la contribution des grandes plateformes, notamment les GAFAM, au financement des réseaux télécoms au premier semestre 2023. Chaque partie fait valoir ses arguments. Ce qui est important, alors que la question de la régulation du numérique est un enjeu majeur des prochaines années, ce sont les faits et la cohérence des politiques publiques. Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po.
Laurence Daziano.

Au niveau européen, la Commission réfléchit à mettre en place une contribution financière des vendeurs de contenus. Les opérateurs télécoms considèrent que les producteurs de contenus utilisent une part de plus en plus importante de la « bande-passante » et estiment qu'ils doivent participer au financement du développement des réseaux. La Commission y voit également l'opportunité d'augmenter la qualité des réseaux avec le passage à la 5G et de réduire les zones blanches qui peuvent encore exister sur le territoire européen.

En France, au même moment, deux conflits commerciaux agitent le monde des médias. Après l'échéance de leur contrat de distribution, le groupe Canal+ a arrêté de diffuser fin août les chaînes gratuites du groupe TF1 (TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI), faute d'avoir pu trouver un accord financier pour son renouvellement. Quelques semaines plus tôt, Orange arrêtait la diffusion des chaines locales de BFM (groupe Altice), les deux parties n'étant pas parvenues à s'entendre sur la rémunération de la diffusion de ces nouvelles chaines qui ne sont pas prévues dans la rémunération du contrat de diffusion initial. Dans les deux cas, plusieurs millions de téléspectateurs n'ont plus eu accès à leurs chaines.

Dans le modèle français actuel, au contraire de ce qui est envisagé au niveau européen, les diffuseurs rémunèrent les producteurs de contenus. Ainsi, les réseaux se font rémunérer par les chaines de télévision, aboutissant à un changement de modèle économique. Les négociations tendues entre ces acteurs ont conduit à la suppression de certaines chaînes selon le bouquet numérique auquel le téléspectateur est abonné.

Le consommateur final dont on ne parle pas

Dans ces débats, le téléspectateur, qui est le consommateur final, est celui dont on ne parle pas. Aujourd'hui, un téléspectateur achète un abonnement télécom pour avoir accès à un réseau sur lequel il y a une offre de contenus. C'est d'ailleurs en jouant sur le niveau et la qualité du contenu de leur offre que les opérateurs télécom peuvent créer une offre différenciante et attirer leurs clients et leur facturer un abonnement en fonction de cette offre.

Or, les distributeurs télécoms qui aujourd'hui en France rémunèrent les producteurs de contenus demandent ainsi, au niveau européen, aux producteurs de contenus de les rémunérer. Ce faisant, ces affaires récentes mettent en lumière des incohérences dans les relations financières entre opérateurs de réseaux et vendeurs de contenus.

Changer le modèle de rémunération signifierait que les opérateurs télécoms seraient à la fois rémunérés par les producteurs de contenus et par le spectateur. Ce dernier verrait le prix de son abonnement aux contenus augmenter car les producteurs de contenus pourraient être enclins à répercuter les nouveaux coûts induits par leur financement des réseaux.

La Commission européenne devra veiller à ce que sa proposition de rémunération des réseaux soit cohérente avec l'un de ses objectifs les plus importants, à savoir la protection du consommateur européen et le respect des règles de régulation et de droit de la concurrence.

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