"Tout changer"... quel beau programme !

Tout changer ! Oui, mais quoi ? Par qui ? Comment ? Et surtout : pour quoi ? C'est à y répondre que s'emploieront, le 9 novembre, les prestigieux débatteurs du Forum Cnam-La Tribune. Démocratie, travail, spiritualité, éducation, jeunesse, progrès, innovation et bien sûr entreprise y seront traités et mis en perspective d'un postulat commun : il n'y a pas de transformation du monde sans transformation de soi. L'accomplissement de la « nouvelle civilisation » espérée par Edgar Morin - en dialogue le soir avec de jeunes entrepreneurs -est à cette condition.

Ce n'est bien sûr pas seulement le contexte électoral qui donne crédit au thème du forum La Tribune -Cnam. Tout changer ! s'applique certes à une réalité démocratique et politique en crise, attaquée d'un côté par le dépérissement de son volet représentatif, joyeusement bousculée de l'autre par une jeunesse et des aspirations citoyennes qui bouillonnent. D'ailleurs, le débat réunissant Jean-Marie Cavada, Michel Wieviorka et Dominique Wolton, invités à commenter la faisabilité d'un nouveau modèle de démocratie dominé par les citoyens, s'y attèlera. Mais le slogan, c'est-à-dire le diagnostic et l'exhortation, engage bien d'autres domaines.

Qu'il s'agisse d'innovation (avec Pascal Picq, Jean-Louis Étienne et Nicolas Baverez), de spiritualité (Bernard Devert, Guillaume Goubert, Abdénour Aïn-Seba), de santé (Philippe Kourilsky, Serge Guérin, Laurent Alexandre) ; que l'on débatte des dangers du chiffre (Cédric Villani), de la culture éducative (Olivier Faron, Roger-Pol Droit) ou de travail (Rémy Weber, Sandra Enlart, Christian Saint-Étienne) ; qu'on investigue l'individu (Cynthia Fleury et Alain Touraine) ou la jeunesse (Edgar Morin face à une grappe d'entrepreneurs), l'ensemble des problématiques convergent finalement vers une même interrogation : quel « acteur de la transformation » du monde veut-on être ? Interrogation qui en éveille bien d'autres. Veut-on être un « simple » contributeur de cette transformation contemporaine ou participer à initier la transformation en devenir ? Pour cela, à quel type de monde aspire-t-on ? Et comment agglomérer les mobilisations individuelles dans une dynamique collective ? On le comprend, démocratie, travail, spiritualité, éducation, jeunesse, progrès ou innovation sont donc convoqués pour éclairer sur les conditions d'être ce fameux « acteur de la transformation du monde ».

L'exercice de la responsbilité

Et c'est cette même réflexion d'ensemble que le coffret Tout Homme est une merveille (900 pages, parution le 5 décembre, en association avec La Tribune) participe à enrichir. Deux ouvrages y cohabitent : Une époque formidable et Révolution[s] (préfacés respectivement par Pierre Rabhi et Edgar Morin), dialogues intégraux ou extraits d'entretiens conduits ces dernières années auprès d'une centaine de sociologues, philosophes, chefs d'entreprise, artistes, scientifiques, (paléo-) anthropologues, écrivains, historiens, économistes et autres (géo-) politologues. Une matière intemporelle, désindexée des faits d'actualité, et reconstituée selon des thèmes (être, croire, gouverner, travailler, vivre ensemble, entreprendre...) utiles à la structuration non seulement d'un savoir ou d'une conviction, mais tout autant d'une action - comme l'illustrent ci-contre quelques-uns des extraits émanant des participants au forum Tout changer ! (et à son pendant lyonnais, qui aura lieu le 21 novembre au théâtre des Célestins).

Les questionnements ici posés et débattus le 9 novembre ont pour point commun l'exercice de la responsabilité. Responsabilité, oui. Mais à quelle fin ? Celle, comme le résume Edgar Morin, de bâtir une nouvelle humanité et de dessiner une nouvelle civilisation, au centre de laquelle agit un « être renouvelé ».

Ce dernier souscrit à une réforme intellectuelle et morale en profondeur, il est tour à tour un être affranchi, un être en chemin d'autonomie, un être accompli, un être sujet. Et bien sûr un être entrepreneur, mais un être qui entreprend autrement parce qu'il pense, crée et décide autrement. Cet être entrepreneur est désaliéné, il est déterminé à juguler le délabrement éthique, à repenser en profon- deur le verbe éduquer et le substantif pouvoir ; il travaille à façonner un édifice démocratique métamorphosé, à irriguer le progrès d'un sens, d'une justification, d'une destination vertueux, à restaurer des attributs vulnérabilisés - solidarité, fraternité, bienveillance, égalité - ; il est un promoteur du plaisir de travailler, un artisan du droit au bonheur et du devoir de l'essaimer, il réenchante l'espérance, il progresse généreusement et sans peur, convaincu qu'être ouvert au monde, accueillant aux mondes, attentif à tous les mondes conditionne l'éclat des trésors qui vont composer son propre monde.

Déclancher la transformation

Cet être entrepreneur est fier d'oser, de transgresser et de créer quels que soient les terrains - professionnel, associatif, familial, artistique, scolaire, etc. - investis. Et lorsque ce terrain est l'entreprise, le champ des possibilités s'étend considérablement. En effet, l'entreprise cristallise une part substantielle des rouages de cette double réforme intellectuelle et morale, et constitue une scène aussi expérimentale que capitale de revitalisation de toute la société - si actionnaires, dirigeants, salariés, mais aussi décideurs politiques le décrètent. Parce qu'elle est un corps vivant « moral » constitué de corps vivants « physiques », et à condition que ces mêmes parties prenantes s'engagent et qu'elles s'arriment à une raison d'être et une destination, l'entreprise peut même offrir à tous les êtres en chemin d'accéder au rang d'accomplis et de sujets.

Transformer le monde et, pour cela, en premier lieu son monde exige au préalable une prise de conscience circonstanciée, entière, honnête de ce que l'« on » est - dans son individualité et dans son rapport à tout autre -, et pour cela de se placer en disposition d'être remué et dérangé, de découvrir et d'accueillir l'inédit, le troublant, le dérangeant, en disposition d'oser se mettre intérieurement en danger, de congédier certaines certitudes, d'accepter conversions et ralliements, de faire naître des conflits endogènes, de tomber le masque. De rompre le silence pour sortir du silence. De se mettre à nu. Porter la transformation au dehors commande d'abord de la déclencher en dedans ; c'est à ce « beau dessein » que débatteurs et spectateurs du Forum Tout changer ! sont invités le 9 novembre.

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Liste des entretiens TOUT CHANGER !

FORUM TOUT CHANGER, LE 9 NOVEMBRE AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS DE PARIS, programme et inscriptions sur latribune.fr

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Commentaire 1
à écrit le 01/11/2016 à 8:16
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Il manque un aspect essentiel, c'est celui concernant le role de l'énergie dans le développement de l'économie. L'énergie remplace le travail en assurant des gains de productivité. Que serait l'économie sans énergie? Il faut répartir les charges soci...

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