Une réforme des retraites qui n'en est pas une

OPINION. Le projet du gouvernement ne répond pas à l'enjeu de la réforme des retraites car il conserve un système de répartition qui va peser de plus en plus sur les actifs en raison de l'évolution démographique. En écartant le recours à la capitalisation, il se prive d'un moyen qui a été adopté avec succès par de nombreux pays de l'OCDE. Par Laurent Pahpy, ingénieur, analyste pour l'Institut de recherches économiques et fiscales (IREF).
(Crédits : Reuters)

Deux tiers des Français sont favorables à la réforme des retraites. C'est le résultat d'un récent sondage qui contraste avec la popularité d'Emmanuel Macron. Chacun sait que le système actuel met en péril les générations futures et qu'il est indispensable de le réformer. Face à ce constat ressassé depuis bientôt trente ans, pas moins de sept réformes ont été menées sans pour autant résoudre l'insoutenabilité intrinsèque de la répartition. Malheureusement, le projet du gouvernement ne s'approche pas non plus d'une véritable transformation dont nous avons besoin.

Sur la forme, le projet a tout pour plaire. Avec la mise en place d'un système universel et unique à points, tout sera désormais simple et juste. Fini les régimes spéciaux privilégiés. Fini l'opacité. Fini les déficits. Les comptes notionnels fonctionneront en pilotage automatique et resteront équilibrés. Cette promesse séduisante laisse croire que la solution est enfin là. Ce discours qui plaît légitimement aux Français est pourtant un leurre.

Le ratio démographique continuera à chuter

Certes, certains privilèges des régimes spéciaux pourraient être abolis à condition que le gouvernement tienne face aux corporations syndicales. Mais le principe de la répartition hérité du régime de Pétain n'est pas remis en cause. Derrière l'accumulation virtuelle de points, les 18 millions d'actifs français continueront de payer pour les 14 millions de retraités. Système notionnel ou pas, la dépendance forcée des séniors vis-à-vis de la génération antérieure ne peut que s'aggraver. Le ratio démographique, qui est passé de 3 actifs pour un retraité en 1975 à 1,5 aujourd'hui, continuera de chuter. Les séniors et les travailleurs sont inéluctablement condamnés à voir baisser les pensions, augmenter les cotisations et retarder l'âge de départ à la retraite.

L'exécutif ne s'attaque donc pas à la racine du mal : la dépendance intergénérationnelle. Celle-ci n'a rien à voir avec la solidarité. Les pensions restent proportionnelles aux revenus et chacun sera un jour créditeur et débiteur. La solution existe, c'est la capitalisation. Mais elle reste taboue dans notre pays. Le retour sur investissement de l'épargne étant supérieurs au taux de croissance, un euro capitalisé permet d'obtenir un « rendement » double de celui de la répartition, et ce, malgré les crises et les krachs boursiers.

Face à ce constat, la plupart des pays du monde ont su trouver des solutions. En 2016, 17 des 35 pays de l'OCDE étaient dotés à des degrés divers de régimes capitalisés publics ou privés, obligatoires ou quasi obligatoires. Le Danemark, les Pays-Bas et l'Australie offrent les meilleures retraites du monde. Dans ces trois pays, un solide pilier d'épargne individuelle ou collective a été développé. Aux Pays-Bas, les actifs dans les fonds de pension atteignent 180 % du PIB, ce qui est le taux le plus élevé de l'OCDE. Au Danemark, chaque génération finance ses propres droits. Des régimes professionnels négociés par des conventions collectives et par capitalisation intégrale complètent les retraites pour 90 % de la population, fonctionnaires compris. En Australie, l'épargne retraite privée est encouragée par le biais d'allègements fiscaux. Les gestionnaires des 100.000 fonds australiens disposent d'une grande marge de manœuvre et d'une liberté de choix en termes de placements, ce qui favorise la concurrence.

Pas de place à la capitalisation en France

En France, l'importance du régime général et des complémentaires obligatoires ne laissent quasiment pas de place à la capitalisation, qu'elle soit obligatoire ou facultative. Elle est réservée aux plus riches qui peuvent souscrire des épargnes retraites supplémentaires, ce qui crée une inégalité avec les plus pauvres qui restent enfermés dans une répartition insoutenable. Celle-ci assure moins de 50 % des ressources des personnes âgées néerlandaises, danoises ou australiennes, alors qu'en France, la répartition génère 77 % des revenus des retraités.

Le Haut-commissariat à la réforme des retraites ne s'attarde pas sur la soutenabilité de la répartition. La réforme est censée s'inspirer du modèle suédois. Le pays du consensus a su instaurer les comptes notionnels, mais, surtout, il a introduit une part de capitalisation, ce que les partisans de la réforme omettent systématiquement ! C'est pourtant ce qui permettra aux Suédois de tenir face au choc démographique que nous connaissons et qui touche toute l'Europe.

La réforme annoncée est une tromperie car les Français penseront à tort que le problème des retraites sera derrière eux. Les générations futures seront toujours plus enfermées dans un régime unique et nationalisé qui accroîtra le risque de guerre intergénérationnelle. Nos voisins du Nord nous montrent pourtant la marche à suivre. Inspirons-nous-en pour introduire progressivement un solide pilier de capitalisation et épargner les générations futures du déclassement. Il est encore temps.

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Commentaires 24
à écrit le 18/01/2019 à 18:10
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Ce ne serait sans doute pas la première fois que les français se trompent et, au sujet de la retraite par points, s’il est vrai que le système actuel est complexe, la réforme prévue, elle, est dangereuse et décevante. Dangereuse car on ne pourra pas ...

à écrit le 16/01/2019 à 18:27
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En parlant de retraite : C’est un dommage collatéral de la création d’un nouveau taux de contribution sociale généralisée (CSG) à 6,6% pour les retraités percevant une pension comprise entre 1.200 et 2.000 euros net à la fin de l’année 2018. Cette...

à écrit le 16/01/2019 à 17:36
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Les retraites doivent correspondre à la répartition de l'ensemble du PIB: travail, capital et énergie. Il faut appliquer la note n°6 du CAE, qui consiste à répartir les prélèvements sur le travail et sur l'énergie, avec une allocation pour rétablir l...

à écrit le 16/01/2019 à 10:36
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Qu'en pense Jeannine Mamhi ?

à écrit le 15/01/2019 à 17:21
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Cette réforme n'est pas ANECDOTIQUE. Sachez que l'enveloppe sera figée au stade de 2018 et on se répartira (par points cotisés) la misère !!!

à écrit le 15/01/2019 à 8:32
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Le système actuel atteint ses limites le financement des retraites doit élargir ses sources de financement: valeur ajoutée taxe sur les distribution de dividendes et sur les rémunération des dirigeants

le 15/01/2019 à 17:35
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Encore Les vieilles lunes de la vieille gauche socialiste et communiste FR, qui n'assurent que le déclassement économique et social. Quel pays promeut çà ?

à écrit le 15/01/2019 à 6:23
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d'abord il est vital d'indexer les retraites sinon en 10 ans on perd 20%de ses revenus...

le 15/01/2019 à 17:45
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Par l'inflation cumulée, la Désindexation aboutit à la Fin des retraites : 1000eur/2018 = 650eur/2028 = 400eur/2038 = 250eur/2048 Les retraités futurs seront excédés d'avoir cotisé Employeur-Employé 25% !!!! du salaire brut durant 43 ans, po...

à écrit le 14/01/2019 à 23:33
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Une retraite par capitalisation implique qu'un(e) salarié(e) au SMIC cotise 700€ minimum par mois. Vous comprendrez sans peine que ce n'est pas faisable donc que vous pouvez oublier cette idée (sauf à y associer un départ à 70 ans).

à écrit le 14/01/2019 à 19:47
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Le problème est que ce n'est pas techniquement possible. Comment payer les retraites de ceux qui ont déjà cotisé si les plus jeunes cotisent pour eux-mêmes ? Ce qu'il est possible de faire par contre c'est une unification à 3 étages : un premier étag...

le 15/01/2019 à 10:16
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pourquoi nous faire croire qu'il y a une guerre intergénérationnelle ? le système ne fonctionne pas très mal depuis le "régime pétainiste" , en fait ce que l'on cherche à faire , c'est détruire la sécu et récupérer l'argent pour les fonds de pensi...

à écrit le 14/01/2019 à 19:16
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Je suis contre la réforme des retraites nous avons travailler toute une vie et cotiser donc ses accqui pourquoi se changement.pendant ce temps il y en a qui s,en mette plein les poches c,est une honte macron démission

le 14/01/2019 à 23:32
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Ok : on supprime les 22 taxes et impôts qui paient 25% des retraites et on nous remet le niveau de cotisation des années 80 pour que vous vous partagiez l'argent collecté, ensuite on pourra discuter.

à écrit le 14/01/2019 à 18:57
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Et Pourquoi ne pas instaurer deux systèmes, l'un entièrement redistribution et l'autre moitié / moitié et les gens choisissent. Pareil pour la secu. quand je travaillais en allemagne j'avais choisis le ppublic pour ma secu mais la plupart de mes coll...

à écrit le 14/01/2019 à 16:43
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Veuillez supprimer mes doublons ; votre système ne permet pas de revenir en arrière. Et je ne sais pas comment on va à la ligne pour aérer le texte.

à écrit le 14/01/2019 à 15:34
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Article totalement orienté pro capitalisation. Pas de souvenirs des fonds de pension américains et ces millions d’américains qui ont tout perdu lors de la crise de 2008. Même Sarkosi qui voulait succomber à la capitalisation a fait marche arrière en ...

à écrit le 14/01/2019 à 14:47
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Il est presque certain que monsieur Laurent Pahpy, ingénieur, analyste pour l'Institut de recherches économiques et fiscales (IREF) à les moyens d'avoir recours à la capitalisation.

à écrit le 14/01/2019 à 13:29
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La retraite par capitalisation (par points) pourrait être une bonne résolution mais c'est très risquée. Pourquoi ? Parce que cela voudrait dire que toutes les cotisations de retraite seraient gérées par des fonds de pensions. Autrement dit par des...

à écrit le 14/01/2019 à 13:28
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Notre complément de pension, souvent on le fait via une Assurance-Vie. Le PERP permet de défiscaliser mais est fiscalisé une fois la rente venue, intéressant que pour les hauts revenus (> 3000€/mois ?). Certains finlandais âgés travaillent car les r...

à écrit le 14/01/2019 à 12:47
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Bonjour, Cet article de propagande en faveur des fonds de pension est indigne de la Tribune qui nous a habitué à la rigueur et à une certaine neutralité. On se croirait sur l'Opinion ou dans le Point et ce n'est pas un compliment. Il y a en Fra...

le 14/01/2019 à 23:38
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Petit correctif : toutes catégories confondues, il y avait près de 6 millions de chômeurs en 2016 et pas seulement les 3 millions de la catégorie A. Et dans les 15 prochaines années, le nombres de retraités augmentera plus vite que l'arrivée des jeu...

à écrit le 14/01/2019 à 12:33
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Les maux de la France ce sont des mots : capital, dividende, actionnaire...., des mots que l'on ne saurait entendre; Un seul de ces mots prononcé et on est parti pour des mots d'oiseaux, des crises d'urticaire et la jaunisse généralisée. Comment dans...

le 17/01/2019 à 2:28
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A Tototiti. Seul votre commentaire est sense. La pyramide de Ponzi a montre ses limites. Un seul systeme tiens la route. Se faire sa pelote au fil du temps. Faire de bons placements et in fine vivre de ses rentes.

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