Secouée par le Covid, l'Alsace veut rebondir

LES REGIONS EN PREMIERES LIGNES. Durement confrontée aux effets de la crise sanitaire, l'Alsace s'est sentie perdue entre des autorités débordées, côté français, et la fermeture des frontières imposée par ses voisins allemands.
La Région prépare une campagne de promotion pour le tourisme et l’économie
La Région prépare une campagne de promotion pour le tourisme et l’économie (Crédits : DR)

Des rendez-vous annulés, des coups de fil inquiets début mars. Et soudain, les frontières fermées, l'économie à l'arrêt. En quelques jours à partir du 11 mars, la vie dans le département du Haut-Rhin s'est trouvée entièrement bloquée par cette crise sanitaire d'une violence inédite. « J'ai eu l'impression d'un grand isolement, d'une grande solitude et le sentiment qu'on avait peur de nous, les Haut-Rhinois. On était comme pestiférés », témoigne Brigitte Klinkert, présidente (LR) du conseil départemental.

Avec des conséquences instantanées sur la fréquentation des hôpitaux, la crise sanitaire a été ressentie plus fortement en Alsace que dans le reste du pays. La flambée est partie de Mulhouse, dans le quartier de Bourtzwiller où l'église évangélique la Porte ouverte chrétienne avait organisé en février une semaine de jeûne réunissant plus de 2.000 personnes. Les pèlerins ont ensuite diffusé le coronavirus, malgré eux, dans toute la région, mais aussi jusqu'en Corse et en Guyane.

L'impuissance de l'État

Au départ, en Alsace comme ailleurs, certains parlaient d'une grippe. L'étape suivante est arrivée très vite. Le 20 mars, l'organisation des hôpitaux de Mulhouse et de Colmar, l'accueil aux urgences et le fonctionnement des services de réanimation étaient complètement débordés. Frédéric Bierry, président (LR) du conseil départemental du Bas-Rhin, déplorait début avril « l'impuissance publique » de l'Agence régionale de santé et plus généralement de l'État. L'armée de l'air a pourtant transporté des patients dans le coma par hélicoptère militaire NH90 vers des régions frontalières, puis par Airbus A330 médicalisé vers Brest, Marseille ou Toulon. Les services de santé de l'armée ont installé à Mulhouse un hôpital de campagne, avec 30 lits de réanimation.

Dans la plaine d'Alsace, sur l'autoroute confinée, on a vu se multiplier des convois d'ambulances. À Mulhouse mais aussi à Strasbourg, des habitants ont été traumatisés par le vacarme des sirènes.

Après deux semaines de K.-O., l'économie s'est lentement réveillée. Les frontières fermées, la vie des travailleurs frontaliers (100 000 salariés alsaciens en Allemagne et en Suisse) s'est trouvée compliquée. Pour certains d'entre eux, la recherche d'un point de passage quotidien a entraîné une heure de détour. Sans compter les bouchons liés aux contrôles inédits et tatillons à la frontière. Déconfiné beaucoup plus tôt que l'Alsace, le Bade-Wurtemberg est resté interdit d'accès aux Français jusqu'au 15 juin.

Frappée par cette crise sans précédent, l'économie régionale, d'habitude orientée à l'international, tente de se focaliser sur des circuits courts. Le département du Bas-Rhin promet un « plan Marshall » avec 200 millions d'euros d'investissement public pour soutenir les filières locales. L'épisode a laissé un goût d'amertume dans la relation franco-allemande, le moteur traditionnel de l'activité alsacienne. La fermeture de la frontière décidée de façon unilatérale par Berlin le 15 mars, deux jours avant le confinement des Français par Emmanuel Macron, reste un événement incompris.

Relations dégradées

Les élus impliqués dans la coopération transfrontalière, qui faisaient la promotion avant cette crise de leur « laboratoire de l'Europe au quotidien », ont ri jaune le 15 juin lors de la réouverture de tous les points de passage par-dessus le Rhin. « Je préfère garder en souvenir la bonne coopération sanitaire avec nos voisins, et l'accueil de nos patients dans les hôpitaux allemands », dit Brigitte Klinkert en forme d'esquive.

On a vu aussi Jean Rottner, président (LR) du conseil régional du Grand Est, s'énerver contre son maintien en zone rouge au mois de mai, alors que la situation sanitaire s'améliorait lentement dans la région. « Je suis désolé, mais ça, ça me gonfle », s'est-il emporté le 30 mai, attaquant de front le Premier ministre, Édouard Philippe, et le ministre de la Santé, Olivier Véran. Pour se débarrasser de son image dégradée, l'Alsace prépare une campagne de promotion orientée vers ses marchés français, dans le tourisme et l'économie. Avec l'Allemagne, les réconciliations vont prendre une tournure plus diplomatique, bon enfant. Focalisés sur leurs amitiés transfrontalières et leurs réseaux locaux, les élus alsaciens manquent de relais à Berlin. Mais en cas de crise, les décisions se prendront toujours dans la capitale allemande.

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