« Une intensité humaine hallucinante » Vincent Froehlicher (Adira)

ENTRETIEN Directeur général de l'Adira, agence publique territoriale de développement économique en Alsace, Vincent Froehlicher revient sur la période entre mars et avril où l'économie régionale a menacé de s'arrêter. Propos recueillis par Olivier Mirguet
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Comment êtes-vous entré dans cette période de crise sanitaire ?

VINCENT FROEHLICHER - On est tous partis en télétravail un vendredi soir, avec nos cartons sous le bras. J'ai élaboré une feuille de route simplifiée pour l'Adira, nous positionnant en tiers de confiance. Nous avons diffusé des informations vérifiées sur notre site Internet et nos réseaux sociaux, suivis par 2,5 millions de personnes.

Pendant la crise, nous nous sommes concentrés sur nos grands comptes industriels et tertiaires supérieurs : 397 sites de plus de 100 salariés, qui représentent 120.000 emplois en Alsace. Nous les avons tous appelés, puis nous sommes restés en contact permanent. Pour la première fois de notre histoire, le taux de couverture de l'Adira a atteint 100%.

En temps normal, un quart des entreprises nous échappent. J'ai aussi donné carte blanche à mon équipe pour s'impliquer dans des collectes de matériel pour les soignants et les Ehpad. À la fin de cette période, on a fait un retour d'expérience avec nos 34 salariés. L'Adira a tenu.

Quelles ont été les réactions des patrons alsaciens sous l'effet de la crise ?

Pendant la deuxième quinzaine de mars, le gouvernement a tellement insisté sur le côté sanitaire que les salariés ont pris peur. Des sites industriels ont fermé. C'était un crève-coeur pour les chefs d'entreprise. Ils m'appelaient depuis leur domicile, un peu perdus.

Mais l'activité économique a repris assez vite dès le début du mois d'avril. D'abord en mode dégradé, avec des volontaires dans les entreprises. Et progressivement, c'est monté en puissance. Mi-juin, nous étions revenus à 80 % d'activité.

Frédéric Bierry, le président (LR) du conseil départemental du Bas-Rhin et de l'Adira, a eu le sentiment qu'il fallait tout arrêter, se confiner comme les Italiens ou les Chinois. Avezvous craint un décrochage de votre économie ?

Frédéric Bierry a pensé qu'un arrêt complet pourrait enrayer la pandémie rapidement et rendrait une reprise ultérieure plus facile. Cette hypothèse a circulé jusqu'au plus haut niveau de l'État. Cela n'a pas plu à tout le monde sur le terrain, mais cette idée avait aussi des supporters. L'Alsace accueille beaucoup d'entreprises étrangères. En Allemagne et aux États-Unis, certaines maisons mères ont désapprouvé la méthode française. Des patrons de filiales se sont fait menacer s'ils fermaient. Mais ils n'ont pas toujours eu le choix.

L'Adira a-t-elle donné un coup de pouce à certains écosystèmes ?

Quand l'État a commandé des respirateurs chez Air Liquide, j'ai écrit à son PDG, Benoît Potier, au bluff parce que je ne le connaissais pas, pour lui proposer les services de nos sous-traitants régionaux. Il nous a mis en contact avec son chef de projet, mais cela n'a rien donné. Avec Jean Rottner, le président du conseil régional, nous avons cherché en Belgique des laryngoscopes pour l'hôpital de Mulhouse. Dans le textile, nous avons aidé des entreprises locales à monter des ateliers et à obtenir l'homologation de leurs masques.

Quel a été l'impact des cartes de France diffusées tous les soirs, sur lesquelles l'Alsace se situait en permanence en zone rouge ?

On a été rebaptisés Coronaland. On nous a comparés à un Wuhan français. C'était pénible. L'équipe de la Marque Alsace, notre outil de marketing territorial, a fait passer des informations dites de réconfort, des belles images rappelant la beauté de notre région. Toutes les initiatives solidaires ont été valorisées et elles ont été nombreuses, dès le départ. Un fabricant de pain d'épices a offert du gel hydroalcoolique. Le patron d'une entreprise d'agroalimentaire a distribué des colis alimentaires à des étudiants confinés. Des concessionnaires automobiles ont même offert des housses. L'intensité humaine a été hallucinante.

« On a été rebaptisés Coronaland. On nous a comparés à un Wuhan français. C'était pénible »

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Propos recueillis par Olivier Mirguet

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