Johanna Rolland veut faire de Nantes un modèle de ville zéro carbone

La Tribune ouvre ce jeudi à Nantes une série de forum sur les villes "zéro carbone". La présidente de la métropole, Johanna Rolland, veut y fabriquer le modèle économique de demain. Avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone et 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050, la métropole nantaise distille les vertus écologistes en interne, dans ses politiques publiques et cherche à impliquer le privé pour accélérer face aux défis climatiques.

Après avoir avalé la pilule de l'abandon du projet d'aéroport de Notre Dame des Landes, Nantes déguste l'écologie en infusion. « Lors du mandat précédent, on ne voulait pas entendre parler de résilience ou d'adaptation. On partait du principe que si l'on commençait à adapter le territoire aux changements à venir, on diminuerait les efforts qui deviendraient une goutte d'eau face au réchauffement climatique. Ce discours était tenable il y a dix ou quinze ans. Il ne l'est plus aujourd'hui. On voit bien que le dérèglement climatique a, et aura, un impact sur notre territoire. En tant que responsable politique, on a le devoir de protéger les activités et la population qui vit sur la métropole », observe Julie Laernoes, adjointe à la ville de Nantes et vice-présidente de Nantes Métropole, en charge du climat, des transitions énergétiques et alimentaire, de l'agriculture, de la résilience et des mutations économiques.

A lui seul, ce titre résume la vocation de l'élue écologiste, alliée à la candidate socialiste Johanna Rolland pour maintenir la ville et la métropole à gauche et verdir les politiques publiques lors des dernières municipales. En quelques mois, Julie Laernoes est passée de la parole aux actes orchestrant une réorganisation totale des politiques publiques, de la gouvernance interne et des services. « De la culture à .... Je ne sais pas quelle politique publique ne pourrait pas concourir à la transition écologique », dit-elle.

De fait, en attendant la mise en œuvre d'un budget « vert ou climat » dont le référentiel reste à déterminer, la Direction de l'Animation de la Transition Ecologique veille à la cohérence des programmes et vise toutes les délibérations à travers deux marqueurs transversaux ; la solidarité et l'écologie. « Avec lesquels on passe aux cribles tous nos investissements. On infuse de l'écologie à tous les niveaux, dans toutes les directions », assume la vice-présidente de métropole qui verrait bien ajouter à ce « budget vert », un critère biodiversité. « Parce que la crise a montré que sa situation est aussi préoccupante que le climat », souligne-t-elle.

Aller plus loin que les politiques publiques

Trois ans après la mise en œuvre du Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) qui fixait comme objectif une baisse de 50% des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030, Nantes Métropole a adopté son Schéma Directeur des Energies. Un nouvel outil pour élaborer un diagnostic, une trajectoire et une stratégie de planification énergétique à l'échelle de la métropole qui contribuera à définir les futurs investissements à réaliser.

Déjà, il a permis de mobiliser la métropole sur la problématique des toits des copropriétés et des bâtiments privés, dont la rénovation devrait être accélérer avec la publication du décret « tertiaire » obligeant les entreprises de plus de 1000 m² à réaliser des économies d'énergie. « Au regard de l'objectif -50% à 2030, nous sommes plutôt sur la bonne voie, admet Julie Laernoes, mais il faut redoubler d'effort dans un certain nombre de domaine, notamment sur la diminution de la consommation d'énergie » Si les actions menées en faveur du développement des réseaux de chaleurs ont, par exemple, permis de décarboner en partie la consommation énergétique, les réductions de consommation s'avèrent encore bien trop faible. « Le premier levier de la transition énergétique, c'est la baisse des consommations ou que ce que l'on consomme provient des énergies décarbonés. Car l'objectif de notre mandat est bien de parvenir à une neutralité carbone et 100 % d'énergies renouvelables en 2050  », dit-elle.

Les travaux engagés pour la massification de la rénovation énergétique devraient aller dans le sens de la création d'une filière où seront pris en compte l'approvisionnement des matériaux biosourcés, la formation ou la reconversion des professionnels, etc. Côté transport, les chantiers sont en cours pour « la limitation des moteurs thermiques », prise en compte dans le PDU (Plan de Déplacement Urbain), le développement de modèles alternatifs, la mise à disposition de parking relais... « Mais si l'on continue « juste » à amener les politiques publiques sur le climat et l'énergie, sans travailler le fond et le sens des émissions, on n'y arrivera pas. Il faut embarquer bien au-delà...», prévient Julie Laernoes qui mobilise les secteurs associatifs du monde culturel et sportif pour faire évoluer les mentalités à la maison et dans l'entreprise.

Adapter le territoire aux chocs à venir

Dans le volet économique, les questions de la reconversion de la centrale à charbon de Cordemais et de l'évolution du Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire qui dépend à 80% d'importation des énergies fossiles sont brûlantes. « Comment fait-on pour faire muter ce véritable outil économique du territoire ? On ne peut pas le faire de manière brutale du jour au lendemain, ça s'anticipe... alors, on discute», détaille-t-elle préparant une feuille de route « Résilience » pour adapter le territoire « aux chocs à venir » dans la perspective des conséquences des inondations et sècheresses annoncées. Une vision à 20 ou 30 ans qui se prépare aujourd'hui. Au programme : l'adaptation du système urbain, l'évolution du développement économique, de l'alimentation et de l'agriculture, et le renforcement du lien sociétal, dont la qualité a montré sa pertinence lors de la catastrophe de Fukushima. Le voisinage servant de rempart à la prise d'assaut des services publics.

A l'agence de développement économique Nantes-Saint-Nazaire Développement, le quotidien a déjà changé. Longtemps revendiqués, l'attractivité du territoire et l'accueil tous azimuts ne sont plus vraiment d'actualité. «Avant, on cherchait à amener de la valeur, à attirer les talents qui bénéficient au territoire, aujourd'hui on préfère choisir les filières et les entreprises qui feront du bien à la région et à l'écosystème. Des sociétés qui portent des valeurs écologiques et sociétales, dont l'engagement est visible et où les équipes ont envie de s'impliquer », indique Nicolas Debon, directeur général de Nantes-Saint-Nazaire Développement qui, elle aussi, est allée jusqu'à revoir sa raison d'être et d'inscrire, la responsabilité, les mutations économiques et les transitions écologiques dans ses gênes. « Entreprises à mission, démarches sociétales, à impact positif, RSE... sont devenues des critères très importants pour garder les cadres. Les labels font aujourd'hui partie des données d'entrée. C'est différent. Les entreprises ne viennent pas consommer un territoire mais s'agrègent à un écosystème en s'impliquant à la Cantine numérique ou au sein de l'association des Dirigeants Responsables de l'Ouest», observe-t-il. Si bien que l'agence qui, hier, se targuait d'accueillir plus d'une centaine d'entreprises par an, se limite aujourd'hui à une soixantaine de candidates. Toutes sont soumises aux critères d'une grille d'évaluation établie sous l'œil d'un cabinet spécialisé dans les transitions. Résultat : beaucoup sont engagés sur les énergies renouvelables, le vélique ou la reconversion de l'industrie.

Un label pour accélérer

Pour mesurer le chemin parcouru et à venir, la métropole devra aussi trouver les moyens d'obtenir des chiffres fiables proches du temps réel intégrant les émissions territoriales importés, jusqu'ici non comptabilisées. De données complexes qui nécessiteraient de requalifier et recalibrer la base de données Basemis déployée par l'association Air Pays de la Loire qui mesure les émissions de gaz à effet de serre dans la région. Un chantier colossal pour une structure locale qui traite, péniblement 300 millions de données par an, en raison de la difficulté de collecte des informations transmises par l'Etat et des fournisseurs d'énergies. Pour y voir plus clair, Nantes Métropole et Nantes, qui en 2010, a été l'une des premières collectivités françaises recevoir le label Cit'ergie, viennent de postuler au label Cit'ergie « Gold ». Le must du genre. Mené sur quatre ans, ce programme de management et de labellisation, qui constitue un référentiel européen, porté par l'agence de la transition écologique (Ademe) en France, va permettre d'ausculter l'organisation interne, l'urbanisme, les déplacements, le développement économique ou encore l'approvisionnement énergétique de ces collectivités. Dix-sept actions seront ainsi suivies annuellement. Outre une reconnaissance et un conseil dans les orientations à prendre, cette labellisation lui permettrait d'obtenir un soutien financier de l'Ademe. Lors de ces précédentes candidatures, Nantes Métropole avait ainsi accouché d'un schéma directeur de l'immobilier, d'actions sur le traitement des déchets, de l'eau, de l'assainissement, etc. A l'image de la station de traitement des eaux usées de la Petite Californie à Rezé qui, après dix mois de travaux, vient d'être raccordée au réseau de distribution de gaz pour y injecter sa production de biométhane.

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ENCADRE

Une diminution multifactorielle des GES

Selon l'association pour la surveillance de la qualité de l'air, Air Pays de la Loire, agréée par le Ministère de la transition écologique, les consommations d'énergie ont augmenté de +7% sur le territoire métropolitain entre 2003 et 2018. « Mais ramenée au nombre d'habitants les consommations ont diminué de -12% sur cette même période alors que la population a cru de +22% », précise Sébastien Cibick, ingénieur d'études d'Air Pays de la Loire. Toujours sur cette même période, les émissions de Gaz à Effet de Serre ont diminué de -8% et de -24% par habitant. Comment expliquer cette baisse régulière des GES alors que la population augmente de 1,2% par an et que les consommations d'énergies progressent ? « C'est une diminution multifactorielle expliquée par l'amélioration technologique du parc automobile même si le trafic continue d'augmenter, par les meilleures performances du parc de logements, la modification des vecteurs énergétiques, l'utilisation des énergies renouvelables... », mentionne Sébastien Cibick. A qui la faute ? A lui seul, le secteur des transports génère 45% des émissions de GES, loin devant le secteur résidentiel (23%), le tertiaire (15%), et l'industrie (hors énergie) avec 11%.

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