Aéroports, ports, gares : la course à la décarbonation des infrastructures de transport est lancée

PARIS AIR FORUM- Il est rare qu’ils s’affichent ensemble publiquement, qui plus est à l’occasion d’une grand- messe aéronautique. Les patrons d’ADP, de SNCF Gares & Connexions et d’Haropa Port se sont retrouvés au Paris Air Forum pour débattre de la décarbonation des infrastructures dont ils ont la charge. De cette séquence, ressort un constat : jamais l’interdépendance entre ces trois opérateurs de premier plan n’avait été aussi forte.
Les infrastructures de transport sont-elles prêtes pour le zéro émission ?
Les infrastructures de transport sont-elles prêtes pour le zéro émission ? (Crédits : DR)

A la question « les infrastructures de transport sont-elles prêtes pour le zéro émission ? », les intervenants ont répondu par l'affirmative. Oui, les opérateurs se projettent déjà dans l'ère post-fossile au prix de politiques convergentes, ont expliqué en substance Stéphane Raison, président du directoire d'Haropa Port, Stéphane Lerendu, patron de SNCF Gares & Connexions et Edward Arkwright, directeur général exécutif d'ADP lors d'un débat du Paris Air Forum 2023. Pour eux, la chasse au CO2 commence par une gestion plus vertueuse des actifs. Illustration.

Maritime, ferroviaire, aérien : même combat

Chez SNCF Gares et Connexions, l'accent est mis en priorité sur la modernisation des gares et des équipements (postes d'aiguillages, voies...). « Nous sommes très challengés sur la sobriété », a rappelé Stéphane Lerendu Maintenance prédictive grâce à l'IA, éco-conception des bâtiments, manifeste post-carbone... La compagnie fait feu de tout bois. L'enjeu n'est pas mince. « La facture énergétique de la SNCF représente 10% de la consommation industrielle française. L'objectif est de la réduire de 50% en 2026 ». Parmi les projets, la rénovation de quinze gares pilotes à commencer par la future gare de Nice Aéroport présentée comme « la première gare bioclimatique et jardin d'Europe ».

Même préoccupation chez ADP où Edward Arkwright insiste sur la durabilité (« On doit  faire vivre nos infrastructures le plus longtemps possible ») et sur la mise en œuvre de nouvelles techniques constructives plus économes en CO2. A titre d'exemple, les bétons de récupération utilisés pour le parking de la gare d'Orly ont permis d'abaisser le bilan carbone de l'opération de 30%. L'approche est désormais commune à tous les programmes, a précisé le patron d'ADP. « Le cycle de vie des infrastructures est intégré systématiquement ce qui modifie les TRI et les critères d'appréciation ».

« La bataille des ports se gagne à terre », a rappelé de son côté Stéphane Raison pour qui la création d'Haropa Port témoigne déjà d'un virage vers le zéro émission. « Si ces trois outils (les ports de Paris, Rouen et Le Havre ndlr) ont été fusionnés, c'est pour pouvoir rentrer à l'intérieur des terres ». Sous entendu, éviter de jeter des milliers de poids-lourds sur la route. L'établissement s'est lancé dans une autre bataille post-carbone : l'électrification des quais, celle des terminaux de croisières et des haltes fluviales d'abord (+ de 80 points de charge déjà installés), puis celle à venir des terminaux à conteneurs.

Du train à l'avion, du bateau au train ou au vélo. Et inversement

Le débat a aussi mis en lumière la montée en puissance des connexions entre tous les modes de transport. Plus que de simples infrastructures, les gares, les ports et les aéroports sont appelées à se muer en noeuds d'échanges multimodaux. L'arrivée des lignes 14 et 17 à Orly, celle du CDG Express à Roissy ou encore la création de la nouvelle gare de Nice Saint Augustin (toute proche de l'aéroport et de la gare routière) illustrent bien ce changement de paradigme. Pour le patron d'ADP, « nos aéroports deviennent des hubs de connexions qui concernent aussi des gens qui n'ont aucun rapport avec l'avion ». Les mobilités douces sont aussi prises en compte a pour sa part insisté Stéphane Lerendu, rappelant que la SNCF avait pour projet d'aménager « 65.000 places de vélos » dans plus de mille gares.

Pour autant, certaines connexions demeurent inachevées, pour Stéphane Raison. Lui a pointé le retard pris par la France sur le transport ferroviaire des conteneurs alors même que le port du Havre ambitionne de doubler son trafic à partir de 2025 (de 3 à 6 millions d'EVP). « Hambourg traite mille trains par jour contre cent pour Haropa ». A l'entendre, la solution passera par l'aménagement de nouveaux terminaux de transports combinés « pour ouvrir sur la France entière » avec en toile de fond cet impératif. « L'enjeu, c'est la décarbonation sans la décroissance ».

Hubs multimodaux... et multi-énergies

Difficile d'évoquer la décarbonation sans évoquer le recours aux énergies nouvelles. Et là encore, les infrastructures maritimes, portuaires et ferroviaires ont un rôle pivot à jouer dans le sens où elles jouent sur tous les tableaux (production, acheminement et consommation), ont souligné les intervenants. Ainsi, les panneaux solaires, installés sur les parkings des gares et les bornes de recharge qu'ils alimenteront, serviront demain non seulement les particuliers mais aussi les réseaux de transport collectif, dixit Stéphane Lerendu.

Même chose à Orly ou Roissy qui pourraient être amenés à distribuer des carburants durables ou de l'hydrogène aux poids-lourds, a fait valoir le patron d'ADP. « Cela aura un effet démultiplicateur qui profitera à d'autres ». L'intéressé a également annoncé le lancement d'un état des lieux des surfaces disponibles pour l'implantation de panneaux photovoltaïques sur les emprises aéroportuaires.

Pour le patron d'Haropa Port, la vallée de Seine a aussi un coup à jouer dans le domaine des électro-carburants grâce à son réseau de d'oléoducs (Trapil) -qui approvisionne les aéroports  parisiens- mais aussi à ses importantes réserves en eau et à sa production d'électricité décarbonée (nucléaire et éolien offshore).

Encore faudra-t-il que les investissements industriels suivent, a t-il néanmoins rappelé. « Pour faire 50.000 tonnes de SAF, il faut 20 hectares et un milliard d'euros d'investissement ». Sachant que les besoins futurs du maritime, de l'aérien et du fluvial sont évalués à 400 millions de tonnes par an, le calcul est assez facile à faire.

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