Vélo, nouveau moteur éco (2/4) : "Les Boîtes à vélo" rayonnent en France

[ Série d'été] Juchés sur leurs drôles de machines, ils sillonnent la ville pour déboucher un évier, servir un panier bio, vendre une glace, voire déménager un logement... À Nantes, ces entrepreneurs multiservices et multisecteurs à vélo se sont regroupés en collectif. Et aujourd'hui, ils essaiment leur concept dans les métropoles françaises.
Ils sont 27 passionnés à s'être lancés dans ce mode d'activités et à être référencés par le collectif nantais des Boîtes à vélo. Ce qui représente 40 à 45 emplois.

Il est là, tout l'été, tous les après-midis de 15 h à 18 h, aux abords du miroir d'eau, face au château des ducs de Bretagne, à Nantes. Un lieu situé sur le parcours du circuit touristique du "Voyage à Nantes", un lieu où les Nantais, petits et grands, aiment venir se rafraîchir. Un lieu idéal pour Frédéric Ratouit, alias "Frai'd le glacier", qui peut écouler jusqu'à 300 glaces par jour. "Ensuite, il faut que je recharge", explique ce quinquagénaire, spécialiste de la création d'entreprises, fondateur de la coopérative "L'Ouvre-Boîtes 44", et qui s'est décidé l'an dernier à lancer son activité de glacier ambulant.

Qualité de vie et vision de la société

"J'avais testé le concept sur des évènements, mais le milieu urbain s'avère plus propice. Les aménagements rendent compliqué l'usage de la voiture, et le vélo correspond tout à fait aux politiques urbaines qui cherchent à limiter les transports polluants", indique le glacier, qui a obtenu l'autorisation de la ville du 15 juin au 15 octobre.

La Boîte à vélo, Nantes, Frai'd le glacier, Frédéric Ratouit, L'Ouvre-Boîtes 44,

"Ensuite, ça dépend beaucoup de la météo. L'an dernier, j'ai fait 40.000 euros de chiffre d'affaires. On peut gagner un salaire annuel en six mois. Tout dépend des ambitions de chacun. Je pourrais gagner plus en allant travailler ailleurs, j'ai choisi la qualité de vie et ça correspond à ma vision de la société. Je cumule activité rémunérée et non rémunérée. Et je fais la sieste! Nous sommes de plus en plus nombreux dans la société à avoir de multiples activités. Pour cela, le vélo est attractif. Le marketing fonctionne bien, vous ne polluez pas, vous pouvez vous développer sans dégrader l'environnement", dit-il.

Nantes, tremplin des déplacements utilitaires à vélo

Capitale verte en 2013, Nantes, choisie pour accueillir le congrès international Velo-city en 2015, est devenue un véritable tremplin pour les déplacements utilitaires à bicyclette. À ce jour, ils sont 27 passionnés à s'être lancés dans ce mode d'activités et à être référencés par le collectif nantais des Boîtes à vélo. Ce qui représente 40 à 45 emplois.

"Ce sont aussi bien des Sarl, des Eurl, des travailleurs indépendants, des auto-entrepreneurs, des salariés de coopératives", note Céline Eloumou Zoa, présidente du collectif "Les Boîtes à vélo" fondé dans le but de se serrer les coudes et d'accroître la visibilité des travailleurs à vélo.

"À l'origine, on était trois ou quatre à se croiser dans la ville. On en parlait entre nous. On s'échangeait des tuyaux. Aujourd'hui, le collectif fournit de l'information sur les équipements, les assurances, la météo, les autorisations administratives, et fait la promotion de la logistique urbaine. Il se réunit tous les mois pour accepter ou non de nouveaux membres", précise-t-elle.

Le désir "d'allier respect de l'environnement, business et sport"

En effet, trois conditions sont requises être coopté: avoir créé une activité commerciale et disposer d'un numéro Siret (code d'identification unique) ; être le propriétaire de l'engin utilisé; faire la promotion du vélo et signer la charte de bonnes pratiques.

"Nous ne sommes pas des militants radicaux, simplement des personnes  attachées aux modes de déplacement doux. Entreprendre à vélo permet d'allier respect de l'environnement, business et sport. On rencontre des gens qui ont envie de créer ou de tester une activité."

Les plus "mordus" peuvent avaler jusqu'à 250 kilomètres par semaine...

Besoins de proximité, petits boulots négligés par les artisans...

Pour Frai'd le glacier, dont la remorque pèse 150 kilos, le parcours quotidien se limite à 10 kilomètres par jour. "Impossible sans une assistance électrique", dit-il. De fait, il a investi 10.000 euros pour son second vélo équipé d'une remorque. Et pour intervenir sur des manifestations en dehors de la métropole, il utilise une camionnette électrique.

Dans une ville pro cyclable, relativement plate et peu pavée, l'activité progresse. On y trouve des coursiers évidemment, un plombier, une artiste capillaire, de la restauration ambulante diverse et variée (café, hot-dogs, crêpes...), un informaticien, un paysagiste, une libraire, un réparateur de vélos, un déménageur... pour répondre à des besoins de proximité, à des petits boulots négligés par les artisans, quand ce ne sont pas des demandes d'entreprises sensibles aux démarches de RSE.

La présidente du collectif "Les Boîtes à vélo", Céline Eloumou Zoa, apporte quelques précisions sur le financement:

"L'avantage, c'est que l'investissement est relativement minime. On peut démarrer avec un vélo à 2.000 ou 3.000 mille euros. Surtout, la métropole octroie une subvention de 400 euros pour l'acquisition d'un vélo ou d'un vélo-cargo en vue d'une activité professionnelle", dit-elle.

10.000 euros pour un vélo avec remorque, amortis en 3, 4 ans

Sur ce sujet de l'investissement, Frédéric Ratouit (alias Frai'd-le-glacier) partage volontiers ses tuyaux:

"Obtenir un prêt de 5.000 à 10.000 euros est relativement facile. Au-delà des banques traditionnelles, il existe un certain nombre de structures comme l'Adie, France Initiatives... ou sinon le crowdfunding, qui peuvent permettre de  financer ou de couvrir une partie de cet investissement, lequel s'amortit sur trois ou quatre ans."

Pour lui, le marketing est une obligation:

"Et les réseaux sociaux contribuent à ce développement. Ce n'est même pas un passage obligé, c'est une évidence pour les trentenaires. On est entré dans une aire de réseaux qui va s'amplifier avec les logiques de proximité. En fait, le problème n'est pas l'investissement, mais l'adéquation entre la personne et le projet."

Et d'expliquer au passage, pourquoi il a choisi, comme un tiers des adhérents des Boites à vélo, le statut d'entrepreneur salarié au sein d'une coopérative:

"Cela permet de conserver le régime de la sécurité sociale, de s'ouvrir des droits au chômage en cas de pépin, et de limiter les risques pour se développer..."

Après Ze plombier... un Ze électricien ?

Autre exemple : fondée en 2010 par Pierre-Olivier Clerc, l'un des précurseurs de la démarche, Ze Plombier compte aujourd'hui 3 tripoteurs et 2 salariés qui sillonnent la ville de Nantes. "On a basculé d'auto-entrepreneur à SARL l'an dernier", confie Sonia Boury, femme et secrétaire du plombier, devenue associée de l'entreprise, qui affichait un chiffre d'affaires de 252.000 euros en 2015, en hausse de près de 15% par rapport à 2014. Une croissance qui a nécessité ce changement de statut. "Et qui nous a permis de recruter et d'acheter d'un local", explique Sonia Boury. Le bouche-à-oreille a fait son œuvre.

"On s'est diversifié vers l'entretien de chaudières, puis sur le remplacement. On nous a confié des travaux de plus en plus importants, jusqu'à la rénovation des installations sanitaires de salles de bain. Mais on essaie de se limiter pour ne pas empiéter sur notre disponibilité. Car au-delà du vélo, il faut d'abord être un bon plombier", explique la jeune chef d'entreprise, qui réfléchit à décliner l'activité avec un Ze Electricien. "Si on trouve la bonne personne. Notre développement tient aussi aux opportunités offertes par la ville, aux orientations liées à l'environnement, à l'évolution des mentalités et à l'accompagnement des Boîtes à vélo. Le groupe s'entend bien et se refile des coups de main, des chantiers... On est évidemment plus proches d'un  confrère à vélo que d'un collègue en camion."

Déploiement de la démarche sur le mode du logiciel libre

C'est cette logique et cet état d'esprit que Les Boîtes à vélo, encore toutes auréolées du prix Talents Vélo en 2014 et du Prix européen pour le transport durable (Ashden Eurostar Awards for sustainable Transport, à Londres), cherchent aujourd'hui à transmettre pour créer un réseau national.

Et ça roule : dans la roue de la structure nantaise, Grenoble avec une trentaine d'entrepreneurs à vélo a lancé sa propre Boîtes à vélo, cooptée par les Nantais. Paris est sur le point de s'y mettre. Lille, Strasbourg, Rennes, La Rochelle... s'y intéressent activement. La transmission du nom "Les Boîtes à vélo" ne se fera ni sous la forme d'une franchise ou ni au travers d'une licence. Plutôt sous la forme d'un échange au regard de bonnes pratiques. À l'image de ce que l'on peut voir avec le logiciel libre. Une sorte de "freechise" à l'instar du concept, notamment, déployé par la coopérative rennaise Toutenvélo, opérateur de transport spécialisé dans la logistique urbaine, décliné à Rouen et Grenoble, et qui propose des packs (vélo, remorque, caisson) en plusieurs capacité pour se lancer.

Par Frédéric Thual, à Nantes

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