Le numérique est appelé à faire sa transition écologique. C'est ce qu'il ressort d'un rapport du Sénat rendu public ce mercredi 24 juin, réalisé par la mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique. Parmi les thèmes prioritaires définis, figurent la sensibilisation des utilisateurs et des entreprises, la limitation de renouvellement des appareils (smartphones, ordinateurs portables...), ou encore le développement en France de data centers moins énergivores. Au total, 25 propositions ont été formulées. Le rapport devrait se traduire en une proposition de loi à l'automne.
"Le numérique permet des gains environnementaux mais nous devons faire en sorte qu'ils ne soient pas annulés par ses impacts en matière d'émissions de gaz à effet de serre, d'utilisation des ressources abiotiques, de consommation d'énergie ou encore d'utilisation d'eau douce", expliquait en préambule Patrick Chaize (sénateur de l'Ain, Les Républicains), président de la mission d'information créée en décembre dernier.
L'impact environnemental du numérique, encore largement méconnu, est d'ores et déjà inquiétant. Avec 15 millions de tonnes de CO2 émises en 2019, le numérique représente 2% des émissions de gaz à effet de serre en France. "Cela pourrait grimper jusqu'à 7% d'ici 2040 si rien n'est fait, contre 4,7% pour le transport aérien", soulignait Patrick Chaize.
Des appareils importés... et jetés trop rapidement
La principale cause de cette pollution numérique : les appareils importés en France, et utilisés quelques mois seulement. Par exemple, 93% des Français possédaient un téléphone portable en 2017 quand la durée de vie d'un smartphone est estimée à seulement 23 mois, d'après la mission d'information. Avec un taux d'équipement et de renouvellement important, la fabrication et la distribution des terminaux utilisés dans l'Hexagone sont responsables de "70% de l'empreinte carbone totale du numérique en France", souligne le rapport.
La digitalisation de l'économie, qui était déjà à l'oeuvre, a connu une accélération sans précédent au cours de la crise sanitaire liée au coronavirus, avec le déploiement à grande échelle du télétravail notamment. L'impact environnemental du numérique est donc mécaniquement amené à augmenter au fur et à mesure de la généralisation des nouveaux usages.
Renforcer l'attractivité des appareils reconditionnés
Pour tenter d'y remédier, le rapport préconise de limiter le renouvellement à tout-va des terminaux. Il propose ainsi la création d'une taxe carbone aux frontières européennes. L'idée : rendre les terminaux reconditionnés plus attractifs aux yeux du grand public. En parallèle, une TVA réduite à 5,5% pourrait être proposée pour la réparation et l'achat d'objets reconditionnés. Alors que les grands fabricants de smartphones, comme Apple, sont régulièrement accusés de pratiquer l'obsolescence programmée pour inciter les utilisateurs à changer très régulièrement de mobile, le rapport incite à "renforcer les sanctions" en la matière.
Le rapport incite aussi au développement "d'usages numériques écologiquement vertueux". Cela passerait entre autres par l'interdiction des forfaits mobiles permettant un accès illimité aux données. La mission d'information souhaite aussi une "régulation de l'attention" à destination des plateformes de contenus qui, s'ils ne sont pas nommément cités, englobent notamment les géants américains comme Facebook, Youtube ou encore Twitter. Le rapport espère ainsi pouvoir instaurer une "obligation de reporting des fournisseurs de contenus sur leurs stratégies cognitives utilisées pour accroître les usages". En clair, cela reviendrait à demander à des acteurs comme Facebook ou Twitter de fournir leurs recettes secrètes pour retenir sans cesse plus longtemps les utilisateurs sur leurs plateformes.
Interdire le lancement automatique de vidéos
Dans le même esprit, le rapport préconise d'interdire certaines pratiques comme le lancement automatique des vidéos "à des fins publicitaires" ou le scroll infini. L'idée sous-jacente : "Economiser des données qui correspondent à de l'énergie consommée", précise le co-rapporteur de la mission, Guillaume Chevrollier (LR).
Alors que ces pratiques sont désormais au cœur du fonctionnement et du business model de ces plateformes, en permettant de générer des revenus publicitaires, difficile d'imaginer les plateformes faire une croix sur leur gagne-pain. "Cette proposition vise à faire pression au niveau européen, tout comme notre proposition sur la taxe carbone aux frontières de l'UE", estime Guillaume Chevrollier.
Enfin, la mission d'information souhaite une sensibilisation du grand public, des entreprises et de l'administration. Cela pourrait passer notamment par le "développement d'une application permettant aux utilisateurs de calculer l'empreinte carbone individuelle de leurs terminaux" ou encore la formation des jeunes à la "sobriété numérique" dès l'école. Même principe pour les professionnels, qui pourraient consulter une base de données pour évaluer les impacts environnementaux de leurs terminaux. Un crédit d'impôt pour les PME/TPE pourrait ainsi être créé pour inciter les entreprises à réduire leur impact.
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