Election américaine : Facebook et Twitter de nouveau face à la désinformation

Après avoir été largement critiqués lors de l'élection présidentielle américaine en 2016 pour permettre la diffusion de désinformation, Facebook et Twitter sont de nouveau confrontés au problème. Comme redouté, les réseaux sociaux ont dû modérer les publications de Donald Trump. Le président sortant a revendiqué tout au long de la journée sa victoire, alors même que les dépouillements sont toujours en cours et l'issue du scrutin incertaine.
Anaïs Cherif
L'incertitude sur l'issue du scrutin ouvre la porte à des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, alimentées par le président des Etats-Unis lui-même...
L'incertitude sur l'issue du scrutin ouvre la porte à des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, alimentées par le président des Etats-Unis lui-même... (Crédits : DADO RUVIC)

Depuis plusieurs mois, Facebook et Twitter se préparaient au pire pour l'élection présidentielle américaine, qui se tenait le mardi 3 novembre. Le principal scénario catastrophe envisagé : Donald Trump, président sortant, pourrait clamer sa victoire prématurée sur les réseaux sociaux face au démocrate Joe Biden... Sans surprise, cette hypothèse tant redoutée est en train de se réaliser. Tout au long de la journée, le locataire de la Maison Blanche a publié des messages sur Twitter et Facebook pour remettre en cause l'intégrité du scrutin.

Pourtant, l'issue de l'élection est toujours incertaine. Les dépouillements étant particulièrement longs cette année en raison de l'explosion des votes anticipés liés au Covid-19, les Américains pourraient ne pas connaître le nom de leur futur président dès ce mercredi. Ce qui n'a pas empêché Donald Trump de clamer dès ce matin sur Twitter être largement en tête de l'élection. Sans le nommer directement, le locataire de la Maison Blanche accusait le Parti démocrate "d'essayer de voler l'élection". Et de conclure : "Nous ne les laisserons jamais le faire".

Lire aussi : Présidentielle américaine : le vote par correspondance, un terreau favorable à la désinformation?

Des messages d'avertissement sur Twitter et Facebook

Sans être supprimé, le message a rapidement été masqué par Twitter dans la matinée. Ce qui veut dire qu'il reste visible pour les utilisateurs souhaitant y avoir accès, il peut même être retweeté. Le site de micro-blogging avertit seulement que ce tweet est "contesté et susceptible d'être trompeur quant au mode de participation à une élection ou à un autre processus civique", conformément à ses nouvelles règles de modération, renforcées à l'approche de l'élection présidentielle.

Le président républicain a publié le même message sur Facebook. Si la revendication de victoire avant le décompte final avait été interdite par les réseaux sociaux, cela n'a pas empêché la viralité de ces messages. Rien que sur Facebook, le premier message de Donald Trump a été partagé par plus de 21.000 personnes et liké par près de 470.000 personnes vers 16 heures (heure française). Pour sensibiliser ses milliards d'utilisateurs, le plus grand réseau social au monde légende toutes les publications de Donald Trump en précisant que "le décompte des voix est en cours. Il n'y a pas encore de candidat donné gagnant pour les élections américaines en 2020."

La modération, un casse-tête insoluble pour les réseaux sociaux

Cette élection présidentielle fait office de baptême du feu pour les géants de la tech, qui ont été accusés lors du précédent scrutin de 2016 de servir de plateformes de désinformation massive. L'élection présidentielle avait été minée par le scandale retentissant de Cambridge Analytica impactant Facebook, mais aussi de vastes campagnes de désinformation menées par des acteurs étrangers, notamment la Russie, pour tenter d'influencer le scrutin en faveur de Donald Trump. Quatre ans plus tard, les réseaux sociaux étaient attendus au tournant - alors qu'ils sont sous le coup de multiples enquêtes lancées par les autorités européennes, mais aussi américaines, pour abus de position dominante.

Dans un contexte social extrêmement tendu aux Etats-Unis, leur objectif principal pour ce rendez-vous aux urnes était de limiter la propagation de messages remettant en cause l'intégrité du scrutin. Un enjeu de taille, lorsque le président lui-même dénigre publiquement depuis plusieurs mois le processus électoral.

Les plateformes sont donc face à un dilemme extrêmement délicat. Faut-il supprimer et masquer à outrance les messages considérés comme litigieux, y compris ceux émanant des partis politiques et du président lui-même ? Cela les expose à des accusations de censure et de partis pris politiques. A l'opposé, les réseaux sociaux ne peuvent pas s'abstenir de modérer totalement les contenus publiés sous peine d'être considérés comme laxistes en matière de désinformation.

Lors de la campagne, Twitter et Facebook ont par exemple limité mi-octobre la diffusion d'un article controversé du New York Post, qui contenait des révélations sur Joe Biden. Une décision sans précédent, qui a leur a valu un déferlement de critiques de la part du camp Trump. "Les plateformes sont désormais dans une position équivoque", nous expliquait la semaine dernière Charles Thibout, chercheur à la Joint European Disruptive Initiative (JEDI) et à l'IRIS.

"D'un côté, elles se sont imposées dans le débat public comme des acteurs dominants de l'information. Une position qui leur convient parfaitement puisque la viralité des contenus alimente leur modèle économique, basé quasiment exclusivement sur la publicité", affirme le chercheur. "De l'autre côté, cette situation est extrêmement délicate car ils sont désormais en position de régulateurs du débat public. Les plateformes sont considérées comme des acteurs politiques. Il est donc inévitable qu'elles soient accusées de partialité."

Vers une réforme du statut des réseaux sociaux aux Etats-Unis ?

Derrière le débat de la modération se trouve la question de leur statut, de plus en plus débattu. Depuis leur création, ces entreprises se sont posées en défenseurs de la liberté d'expression et donc, se revendiquent comme de simples interfaces techniques et non des éditeurs ou des médias. Le but : s'affranchir de toute responsabilité juridique quant aux milliards de messages qui transitent sur leurs plateformes.

Pour montrer pattes blanches, et redorer leur blason suite à l'élection présidentielle de 2016, les réseaux sociaux appellent régulièrement les autorités américaines et européennes à davantage de régulation - sans préciser publiquement les besoins. Leur argument principal : les grandes plateformes américaines ne peuvent pas, à elles seules, déterminer et imposer au reste du monde ce qu'il est possible de dire ou non sur Internet. Un point de vue difficilement contestable par les différentes autorités de régulation.

Pour tenter d'y remédier, le Sénat américain s'est penché sur la "section 230" - un texte qui réglemente la responsabilité juridique des plateformes envers les messages qui sont publiés sur leurs réseaux. Adopté en 1996, à l'époque où les grands réseaux sociaux n'existait pas encore, ce texte est aujourd'hui considéré comme insuffisant pour réguler les géants américains face aux récentes dérives. Il fait l'objet de vives critiques de la part du camp républicain, mais aussi démocrate. Les patrons de Facebook, Twitter et Google ont été auditionné la semaine dernière par le Sénat pour débattre sur le sujet.

Anaïs Cherif

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Commentaires 3
à écrit le 05/11/2020 à 9:29
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AH mais c'est sûr, si Trump gagne ce sera encore la faute des réseaux sociaux et la Russie et du brexit ! Aliénant... -_-

à écrit le 05/11/2020 à 8:01
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Pas sûr que Donald soit le pire désinformateur de la planète depuis un an ....

à écrit le 04/11/2020 à 18:44
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Il suffit simplement de supprimer vos comptes Fb et Twitter : vous verrez cela fait un. bien fou. Je n'en ai plus depuis plus de 3 ans pour mon plus grand plaisir.

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