Dans le sillage d'Arm, enfin la reprise pour les IPO tech ?

L'entrée en Bourse (ou IPO) prochaine d'Arm, champion britannique des puces électroniques, ravive les espoirs d'une reprise des introductions d'entreprises technologiques sur les marchés financiers, notamment aux Etats-Unis où deux autres poids lourds, Instacart et Klaviyo, vont aussi tester dans les prochaines semaines l'appétit des marchés pour la tech. Mais les planètes ne sont pas encore alignées pour une vraie reprise. Décryptage.
Sylvain Rolland
(Crédits : DADO RUVIC)

Sept ans après avoir quitté la Bourse de Londres suite à son rachat par SoftBank, Arm s'apprête à retrouver les marchés financiers courant septembre, à Wall Street cette fois, pour ce qui s'annonce comme la plus grosse introduction en Bourse (IPO) de l'année. D'après les documents préliminaires publiés mardi 5 septembre, le géant britannique des puces pour smartphones vise une valorisation jusqu'à 52 milliards de dollars, et prévoit de lever entre 4,5 et 5,2 milliards de dollars lors de l'opération. Soit l'IPO tech la plus importante depuis celle du chinois Alibaba en 2014.

Dans son sillage, deux autres grosses startups américaines, Instacart (livraison de courses) et Klaviyo (logiciel d'automatisation du marketing) s'apprêtent à se lancer dans le grand bain des marchés. Est-ce à dire qu'on assiste enfin à la relance des grandes introductions en Bourse tech, après plus de 20 mois de disette ?

Des fondamentaux toujours fragiles

Même si les trois entreprises ont très peu en commun, il est indéniable que la réaction des marchés à leur entrée en Bourse enverra un signal à l'ensemble de l'industrie de la tech. A commencer par celle d'Arm, la première à se lancer, dans le courant du mois de septembre. « Si l'IPO d'Arm est un succès, beaucoup espèrent un effet boule de neige qui encouragerait d'autres entreprises tech à sauter le pas, et aussi les investisseurs à avoir plus d'appétit pour le risque », confirme Franck Sebag, associé chez EY.

Effectivement, le marché mondial des IPO a fait du surplace au premier semestre 2023 : -5% sur un an en nombre d'opérations, et -36% sur les montants levés d'après le baromètre publié par EY. « Le marché des IPO était très dynamique pré-Covid, puis le Covid avait mis un coup d'arrêt aux opérations en 2020, puis c'était reparti très fort de fin 2020 à début 2022 en raison de l'explosion des Bourses mondiales et de l'abondance des liquidités permise par les politiques accommodantes des banques centrales, puis ça c'est de nouveau stoppé en 2022 et nous ne sommes pas encore sortis de cette crise », décrit l'expert.

L'élan post-Covid a effectivement été cassé en 2022, quand le retour de l'inflation, les tensions énergétiques, la guerre en Ukraine et la hausse brutale des taux d'intérêt, ont fait chuter de plus de 60% le nombre d'IPO et de plus de 45% les montants levés par rapport à 2021.

Cette chute a été encore plus brutale dans la tech. Au premier semestre 2023, l'Europe n'a connu que 10 IPO tech, d'après EY, pour un montant moyen levé de 90 millions d'euros, soit des petites opérations. Grandes gagnantes du Covid, qui a accéléré la transformation numérique de l'économie, et de « l'argent gratuit » qui poussait les investisseurs vers les valeurs les plus risquées, les startups avaient obtenu des valorisations délirantes au plus fort de la bulle de 2021, avec un multiple de valorisation équivalent à 20 fois le chiffre d'affaires pour les entreprises du logiciel, d'après l'indice de référence Bessemer Ventures Partners.

« Aujourd'hui, le multiple de valorisation est autour de 6 fois les revenus, donc on est très loin des niveaux de 2021, analyse Franck Sebag. Dans un contexte de hausse des taux, de volatilité sur les marchés et d'aversion pour le risque, il devient très difficile pour les investisseurs de valoriser les entreprises non-cotées, ce qui raréfie les levées de fonds pré-IPO. Tant que les premiers maillons de la chaîne ne reviendront pas à la normale, ce qu'on anticipe pour 2024, cela pénalisera les introductions en Bourse tech ».

Le succès de l'IPO d'Arm serait plutôt l'arbre qui cache l'absence de forêt

Autrement dit, il ne faut pas attendre de l'introduction en Bourse d'Arm qu'elle enclenche un nouveau cycle en Bourse pour les entreprises tech, car les planètes ne sont pas encore alignées pour une reprise durable de l'activité.

De plus, Arm évolue dans une branche très spécifique de la tech : les semi-conducteurs. Un domaine en pleine explosion depuis quelques mois grâce à l'arrivée à maturité de l'intelligence artificielle, qui démultiplie la demande en puces électroniques, comme l'a montré l'incroyable croissance du leader mondial, Nvidia, qui a franchi la barre symbolique des 1.000 milliards de dollars de valorisation boursière suite à des résultats financiers exceptionnels. Et même si Nvidia bénéficie d'une avance technologique forte sur tous ses concurrents, les investisseurs croient en la capacité des autres poids lourds du secteur, dont Arm fait partie, à tirer profit de la révolution de l'IA.

Les investisseurs semblent donc plus enclins à soutenir une entreprise des semi-conducteurs qu'une entreprise tech classique, d'autant plus que des poids lourds de l'industrie se sont engagés à acheter des actions Arm. Notamment Nvidia, mais aussi Apple, qui a opportunément annoncé le 5 septembre la prolongation de son partenariat de long terme avec Arm pour la production de puces pour ses appareils.

Instacart, Klaviyo... seuls les plus solides se risquent -avec prudence- à l'IPO

Toutefois, les mois prochains pourraient amorcer une timide reprise des IPO tech, essentiellement aux Etats-Unis. « Pour les entreprises solides, bien gérées, qui génèrent beaucoup de revenus récurrents et qui restent sur des acquis élevés de valorisation, entrer en Bourse dans un tel moment peut être bénéfique », relève Franck Sebag.

Ainsi, peu après Arm, les startups Instacart (livraisons de courses) et Klaviyo (logiciel de data marketing), ont également annoncé fin août leur volonté de s'introduire sur les marchés financiers. Instacart pourrait être, après Arm, la seconde plus grosse IPO de l'année. Fondée en 2012 à San Francisco et revendiquant 9 millions d'utilisateurs actifs par mois, Instacart a enregistré son cinquième trimestre consécutif de rentabilité et un bénéfice net de 242 millions de dollars au premier semestre 2023, pour un chiffre d'affaires de 1,48 milliard de dollars (+31% sur un an). Après une explosion post-Covid et un retour sur Terre en 2022, Instacart était valorisée environ 10 milliards de dollars fin 2022 et a réussi à s'imposer comme l'une des rares entreprises rentables du secteur de la « gig economy », qui comprend également Uber, Lyft ou encore DoorDash...

De son côté, Klaviyo était valorisée 9,5 milliards de dollars fin 2021 et souhaiterait lever 750 millions de dollars lors de son introduction en Bourse prévue d'ici à la fin de l'année, un montant jugé plutôt modeste. Fondée en 2012 à Boston, l'entreprise propose aux entreprises un logiciel de data marketing intégrable avec les principales plateformes de e-commerce et qui permet d'envoyer à leurs clients des SMS, courriels automatisés et notifications marketing. La startup revendique plus de 585 millions de dollars de revenus mi-2023 (+56% sur un an) et 130.000 clients dans le monde.

Les trois entreprises ont toutefois pour point commun d'aborder leur entrée en Bourse avec une grande prudence et beaucoup de précautions en raison du contexte défavorable. Comme Arm avec Nvidia et Apple, Instacart s'est ainsi assuré le soutien de grands investisseurs, dont Pepsico, Sequoia Capital, Norges Bank ou encore Valiant Capital Management. Comme Klaviyo, Instacart prévoit de vendre moins de 10 % du total de ses actions en circulation, dans le cadre de son IPO.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 06/09/2023 à 18:54
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Une nouvelle bulle spéculative (cf. seulement 10 % du capital introduit sous forme de produit dérivé) pour tenter misérablement d'éponger la dette colossale de SoftBank et son fond Vision aveuglé par l'égo de son dirigeant d'origine sud coréenne (...

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