
Mark Zuckerberg ronchonne. Depuis lundi, le monde de la tech s'émerveille devant le concentré de technologie du Vision Pro, le casque de réalité mixte d'Apple à 3.499 dollars. Mais le dirigeant de Meta n'est pas d'accord avec cet engouement. Dans un email adressé à ses employés que s'est procuré par The Verge, il affirme que le Vision Pro n'apporte aucune véritable innovation, et que dans tous les cas, la vision du marché promue par Apple n'est pas la bonne. Pourtant, les experts s'accordent pour décrire l'appareil d'Apple comme un produit d'une qualité jamais vue sur le marché, qui a le potentiel d'enfin le faire décoller.
Meta se sentirait-il menacé ? « L'arrivée d'Apple dans l'industrie de la réalité augmentée a un goût doux-amer pour Meta. D'un côté, la présence d'Apple sur le marché pourrait drastiquement augmenter l'attractivité des technologies de réalité virtuelle et augmentée [VR et AR, ndlr], ce qui devrait profiter à tous les acteurs du secteur. Mais de l'autre, une percée d'Apple pourrait menacer les parts de marché de Meta », explique à La Tribune Kiran Raj, analyste chez GlobalData.
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Meta, un leader en échec
Fin 2021, Facebook est devenu Meta pour marquer un virage stratégique incarné par Mark Zuckerberg. L'entrepreneur est persuadé que la réalité virtuelle peut devenir une innovation de rupture aussi marquante que l'arrivée d'Internet, et il a décidé de miser des milliards de dollars sur ce pari. L'entreprise a donc propulsé le terme métavers -qui désigne les mondes virtuels- comme un élément central de son activité, et elle est parvenue à entraîner dans son sillage de nombreux grands groupes.
Mais malgré les milliards de dollars dépensés et un succès commercial relatif dans la vente de casque, Meta n'a pas réussi à faire adopter sa technologie par le grand public. Pis, l'entreprise a vécu une descente aux enfers en 2022 à cause de la chute des revenus publicitaires que n'a pas pu compenser son activité dans la VR.
Résultat : la division Reality Labs de Meta continue de perdre des milliards de dollars, pour un chiffre d'affaires qui ne décolle pas. Au dernier trimestre, elle a réalisé seulement 339 millions de dollars de chiffre d'affaires (-51% par rapport à l'année précédente) et enregistré près de 4 milliards de dollars de perte nette (+34%). Et pour cause, les produits d'appel de Meta dans la réalité virtuelle sont des applications de fitness et des jeux vidéo comme le jeu de rythmique Beat Saber, insuffisant pour convaincre le grand public. L'échec est tel que l'entreprise a temporairement poussé le terme de métavers en dehors de ses discours, au profit de celui plus tendance de « l'intelligence artificielle ».
Haut de gamme contre accessibilité
Alors que la situation est catastrophique pour Meta, voilà qu'un mastodonte de la tech s'attaque à son leadership. Pour l'instant, Apple semble se concentrer sur la réalité augmentée, qui consiste à projeter des contenus numériques dans le vrai monde, tandis que Meta mise historiquement sur la réalité virtuelle, où l'utilisateur est immergé dans un univers entièrement virtuel. Mais les casques des deux constructeurs peuvent s'adapter à l'AR comme à la VR, c'est pourquoi le terme de « réalité mixte » est employé, et que les deux champs sont considérés comme un marché unique.
Visuellement, le Apple Vision Pro et le Meta Quest 3 ressemblent tous deux à des masques de ski. Bien moins imposants que les premiers casques des années 2010, ils sont surtout débarrassés de fils, et fonctionnent en autonomie, sur batterie. Mais à 3.499 dollars, le casque d'Apple coûte sept fois plus cher que celui de Meta, et trois fois plus cher que le Quest Pro (la version plus puissante pour les entreprises). A ce tarif, il embarque des technologies d'écran, de capteur et même de processeur supérieures.
Dans un premier temps, les deux concurrents devraient donc avancer en parallèle, l'un sur le très haut de gamme, l'autre sur le reste du marché. Mais leurs trajectoires sont amenées à se croiser pour assouvir leurs ambitions respectives. Comme le relève avec humour The Information, Meta peut craindre la même trajectoire que Blackberry, qui a complètement abandonné la fabrication de son emblématique téléphone à clavier, après l'irruption de l'iPhone, un smartphone tactile pourtant très différent.
Une première bataille dans le logiciel
Les deux géants devraient dans un premier temps se livrer bataille dans le logiciel, chacun voulant imposer sa philosophie. « C'est une compétition de philosophie et d'idées », expliquait dès 2022 Mark Zuckerberg. « Ils pensent qu'en faisant tout par eux-mêmes, et en intégrant le casque à leur écosystème, ils vont créer une meilleure expérience utilisateur. Nous pensons à l'inverse qu'il y a beaucoup de choses à faire grâce aux spécialités de chaque entreprise, ce qui permettrait l'émergence d'un écosystème bien plus large.»
Depuis son virage en 2021, Meta s'est placé en acteur central de son écosystème, et a noué des liens avec des entreprises comme Microsoft ou Epic Games (l'éditeur de Fortnite), dans le but de faire émerger des protocoles et des modes opératoires communs. Evidemment, Apple n'a pas participé à ces tentatives de fédérer l'écosystème.
Résultat : l'écosystème de la réalité mixte semble se diriger tout droit vers une situation similaire à celle des smartphones, avec d'un côté un App Store contrôlé par Apple et hermétique aux acteurs extérieurs et de l'autre un Quest Store similaire à Android, qui autorise le téléchargement d'applications extérieures. Mais pour l'heure, ni Meta ni Apple n'a de « killer app », c'est-à-dire un logiciel qui rendrait la réalité mixte incontournable. La dynamique entre les deux pourrait se jouer sur ce point.
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