Avec l'Oculus Quest, Facebook peut-il faire de la réalité virtuelle un phénomène de masse ?

Facebook tenait, ce 26 septembre, sa conférence annuelle sur la réalité virtuelle. L'entreprise a renforcé les capacités de l'Oculus Quest, son premier casque de réalité virtuelle autonome, et annoncé la création d'un monde virtuel alternatif, Facebook Horizon. De quoi faire de la VR un phénomène de masse ?
François Manens
(Crédits : Oculus)

Mark Zuckerberg l'a annoncé en 2017 : il veut vendre un milliard de casques de réalité virtuelle (VR). Son salut pourrait passer par le dernier Oculus, baptisé Quest. Ce casque de VR autonome coûte 449 euros, et n'a pas besoin d'être relié à un ordinateur pour fonctionner, au contraire des premiers modèles de la filiale de Facebook.

Lors de la conférence Oculus Connect, le groupe a insisté sur l'Oculus Quest, avec l'annonce de nouvelles fonctionnalités, pour convaincre un plus grand public. Dès novembre, les utilisateurs pourront relier leur Quest à un ordinateur et ainsi accéder aux jeux et applications PC jusqu'ici réservés aux Oculus Rift. Le casque autonome accueillera également, début 2020, une technologie de hand tracking. Au lieu de se servir des manettes qui accompagnent habituellement les casques, le casque reconnaîtra leurs mouvements de bras et de mains dans la réalité virtuelle.

L'Oculus Quest a rapporté 20 millions de dollars en vente d'application

Pour accompagner son nouvel élan, fait rare, Facebook a communiqué des chiffres sur sa division VR. L'Oculus Store (le magasin virtuel d'application VR) a généré plus de 100 millions de dollars de revenus depuis 2015.

Mais surtout, l'Oculus Quest représente à lui seul 20 millions de dollars des ventes d'applications, alors qu'il n'est sorti qu'en avril 2019. Sur scène, Mark Zuckerberg, affirme même que "la demande [d'Oculus Quest] est supérieure aux attentes" et que son entreprise les vend "plus rapidement qu'elle ne les fabrique". Le co-fondateur du groupe a aussi annoncé Facebook Horizon, un réseau social en réalité virtuelle, accessible via tous les casques de la marque, et connecté au compte Facebook. 

L'Oculus Quest, au centre de l'attention de l'entreprise, est-il le chaînon manquant pour faire de la VR un phénomène de masse ? Facebook Horizon peut-il devenir le réseau social du futur ? Explications avec Sébastien Kuntz, fondateur de MiddleVR, développeur de logiciels à l'usage des professionnels et expert en VR depuis 2001.

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LA TRIBUNE - Quelles sont les contraintes et avantages de l'Oculus Quest par rapport aux autres casques ?

SEBASTIEN KUNTZ - Programmer une application sur l'Oculus Quest, c'est comme programmer sur un smartphone, puisqu'il n'est pas relié à un ordinateur. Nous avons donc plus de contraintes puisqu'il est moins puissant que les casques filaires, même si nous pouvons tout de même faire beaucoup de choses. D'un autre côté, le Quest a aussi la même accessibilité qu'un smartphone, et donc de nombreuses personnes et entreprises s'en sont équipées. Le fait qu'il se suffise à lui-même enlève une friction à l'usage qu'ont les casques plus anciens.

Facebook va équiper le Quest d'une technologie pour naviguer dans l'espace virtuel directement avec ses mains. Est-ce la fin des manettes, qui coupent parfois l'immersion dans la réalité virtuelle ? 

La manette n'est pas sexy, mais au moins, elle fonctionne à tous les coups. À l'inverse, la commande avec les mains, en plus d'être plus compliquée à mettre en place, pourrait ne fonctionner que dans 98% des cas. Et les 2% restants sont des frictions désagréables pour l'utilisateur, et donc pénalisantes pour les développeurs. Je pense que nous l'utiliserons peu, pour la même raison que nous utilisons peu les commandes vocales : nous avons besoin d'interactions infaillibles. 

En revanche, dans le cadre d'une démonstration, ce peut être intéressant. L'absence de manette enlève une friction pour l'utilisateur qui doit déjà faire un petit effort pour ajuster le casque. Pour des applications grand public, qui impliquent par exemple des conversations, ce sera donc utile. 

Avec l'Oculus Link, le Quest peut utiliser toutes les applications jusque-là exclusives aux casques Rift. Même si la qualité d'image du casque est légèrement moindre sur le Quest, peut-on dire Facebook a tué sa gamme historique [Rift]?

C'est bien simple, avec l'Oculus Link, le Quest va pouvoir se transformer en Rift. Il devient donc un casque deux en un. Personnellement, je vais revendre mon Rift pour ne garder que le Quest.

Pensez-vous que le Quest va s'imposer de la même manière au reste de marché ?

Vive (filiale de HTC), le principal concurrent de Facebook, a déjà sa réponse au Quest avec le Cosmos, qui sort bientôt. C'est un casque davantage premium : il est plus cher (800 euros), mais dispose de technologies plus pointues. Les deux entreprises ont attaqué le marché avec deux visions différentes. L'objectif affiché par Oculus dès le départ était d'imposer la VR au grand public. Quant à Vive, ils ont d'abord cherché la rentabilité, et se sont placés très tôt sur le marché professionnel, qu'ils dominent largement.

Mais justement, une des principales annonces de ce Oculus Connect, c'est que Facebook se lance sur le marché professionnel. Ils ont effectué plusieurs ajustements dans la programmatique, notamment sur les paramètres de confidentialité, essentiels pour nos applications. Ils ont aussi ajouté un outil de déploiement en entreprise, qui permet la gestion à distance de tous les appareils Quest. Vive va avoir un sérieux concurrent.

Côté grand public, Facebook a annoncé Facebook Horizon, un monde alternatif en réalité virtuelle, connecté à son réseau social. Avec l'Oculus Quest, les utilisateurs pourraient y accéder à partir de n'importe où. Cette nouvelle plateforme aura-t-elle des usages professionnels ?

Je pense que c'est pour cette application que Facebook a racheté Oculus en 2014 : ils voulaient créer une deuxième vie en réalité virtuelle, un équivalent de leur réseau social en VR. Il existe déjà des mondes alternatifs, mais ils ne sont pas ergonomiques, et surtout ils n'ont pas la capacité de déploiement massif dont dispose Facebook. Pour nous, développeurs, c'est un nouveau marché qui s'ouvre : on pourra par exemple vendre des modèles 3D pré-programmés en jeu, ou organiser des formations sur la plateforme. Aujourd'hui, nous gérons nous-mêmes la création des avatars [apparences des personnes en jeu, ndlr] des participants sur nos logiciels. Demain, les clients pourraient les avoir prédéfinis sur leur compte Facebook, et nous n'aurons plus qu'à nous y connecter. Un grand champ de possibilités s'offre à nous : nous pourrions effectuer nos rendez-vous commerciaux en VR, ou encore organiser des conférences en VR !

En revanche, il y a un penchant négatif. Facebook crée sa propre réalité, avec sa propre économie. Ils pourront analyser les comportements, les gestes, les interactions verbales et non verbales entre personnes... Les potentielles dérives sont importantes, de même que les risques en cas de faille de sécurité. Pour que nous l'utilisions à des fins commerciales, il faudra soit des garanties fortes, soit des serveurs privés, car les clients sont très pointilleux sur la sécurité. Mais avant d'aller jusque-là, il est possible que nous ayons une réponse négative de la part de nos clients rien qu'en prononçant le nom de Facebook.

Lire aussi : La réalité virtuelle s'équipe de nouveaux casques pour (enfin) exploiter son potentiel

François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 28/09/2019 à 21:40
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Et cela continue le développement de technologies inutiles. Elles sont aucun intérêt pour l'humanité.

à écrit le 28/09/2019 à 3:58
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Rater sa vie a ce point ! Quel aveu d'echec. Il y a tant de belles choses a contempler chaque jour qu'il nous est donne de vivre. Debut de la fin d'une civilisation qui refuse la realite.

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