Etrange situation pour Facebook. Dans la nuit du lundi 25 ou mardi 26 octobre, l'entreprise a présenté ses résultats financiers du troisième trimestre, et tout semble aller pour le mieux dans le sillage d'une croissance effrénée. Avec 29 milliards de dollars de chiffre d'affaires (+35% par rapport à l'an dernier), 9,2 milliards de dollars de bénéfices (+17%) et 3,6 milliards d'utilisateurs mensuels sur l'ensemble de ses applications - Instagram, Facebook et WhatsApp - (+12%), le groupe atteint de nouveaux sommets.
Problème : cette présentation de l'excellente santé financière du géant de la tech s'accompagne d'une nouvelle vague médiatique liée aux Facebook Files, le plus gros scandale de l'histoire (pourtant fournie) de Facebook. Alors que seul le Wall Street Journal avait jusqu'ici eu accès aux milliers de documents internes récupérés par la lanceuse d'alerte Frances Haugen - une ancienne cadre de Facebook décidée à dénoncer les mauvaises pratiques du groupe - cette fois, c'est tout un consortium de médias - dont Le Monde - qui a pu les éplucher.
Résultat : des dizaines d'articles détaillent les échecs du réseau social dans la modération des contenus, son incapacité à écouter les avertissements de ses employés sur ses propres dérives, ou encore ses difficultés à rajeunir son audience.
Pour Wall Street, la croissance avant tout
Même si cette situation médiatique a légèrement affecté la valorisation boursière du géant de la tech, du côté de Wall Street, les analystes préfèrent se concentrer sur les nouvelles initiatives de Facebook, comme le relève CNN. Leurs questions à l'entreprise ont avant tout porté sur la stratégie autour de Reels, l'arme anti TikTok rattachée à Instagram, ainsi que sur le métavers, le nouveau virage du groupe dans la réalité virtuelle sur lequel l'entreprise communique abondamment. Autrement dit, les analystes s'intéressent aux perspectives de croissance derrière les nouveaux produits de Facebook plutôt qu'aux potentielles conséquences néfastes du scandale.
Dans ce cadre, l'entreprise leur a donné un signal positif, puisqu'elle a plutôt bien encaissé le contre-coût des mesures d'Apple contre la publicité ciblée. Dans la mise à jour iOS 14.5 publiée en avril, le constructeur des iPhone (qui représente 15% du parc mondial de smartphones) a introduit une option qui permet aux utilisateurs d'applications de décider si oui ou non ils souhaitent autoriser une collecte de données avancée. Si les utilisateurs refusent, ils entravent une partie des possibilités de la publicité ciblée : or, plus une publicité est bien ciblée, plus elle a de chance de faire cliquer l'utilisateur, et donc d'attirer des revenus supplémentaires pour Facebook. Pour rappel, plus de 97% de son chiffre d'affaires provient de la publicité, et il se trouve en position de duopole sur ce marché avec Google. Mark Zuckerberg, le dirigeant de l'entreprise, a tout de même qualifié la mesure d'Apple de « vent contraire » qui devrait ralentir leur croissance, au moins à court terme.
Facebook balaie les critiques
Si les analystes semblent mettre de côté les Facebook Files, les révélations pourraient pourtant réellement menacer l'activité du groupe à moyen terme. Elles donnent du grain à moudre aux régulateurs américains et européens, qui avaient déjà entamé des procédures pour abus de position dominante contre Facebook. D'ailleurs, la lanceuse d'alerte Frances Haugen se fait auditionner par de nombreux pouvoirs publics, qui ont déjà évoqué la possibilité de forcer le géant de la tech à démanteler son empire.
Même si la discussion ne s'est pas attardée sur le sujet, la présentation des résultats était l'occasion pour Mark Zuckerberg de répondre aux révélations. Dans la lignée de la campagne de communication de son entreprise en amont des publications, le dirigeant minimise les découvertes : « De mon point de vue, nous voyons un effort coordonné destiné à utiliser des documents fuités, sélectionnés de sorte à dépeindre une fausse image de notre entreprise ». Le CEO affirme également que « les problématiques complexes » auxquelles Facebook fait face ne lui sont pas spécifiques.
Pour distraire l'attention du public pour l'instant concentrée sur le scandale, l'entreprise va pouvoir s'appuyer sur sa conférence Connect, qui aura lieu ce jeudi 28 octobre. Facebook devrait y annoncer plus en détail sa stratégie autour de la réalité virtuelle (et du métavers), et surtout, il pourrait y annoncer un nouveau nom pour le groupe.
Sujets les + commentés