Tellux veut dépolluer les friches industrielles grâce à la spectro-imagerie

NORMANDIE. Greentech rouennaise, Tellux a mis au point un laboratoire mobile équipé d’une caméra hyperspectrale grâce auquel il est possible d’analyser, instantanément, les polluants contenus dans un sol. A la clef, une dépollution plus sélective, plus fiable et moins onéreuse.
Trois carottes de terre passent sous le rayon de la caméra hyperspectrale de Tellux.
Trois carottes de terre passent sous le rayon de la caméra hyperspectrale de Tellux. (Crédits : dr)

Et si la spectro-imagerie mise au point par la NASA pour la télédétection spatiale volait au secours de la dépollution des friches ? C'est le pari que relève la startup rouennaise Tellux. Créée en 2019 par un quarteron de chercheurs (géologue, physicien, chimiste, spécialistes de l'IA), cette greentech rouennaise soutenue par l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a développé un procédé qui pourrait bien révolutionner la réhabilitation d'anciens sites industriels et, au passage, contribuer au Zéro artificialisation. Sa botte secrète ? Une solution de machine learning alimentée par des bases de données géologiques et chimiques et couplée à un laboratoire mobile équipé d'une caméra hyperspectrale. Le tout capable de cartographier en 3D et en temps réel la nature et la quantité de polluants organiques (PCB, HCB, dioxines, sulfates...) que renferme un sol avec une précision difficilement égalable.

Le BTP aux aguets

Transportable sur un chantier, le procédé se présente comme une alternative aux longues (et onéreuses) analyses en laboratoire industriel auxquels sont contraints les aménageurs. Là où celles-ci empêchent une prise de décision rapide, l'Hyperspectral Lab (HSL) promet au contraire une restitution instantanée. « En quelques secondes, il est possible de sérier les matériaux pollués et ceux qui sont sains et réutilisables sur chaque strate d'une carotte de terre ou d'un échantillon », détaille Antonin Van Exem, fondateur de l'entreprise. Le retraitement d'une seule tonne de terre souillée coûtant entre 100 et 200 euros, on comprend que le procédé ait tapé dans l'oeil de Paul Lhotellier, président du groupe de BTP éponyme. Habitué à gérer des quantités de déblais astronomiques, lui a été convaincu au point d'avoir investi dans Tellux.

« Comme nos terrassiers doivent aller vite, il arrive souvent que tout tombe dans le lot des terres fortement polluées, explique t-il. Si nous arrivons à démocratiser cette technologie en la couplant avec nos propres outils, elle remédiera à cet "à-peu-prêtisme" très dommageable ».

La promesse d'un rendement optimal

Le groupe Lhotellier n'est pas le seul à s'intéresser aux promesses de la spectro-imagerie. Encore à l'état de prototype, le HSL a été éprouvé en conditions réelles cet été par le groupe Colas sur le chantier de reconversion de l'ex raffinerie SRD de Dunkerque. Durant tout le mois de juillet, plusieurs centaines d'échantillons sont passés sous le rayon de la caméra avant d'être soumis à l'algorithme. Le bilan est très satisfaisant, selon Pierre-Antoine Fourrier, directeur de projets chez Colas. « Ces diagnostics sur site ont permis d'optimiser le temps des travaux de terrassement et donc de réduire les coûts d'opération parce que nous avions les résultats beaucoup plus rapidement que de façon traditionnelle en laboratoire extérieur».

L'intérêt de la solution rouennaise ne se limite pas à la phase de travaux. Sa rapidité et sa fiabilité d'exécution pourrait aussi permettre d'affiner en amont les coûts de dépollution d'une friche : un enjeu déterminant pour le calcul de la rentabilité financière d'un projet immobilier. « L'Ademe a constaté que les études de diagnostic classiques sous-estiment la quantité de polluants qui sera trouvée pendant les travaux dans 60% des cas » rappellent les dirigeants de Tellux. D'où l'arrêt inopiné de certaines opérations de réhabilitation, stoppées au milieu du gué parce que devenue trop chères. « Compte tenu du coût de retraitement, réaliser de bons chiffrages préalables est un enjeu clef pour tous les acteurs de la dépollution » souligne Paul Lhotellier en écho.

A première vue, la jeune pousse normande (17 collaborateurs), qui est labellisée deeptech par la BPI, ne devrait pas avoir trop de difficultés à commercialiser son procédé. Lequel pourrait être mis sur le marché à la fin de cette année. Faut-il rappeler qu'en France, les friches industrielles couvrent une surface comprise entre 90.000 et 150.000 hectares.

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