NFT : grâce au succès de ses singes numériques, Yuga Labs lève 450 millions de dollars et lance son métavers

La jeune pousse de Miami, à l’origine des Bored Apes, ces portraits de singe digitaux qui s’arrachent pour des sommes mirobolantes, travaille à la création d’un métavers baptisé Otherside. Il s’agira d’un jeu vidéo multijoueur doté de sa propre économie. Et, potentiellement, de l’un des premiers projets de grande envergure entièrement construits sur le Web3.
(Crédits : Yuga Labs)

Une vidéo d'une minute trente, qui montre un singe en train de pêcher devant sa maison au crépuscule, casquette de marin vissée sur le crâne et cigare au bec. Croyant avoir ferré un poisson, il remonte sa ligne, pour tomber sur une bouteille au contenu mystérieux. Il l'ingurgite d'un trait, et son environnement commence aussitôt à se métamorphoser : un volcan en éruption jaillit droit devant lui, des pics rocheux sortent de l'océan, tandis qu'une créature volante l'emporte dans les nuages pour un vertigineux ballet aérien, le tout sur un célèbre tube des Doors.

C'est tout ce que la start-up Yuga Labs dévoile pour l'heure de son tout nouveau projet de métavers, baptisé Otherside. La startup américaine, basée à Miami, et qui se trouve derrière les célèbres Bored Apes Yacht Club, sans doute la collection de NFT la plus célèbre (et la plus chère), vient de lever la somme titanesque de 450 millions de dollars pour mener à bien son projet et damer le pion de Mark Zuckerberg. Un investissement mené par le prestigieux Andreessen Horowitz, argentier historique de la Silicon Valley.

Cette levée de fonds donne à la jeune pousse une valorisation impressionnante de quatre milliards de dollars : pas mal pour une entreprise qui, un an plus tôt, n'existait pas encore, et n'a surtout à l'heure actuelle rien produit de tangible.

Des singes à plus de 200 000 dollars

Les Bored Apes Yacht Club constituent une collection de 10.000 portraits de singes anthropomorphes, certains portant une chapka, un bonnet ou un casque prussien, d'autres fumant la pipe, d'autres, encore, tirant des rayons lasers par les yeux. 100% virtuels, ils sont commercialisés sous forme de NFT, ou jetons non fongibles, ces titres de propriété numériques basés sur la Blockchain qui permettent d'authentifier et tracer la valeur d'un bien, notamment virtuel, sur l'internet.

Passé un premier drop (nom que l'on donne à un lancement de NFT) au printemps 2021, durant lequel ils se vendent environ 200 dollars pièce, les Bored Apes s'échangent depuis sur OpenSea, la plateforme préférée des amateurs de NFT, pour des sommes faramineuses. Les moins chers se vendent actuellement autour de 200.000 dollars, mais les prix peuvent grimper encore bien plus haut : le chanteur Justin Bieber aurait ainsi payé la bagatelle de 1,29 million de dollars pour acquérir le sien, selon Etherscan, une plateforme en ligne qui traque les transactions réalisées sur la Blockchain.

Les singes sont également devenus un véritable phénomène de société aux États-Unis : il existe des fresques murales à leur effigie dans les rues de Brooklyn, des vêtements avec leur logo dans les boutiques branchées de Miami, et un livre est en train d'être écrit sur eux. Ils s'avèrent également très lucratifs pour Yuga Labs, qui, grâce au principe des NFT, touche une commission chaque fois qu'un singe est revendu sur OpenSea : la jeune pousse a ainsi engrangé 137 millions de dollars de profit l'an passé, avec une marge impressionnante de 95%.

Biens de luxe 3.0

Si des individus sont prêts à débourser de telles sommes pour acquérir la propriété d'une simple image virtuelle, c'est parce que les Bored Apes sont devenus un objet de consommation ostentatoire, au même titre qu'une Rolex ou une Ferrari. Posséder l'un d'entre eux est un signe de prospérité, qui assure à son propriétaire de rejoindre un club très select, dont font également partie le présentateur Jimmy Fallon, le footballeur Neymar, le rappeur Snoop Dogg, ou encore le basketteur Steph Curry. Ainsi, en vertu du célèbre effet Veblen, plus leur prix monte, plus les singes deviennent attractifs.

Mais c'est aussi une preuve d'avant-gardisme. On montre ainsi que l'on investit dans des projets ultra innovants et que l'on participe, avec toute une communauté d'éclaireurs visionnaires, à la construction du fameux Web3. Mais là où l'on ne peut montrer sa Rolex qu'à ses proches, il suffit de mettre son Bored Ape en avatar sur Twitter pour prouver au monde entier qu'on en possède un. Et si le projet Otherside se concrétise, on pourra bientôt en faire autant dans le métavers.

Tout un écosystème à bâtir

Si peu de détails ont pour l'heure été communiqués quant à la forme que prendra le métavers Otherside, on sait en effet qu'il s'agira d'un jeu vidéo multijoueurs (sur le modèle de Fortnite et World of Warcraft) dans lequel les joueurs pourront utiliser leur NFT comme personnage et où il sera possible d'acheter des terres, sur le modèle promu par Decentraland. Il sera cependant ouvert à tous, et pas seulement aux heureux possesseurs d'un Bored Ape.

La jeune pousse a affirmé travailler avec « plusieurs studios de jeu vidéo différents » pour mettre en œuvre ce projet. Greg Solano, l'un des cofondateurs de Yuga Labs, a également insisté sur l'importance de la dimension ludique du projet : selon lui, un métavers purement social n'a aucune chance de fonctionner, il faut un cadre de jeu pour que les participants s'amusent et aient envie de se sociabiliser.

Quelques semaines plus tôt, Yuga Labs a racheté CryptoPunk et Meebits, deux autres célèbres collections de NFT, qui seront donc selon toute vraisemblance également incluses dans Otherside. La semaine dernière, elle a également annoncé le lancement de sa propre cryptomonnaie, le ApeCoin, preuve que la jeune pousse ambitionne bien de construire tout un écosystème numérique, avec sa propre identité visuelle, ses propres codes et sa propre devise.

Les prémices du Web3

Si le métavers est devenu un terme marketing quelque peu dévoyé depuis que Mark Zuckerberg en a fait son objectif principal, renommant du même coup son entreprise Meta, Yuga Labs dispose de plusieurs atouts dans sa manche. Une identité graphique forte et immédiatement reconnaissable, des moyens financiers importants, et une communauté de fans aussi zélée que dynamique.

Mais aussi un ancrage dans le Web3, dont, contrairement à Facebook, elle fait en quelque sorte partie depuis sa création. Son modèle d'affaires est à cet égard unique, puisqu'elle s'est enrichie exclusivement grâce à la vente de NFT, sur laquelle elle compte désormais capitaliser pour mener à bien un vrai projet. Reste à voir si elle saura collaborer efficacement avec un studio de jeu vidéo pour concrétiser ses ambitions, ou si, comme l'annoncent de nombreux détracteurs de NFT, la bulle finira par éclater et le buzz par retomber.

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