Rachat d'Activision Blizzard : Microsoft en passe de réussir son coup

Après avoir bloqué le rachat du géant des jeux vidéo en avril dernier, l'autorité britannique de la concurrence s'est laissée « provisoirement » convaincre par les solutions de Microsoft. Reste désormais à valider ce feu vert en octobre, mais le plus dur est fait, d'autant plus que le régulateur américain, qui souhaitait à tout prix la bloquer, a enchaîné ces derniers mois les revers judiciaires.
Sylvain Rolland
(Crédits : DADO RUVIC)

Plus d'un an et demi après avoir identifié sa cible, Microsoft est en train de lever un obstacle de poids dans sa quête de racheter Activision Blizzard, l'éditeur de jeux vidéo cultes comme « Call of duty », « World of Warcraft » ou encore « Candy Crush ». L'autorité britannique de la concurrence, la CMA, a annoncé vendredi qu'elle donnait un feu vert « provisoire » au nouvel accord de rachat, proposé par Microsoft suite au retoquage, par la même CMA, de sa proposition initiale en avril dernier.

Dans son communiqué, la CMA estime que Microsoft a « proposé des protections additionnelles » qui limitent le risque que la fusion entraîne la constitution d'un empire des jeux vidéo nocif pour la concurrence dans le secteur. L'autorité dit n'avoir désormais que des « préoccupations résiduelles limitées » sur cette fusion. Elle a ouvert une consultation jusqu'au 6 octobre sur les modifications proposées par Microsoft. Autrement dit, si les concurrents de Microsoft, notamment Sony et Google, s'opposent toujours à la fusion, ils ont jusqu'à cette date pour expliquer leurs arguments à la CMA.

Les droits de « Call of Duty » et « Candy Crush » vendus à Ubisoft

Pour revenir dans les bonnes grâces de la CMA, le fabricant de la console de jeux Xbox avait soumis en août à l'autorité britannique une version amendée de son projet de rachat à 69 milliards de dollars.

Dans cette nouvelle mouture, le titan des logiciels prévoyait notamment de céder les droits de certains jeux en ligne très populaires d'Activision Blizzard, dont les succès planétaires « Call of duty » et « Candy Crush », qui vont être vendus au français Ubisoft avant l'acquisition par Microsoft. Et ce dernier aura le droit de vendre des licences sur les contenus d'Activision à « tout fournisseur de jeux dématérialisés ». L'objectif ? « Permettre aux joueurs d'accéder aux jeux d'Activision de manières différentes », d'après Sarah Cardell, la directrice générale de la CMA.

La CMA invoquait le 26 avril, en bloquant cette méga-fusion, des risques trop élevés pour la concurrence. Microsoft avait contesté cette décision qui devait être portée en justice. Microsoft et la CMA avaient finalement convenus début juillet de suspendre la procédure judiciaire et de trouver un terrain d'entente, ce qui devait passer par de nouvelles propositions du groupe américain.

Fin juillet, Microsoft assurait que les circonstances ont changé depuis son veto fin avril, invoquant notamment ses engagements auprès de l'UE. Effectivement, en mai, la Commission européenne a validé la plus grande opération de rachat de l'histoire de la tech, qui ferait de Microsoft le numéro 3 mondial du secteur, derrière le chinois Tencent et le japonais Sony, fabricant de la PlayStation. « Les engagements acceptés par la Commission européenne fournissent un cadre légal » aux accords de licence conclus avec plusieurs entreprises du secteur des jeux dématérialisés (cloud gaming), fait valoir Microsoft. Ces engagements « imposent une obligation juridiquement contraignante de dix ans à Microsoft d'accorder des licences mondiales libres de droits » ainsi que « des sanctions réglementaires sévères en cas de violation ».

Série de revers de la FTC américaine pour bloquer l'acquisition

Le ciel semble donc s'éclaircir pour la méga-fusion, et ce malgré l'opposition tenace de la Federal Trade Commission (FTC), l'autorité américaine de la concurrence. En décembre dernier, la puissante agence dirigée par Lina Kahn, connue pour sa fermeté à l'égard des abus de position dominante des big tech, avait entamé une procédure pour bloquer le rachat, estimant qu'il représentait une menace pour la concurrence. « En contrôlant les contenus d'Activision, Microsoft pourrait et aurait intérêt à retenir ces contenus, ou à en diminuer la qualité d'une façon qui affaiblirait la concurrence, y compris en termes de qualité, de prix et d'innovation », estime l'agence fédérale. Un raisonnement non-dénué de bon sens et qui s'appuie sur l'expérience de la décennie passée, où certaines acquisitions stratégiques, à l'image d'Instagram par Facebook, ont freiné l'innovation dans certains secteurs.

En mai, la FTC avait également entamé une action au civil devant la justice fédérale, en Californie. La semaine dernière, une juge fédérale a débouté la FTC de sa demande de suspension de la transaction. Selon Jacqueline Scott Corley, l'agence « n'a pas démontré qu'elle était capable de prouver que cette opération était susceptible d'affaiblir la concurrence dans cette industrie ».

Le régulateur a alors saisi une cour d'appel fédérale, qui lui a également donné tort. En juillet, la juge de la Cour suprême Elena Kagan, chargée d'examiner le dossier au nom de la plus haute juridiction du pays, a rejeté une demande de suspension soumise par des joueurs.

La procédure administrative restait concrètement la dernière voie de recours pour bloquer ce rachat, mais fin juillet, la FTC a suspendu sa procédure en conséquence à cette série de revers judiciaires. L'agence peut néanmoins choisir de reprendre, plus tard, son action, mais le feu vert provisoire de la CMA britannique semble indiquer que la partie semble perdue pour les régulateurs.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 23/09/2023 à 9:21
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Incompréhensible. Actuellement quasiment tous les jeux développés par deséditeurs rachetés par Microsoft sont des exclusivités Xbox. Le seul concurrent est Sony. Avec la revente des grosses licences à Ubi Soft ces jeux seront disponibles sur les 2 co...

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