Rachat de Twitter : avant Elon Musk, Google, Disney et Salesforce avaient eux aussi renoncé

A quelques semaines du procès qui oppose Twitter à Elon Musk pour l'obliger à finaliser le rachat de Twitter pour 44 milliards de dollars, d'autres géants de la tech -Google, Disney, Salesforce- avaient très sérieusement envisagé de s'offrir le réseau social... avant de renoncer, pour différentes raisons.
Sylvain Rolland
(Crédits : Dado Ruvic)

Twitter réussira-t-il enfin à se faire racheter ? C'est tout l'enjeu du procès qui se tiendra à la mi-octobre entre l'oiseau bleu et l'entrepreneur multimilliardaire Elon Musk. Ce dernier s'était engagé à acheter l'entreprise pour 44 milliards de dollars en avril dernier, avant de brutalement changer d'avis. La raison officielle : les bots et les faux-comptes, qui représenteraient d'après lui au moins 20% des utilisateurs, alors que Twitter affirme depuis des années qu'il y en a moins de 5%. Bien décidé à ne pas sortir le chéquier, le patron de Tesla et SpaceX s'appuie aussi sur les révélations récentes d'un lanceur d'alerte, qui a accusé le réseau social de mentir aux régulateurs sur sa cybersécurité.

Si Elon Musk est le premier à renoncer au rachat après s'y être formellement engagé, d'autres géants de la tech ont failli s'offrir le réseau social avant de se raviser. Et pour cause, Twitter a tous les apparats d'une excellente cible : c'est un média social mondial fort d'une communauté d'environ 300 millions d'utilisateurs, dont 237 millions sont monétisables d'après l'entreprise. Twitter jouit en outre d'un pouvoir d'influence massif et d'une énorme notoriété. Mais ses dirigeants n'arrivent pas à passer un cap supplémentaire de croissance d'utilisateurs et peinent à trouver un modèle économique pérenne, ce qui attise logiquement l'appétit d'autres géants de la tech, qui croient pouvoir libérer son potentiel.

Ainsi, en 2016, un an après le retour -plutôt raté- du fondateur Jack Dorsey à la tête de l'entreprise, trois d'entre eux s'étaient retrouvés en compétition pour racheter Twitter : Alphabet (maison-mère de Google), Disney et le géant des logiciels d'entreprise Salesforce. Tous ont finalement renoncé.

Trop cher pour Salesforce

Très agressif sur le front des fusions/acquisitions, Marc Benioff, le bouillant patron de Salesforce, était clairement le plus enthousiaste à l'idée de racheter Twitter, qu'il qualifiait dans la presse de « diamant brut ». Le géant des logiciels de gestion de la relation client lorgnait surtout sur les données personnelles détenues par le réseau social. Son but : connaître le mieux possible les consommateurs pour adapter ses offres de CRM et les logiciels qu'il vend aux entreprises. Salesforce pensait aussi pouvoir faire de Twitter une entreprise rentable en lui apportant son expertise du BtoB, un segment de croissance alors peu développé.

Peu après avoir raté LinkedIn, racheté par Microsoft, Marc Benioff semblait donc bien décidé à mettre la main sur Twitter. Mais le réseau social, alors valorisé entre 18 et 20 milliards de dollars et également courtisé par Google et Disney, faisait monter les enchères et souhaitait se vendre entre 25 et 30 milliards de dollars. Trop cher pour les actionnaires de Salesforce, qui ont mal accueilli le projet de Marc Benioff, dont ils critiquaient la frénésie d'acquisitions avec 12 entreprises rachetées dans les 12 derniers mois, pour un total de 4 milliards de dollars, et une trésorerie insuffisante pour s'offrir une entreprise aussi chère.

La « haine » et les « problèmes » avaient effrayé le patron de Disney

L'autre option pour Twitter était alors Disney. Bob Iger, le Pdg de l'époque, avait déjà en tête le virage de Disney dans le streaming, mais le groupe manquait de culture et de compétences tech. Pour lui, Twitter est alors la plateforme de distribution idéale.

« Twitter était un réseau social mais nous le voyions comme quelque chose de complètement différent : une plateforme de distribution mondiale pour nos contenus, car nous voulions entrer dans le business du streaming mais nous n'étions pas une entreprise tech. Nous voulions utiliser Twitter pour diffuser au monde entier des informations, des sports, des divertissements. Cela aurait été une solution phénoménale en termes de distribution », a confié l'ancien dirigeant début septembre 2022 à la Code Conference aux Etats-Unis.

Après avoir convaincu le conseil d'administration de Disney puis celui de Twitter, l'affaire était presque dans le sac. Mais quelques jours avant de signer, Bob Iger doute. « En tant que manager d'une grande marque mondiale, je n'étais pas prêt à assumer une telle distraction, gérer autant de problèmes qui viennent avec l'achat d'un réseau social, notamment la modération et la toxicité », explique l'ancien dirigeant, qui voit alors une contradiction entre le business de Disney -« produire du fun, faire le bien », et tous les discours haineux et l'utilisation toxique qui peut être faite d'un réseau social.

Le dirigeant se rappelle aussi avoir regardé de près les faux comptes. « Nous avons examiné très attentivement tous les utilisateurs de Twitter et nous avons alors estimé avec l'aide de Twitter qu'une partie substantielle -pas la majorité- n'était pas réelle », révèle-t-il, tout en précisant que cela n'a pas joué dans son changement d'avis.

Google a juste voulu des outils techniques de Twitter, pas du reste

Enfin, le dernier prétendant sérieux était Alphabet, la maison-mère de Google. Champion mondial de la publicité en ligne, Google aurait pu utiliser Twitter pour renforcer ses positions dans la publicité native et mobile, et prendre de plus gros budgets à ses clients en intégrant Twitter dans leurs campagnes, ce qui aurait par ricochet amélioré la monétisation de Twitter, qui vit aussi essentiellement des publicités.

Le marché était très enthousiaste à l'idée du deal, mais Google n'en a finalement pas voulu, provoquant une chute de la valeur de Twitter en Bourse de presque 10% le jour où le refus a été communiqué. Google a en fait estimé qu'acheter l'entièreté de Twitter ne valait pas le coût : à la place, il a acheté un « package » comprenant la plupart de ses outils de développement, notamment sa plateforme de développement d'applications mobiles Fabric, la plateforme de rapport d'incidents Crashlytics, l'outil d'analyse d'applications mobiles Answers, le système de connexion par SMS Digits et le système d'automatisation du développement Fastlane. L'objectif pour Alphabet : renforcer Google dans le business stratégique du cloud, où il n'était -et est toujours- que troisième derrière Amazon et Microsoft.

Sylvain Rolland

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