"Le marché des sites d'emploi va être une bataille de géants" (Antoine Jouteau, Pdg Le Bon Coin)

Le site de petites annonces lance ce mercredi un service dédié à la recherche d'emploi pour les profils très prisés des cadres. Environ 6.000 offres seront disponibles dès son lancement. Antoine Jouteau, Pdg du Bon Coin, dévoile sa stratégie pour se démarquer d'une concurrence de plus en plus féroce, de LinkedIn à Shapr en passant par Google et Facebook.
Anaïs Cherif
Antoine Jouteau, Pdg du Bon Coin, estime que le RGPD est une opportunité.
Antoine Jouteau, Pdg du Bon Coin, estime que le RGPD est une opportunité. (Crédits : Franck Beloncle)

Le Bon Coin s'attaque à l'emploi cadre. Lancé en 2006 en tant que site de petites annonces d'occasion, l'entreprise française s'est progressivement fait un nom dans la recherche d'emploi. Sa rubrique, présente depuis le lancement du site, a vu en moyenne 2.400 offres d'emploi publiées chaque jour en 2017 et attire 2,6 millions de visiteurs uniques par mois. Au total, le Bon Coin revendique environ 60.000 offres d'emploi disponibles. Et 400.000 entreprises ont eu recours au site de petites annonces pour leur recrutement sur une année.

Bémol : les offres à destination des cadres, profil pourtant très prisé, représentent seulement "quelques milliers" d'annonces sur le Bon Coin. Pour passer à la vitesse supérieure dans ce secteur très concurrentiel, l'entreprise lance ce mercredi un service dédié aux cadres avec une nouvelle rubrique et une application mobile. Le Bon Coin s'appuie pour cela sur la start-up Kudoz, surnommée "le Tinder de l'emploi" et rachetée en 2017. L'entreprise française applique ainsi les codes du dating à la recherche d'emploi pour se démarquer de la concurrence - de LinkedIn à Shapr, en passant par Google et Facebook. Entretien.

LA TRIBUNE - Pourquoi vouloir-vous adresser spécifiquement aux cadres ?

Antoine Jouteau, Pdg Le Bon Coin - Le marché des cadres est très dynamique, avec un taux de chômage avoisinant les 4%, ce qui est assez faible. La particularité de ce marché est que deux tiers des cadres sont en veille passive, c'est-à-dire qu'ils sont à l'écoute du marché sans faire aucune action. Il y a donc un créneau à saisir.

Le Bon Coin est déjà une destination pour l'emploi. En 2017, environ 2.400 offres d'emploi ont été postées par jour et 50.000 entreprises ont actuellement une offre sur notre site. Depuis quelques mois, nous remarquons la progression du dépôt d'offres cadres mais nous devons aller plus loin. Ces annonces représentent 5% de notre rubrique emploi, nous devons grimper jusqu'à 15% avec 10.000 à 15.000 offres proposées. "Le Bon Coin emploi cadre" proposera 6.000 offres d'emploi dès son ouverture.

Allez-vous privilégier une offre mobile ?

Le lancement sera progressif avec un déploiement sur mobile à partir du 16 mai sur une application dédiée. Il faut savoir que plus de 70% de l'audience du Bon Coin aujourd'hui est mobile. Le smartphone est toujours à portée de main, dans la poche - et c'est d'autant plus vrai pour les cadres. Comme ils ont peu de temps mais beaucoup de sollicitations, les offres seront directement notifiées dans leur mobile. Sur le site, la plateforme sera une sous-rubrique dans l'onglet emploi actuel.

Vous avez acheté en septembre 2017 la start-up Kudoz, qui se présentait comme le "Tinder de l'emploi". Son application de matching reposait sur un système de swipe (en français, balayer) semblable à celui de l'application de rencontres. Pourquoi avoir choisi Kudoz ?

Nous savions qu'il fallait une approche différente pour attaquer le marché des cadres. En effet, les cadres représentent environ un tiers de notre audience totale (29 millions de visiteurs uniques par mois) mais ils ne fréquentent pas forcément notre rubrique emploi. Comment fait-on pour les approcher ? Cela passe par un service adapté, c'est-à-dire rapide et personnalisé.

Or, le service de Kudoz est une offre de disruption pour le secteur. Nous allons donc conserver le système de swipe pour la recommandation d'offres. Le recruteur défini ses critères (salaire, écoles, compétences...) qui nous permettent de mettre en avant des offres pour le candidat ciblé. Notre particularité : pour chaque offre, nous expliquerons pourquoi nous avons proposé cette offre. Cette transparence va permettre au candidat de moduler son profil et ses recherches.

Les cadres sont des profils très prisés, comment comptez-vous convaincre les recruteurs et les candidats à postuler sur Le Bon Coin ?

Nous allons utiliser la marque Le Bon Coin car nous faisons partie des entreprises préférées des français. La charte graphique sera aussi différente du site traditionnel pour montrer "l'accueil VIP" que nous voulons offrir aux cadres. Nous allons aussi beaucoup communiquer pour faire connaître le service. Et enfin, si cela marche, nous comptons sur le bouche-à-oreille qui est très important sur Le Bon Coin.

Votre rubrique emploi est monétisée depuis début 2017. Pour les employeurs de TPE et PME, les cinq premières annonces publiées sont gratuites. La facturation est activée au bout de la sixième annonce déposée à hauteur de 69 et 150 euros. Le service est toutefois gratuit pour les candidats. Quel est le chiffre d'affaires généré par cette activité et quelle est sa part dans le chiffre d'affaires total ?

Nous ne communiquons pas par secteur, mais l'emploi est actuellement notre 3e marché. [Ndlr : Le Bon Coin revendique un chiffre d'affaires de 257,4 millions d'euros pour 2017].

Comment comptez-vous monétiser votre nouveau service, Le Bon Coin emploi cadre ?

Notre offre sera gratuite pour le candidat, c'est un impératif. En revanche, le service sera payant pour tous les recruteurs - y compris les TPE et PME. Notre formule sera différente : nous ne vendons plus à l'annonce, mais à l'emplacement à partir de 1152 euros à l'année.

Envisagez-vous à terme un service premium payant pour les candidats, comme LinkedIn peut le proposer ?

Non car nous pensons que l'accès pour les candidats doit être facilité. Comme pour Le Bon Coin, nous nous tournons vers une utilisation gratuite côté candidat. Notre ADN a toujours visé une expérience facilitée pour nos utilisateurs. Une offre payante ne serait ni saine, ni compréhensible.

Des dispositions particulières ont-elles été prises pour lutter contre les fausses candidatures et offres d'emploi - comme cela peut être le cas sur Le Bon Coin ?

La lutte contre les fausses annonces est une préoccupation permanente pour Le Bon Coin. Cette problématique étant intégrée dans notre ADN, aucun contrôle n'a spécifiquement été développé pour la nouvelle plateforme. Toutes les annonces publiées sur notre site sont passées en revues par un algorithme. Il y a également un contrôle humain en cas de doute.

Le marché de l'emploi n'est pas un secteur où il y a beaucoup de tentatives d'usurpations. L'identification des recruteurs se fera lors de la commercialisation des offres. Concernant les candidats, il n'y a aucun intérêt à créer de faux profils et nous aurons très rapidement des retours des employeurs sur le sérieux des candidatures reçues.

Le marché des sites professionnels est très concurrentiel : LinkedIn, Shapr, Welcome to the jungle... Viadeo, placé en redressement judiciaire fin 2016, en a subi les conséquences. Le Bon Coin avait d'ailleurs déposé une offre auprès du tribunal de commerce de Paris, avant de se raviser. Comment comptez-vous vous distinguer pour ne pas subir le même sort ?

Cela va être une bataille de géants. Aujourd'hui, Le Bon Coin attire 29 millions d'utilisateurs par mois. Pour nous, c'est une question de pertinence : nous allons mettre notre audience sur la table. Nous sommes rapidement entrés sur le marché de l'emploi en l'espace de 2 ans et demi environ. Nous espérons suivre cette même trajectoire avec le marché des cadres. Nous ferons un bilan fin 2019.

Facebook s'est positionné sur le marché de l'offre d'emploi l'année dernière. Il a été suivi par Google, avec sa plateforme « Google for jobs » et son application « Google Hire ». Est-ce que vous redoutez davantage la concurrence de Facebook et de Google ?

L'intégralité du monde de l'Internet est en concurrence contre les GAFAM (ndlr : acronyme désignant Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Evidemment, quand ils s'installent sur un créneau, ce n'est jamais une très bonne nouvelle pour les acteurs du marché en termes de concurrence équitable vu les moyens démesurés dont ils sont dotés... Mais Le Bon Coin est le quatrième site en termes d'audience et le deuxième en temps passé. En combinant notre audience, notre marque et notre technologie, je pense que nous avons une carte à jouer.

Sans compter que les GAFAM sont secoués en ce moment avec leurs pratiques fiscales et leur gestion des données personnelles. Ces entreprises doivent revenir sur le droit chemin. Je pense que les utilisateurs français et européens sont en train d'ouvrir les yeux. Je crois qu'ils vont se tourner vers un patriotisme numérique.

Lire aussi : "Google for jobs" veut concurrencer LinkedIn et Facebook

Pensez-vous que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui entrera en vigueur le 25 mai prochain, puisse être un avantage concurrentiel ?

Le RGPD est une opportunité pour nous au regard de la concurrence et de la défiance actuelle à l'encontre des GAFAM. Le Bon Coin sera presque prêt pour le 25 mai. Depuis 6 mois, 15 personnes sont mobilisées à temps plein et nous avons déjà recruté en interne un délégué à la protection des données (DPO). Nous serons 100% compatible avec le RGPD d'ici la fin de l'année. Je crois que cela compte pour les gens. Tous nos serveurs sont en région parisienne, et notre entreprise est domiciliée et fiscalisée en France.

Anaïs Cherif

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Commentaires 7
à écrit le 18/06/2018 à 12:19
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Leboncoin porte préjudice à l’artisanat Leboncoin se rend complice de travail dissimulé avec ses “soit disant” professionnels qui se prétendent être artisans, qui réalisent des travaux ou prestations services chez les particuliers. Ces travailleurs...

à écrit le 16/05/2018 à 18:27
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Bonjour monsieur le directeur,rien a avoir avec un emploi ,juste prévenir touts les gens que le bon coin et extrêmement dangereux pour les vendeurs. J'en et fait les frais '''perte de 5800 euros''' après avoir répondu a un acheteur qui ces avérer êtr...

le 28/02/2019 à 16:09
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tro bel

à écrit le 16/05/2018 à 15:07
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Qui l’eut cru ? Les sites actuels destinés aux cadres (Apec ou autres) offrent tout de même une valeur ajoutée, avec des conseils, des partenariats et des liens de réseautage. Ceci dit, qui eût cru au développement des offres d’emploi sur le Bon Co...

à écrit le 16/05/2018 à 9:01
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"Pourquoi vouloir-vous adresser spécifiquement aux cadres ? Antoine Jouteau, Pdg Le Bon Coin - Le marché des cadres est très dynamique, avec un taux de chômage avoisinant les 4%" C'est le problème du privé au final il s'installe là où il y en ...

le 16/05/2018 à 12:14
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Il est clairement dit dans l'article que LBC est présent depuis 10 ans sur le marché de l'emploi, mais pas vraiment celui des cadres. C'est donc bien que le privé s'occupait des non-cadres, et LBC souhaite seulement s'étendre aux cadres aujourd'hui.

le 16/05/2018 à 17:40
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JE vous la remet parce que je n'ai pas l'impression que vous l'ayez bien lu ou bien compris: "Le marché des cadres est très dynamique, avec un taux de chômage avoisinant les 4%" CE qui intéresse l'investisseur ici en sommes, il le dit je l'in...

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