L'AMF soupçonne le patron de Mediawan et deux de ses proches de manquements d'initiés

L'Autorité des marchés financiers a requis vendredi 110.000 euros d'amende contre le président du groupe audiovisuel Mediawan, Pierre-Antoine Capton, soupçonné d'avoir informé deux de ses proches du projet d'opération publique d'achat (OPA) sur la société avant son annonce officielle en juin 2020.
Le président du groupe audiovisuel Mediawan, Pierre-Antoine Capton. (photo d'illustration)
Le président du groupe audiovisuel Mediawan, Pierre-Antoine Capton. (photo d'illustration) (Crédits : JACKY NAEGELEN)

Le gendarme boursier français a requis vendredi une amende de 110.000 euros d'amende contre Pierre-Antoine Capton, président du groupe audiovisuel Mediawan, soupçonné d'avoir informé deux de ses proches du projet d'opération publique d'achat (OPA) sur la société avant son annonce officielle en juin 2020.

Le collège de l'AMF (Autorité des marchés financiers) a, de plus, demandé une amende de 100.000 euros contre Clément Miserez, dirigeant d'une société de production appartenant à Mediawan, et de 50.000 euros contre Lionel Rozenberg, patron d'une société de télécommunications, qui ont tous les deux acquis des actions de Mediawan avant l'annonce de l'OPA et réalisé des plus-values boursières. Les griefs reprochés par l'AMF sont des manquements d'initiés, une procédure administrative se rapprochant du délit d'initié, qui est lui une infraction pénale.

Le 22 juin 2020, Mediawan annonce le lancement d'une OPA par les trois fondateurs du groupe, Pierre-Antoine Capton, Matthieu Pigasse et Xavier Niel, soutenus par des investisseurs institutionnels, au prix de 12 euros par action, soit 42% de plus que le dernier cours.

Selon les éléments présentés par le rapporteur de l'enquête de l'AMF, il existe un « circuit plausible de transmission » entre Pierre-Antoine Capton, Clément Miserez et Lionel Rozenberg de « l'information privilégiée », que constituait cette opération avant son annonce officielle. Le rapporteur a recommandé de mettre hors de cause les trois personnes soupçonnées, « au bénéfice du doute » car « il n'est pas démontré que Pierre-Antoine Capton a transmis l'information privilégié » à Clément Miserez ni à Lionel Rozenberg. La représentante du collège, équivalent d'un procureur, n'a pas suivi la position du rapporteur et considère au contraire que le « faisceau d'indices graves et concordants » est suffisant pour démontrer la transmission de l'information.

Pierre-Antoine Capton a déjeuné le 11 juin avec Clément Miserez, qui a appelé sa conseillère bancaire dans la foulée pour passer des ordres d'achat de titres de Mediawan, pour un montant total de près de 100.000 euros.

Le producteur de films se défend en arguant une volonté d'intégration dans l'entreprise en achetant des actions de sa maison mère. L'arrivée d'une cadre de Lagardère au sein du groupe et une « effervescence dans les locaux » de Mediawan l'auraient convaincu des perspectives économiques positives de l'entreprise. Le rapporteur et la représentante du Collège ont relevé une forme « d'empressement » dans ce passage d'ordres puisque Clément Miserez a demandé à ce qu'ils soient intégralement exécutés avant le 19 juin.

La transaction constituait la première opération boursière de Clément Miserez, qui plaide une mauvaise connaissance des rouages de la Bourse et non une volonté d'acheter coûte que coûte des actions avant l'annonce de l'OPA.

Assurer la confidentialité

L'avocat de Pierre-Antoine Capton, Jean-Philippe Pons-Henry, rappelle que si son client « dit qu'il n'a pas transmis cette information, il faut l'écouter ». L'avocat a donné plusieurs éléments prouvant selon lui que Pierre-Antoine Capton a pris les précautions nécessaires pour assurer la confidentialité du projet d'OPA. Sébastien Schapira, avocat de Clément Miserez, a lui mis en doute la possibilité que Pierre-Antoine Capton ait évoqué une « opération aussi confidentielle lors d'un déjeuner sur une terrasse bondée entre deux rouleaux de printemps » auprès d'un collaborateur avec qui il n'entretient « pas de relation privilégiée ». Quant à Lionel Rozenberg, il entretient une « relation amicale », selon le rapporteur, avec Pierre-Antoine Capton. Ils ont dîné ensemble avec leurs épouses respectives le 10 juin.

Les 12 et 17 juin, Lionel Rozenberg a acheté des actions de Mediawan pour un montant total de 48.000 euros, une acquisition motivée, selon lui, par une recommandation d'achat diffusée lors d'une émission télévisuelle et par la reprise des campagnes publicitaires, après une baisse d'activité en mars 2020, qui devrait s'avérer positive pour Mediawan.

L'avocate de Lionel Rozenberg, Muriel Goldberg-Darmon, a, elle insisté sur le caractère privé du dîner du 10 juin.

Ces opérations ont permis à Clément Miserez et Lionel Rozenberg de réaliser respectivement 37.128 euros et 17.620 euros de plus-value, selon la représentante du collège de l'AMF, pour qui « seule la détention de l'information privilégiée » explique les « opérations litigieuses ». La décision de la commission des sanctions de l'AMF sera rendue dans quelques semaines.

Un goût populaire pour plaire au plus grand nombre

Fondé en 2015 par Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, le groupe Mediawan est présent dans la production, la distribution et la diffusion de films, séries et programmes de flux.

C'est dans un immeuble de l'avenue de Breteuil que « PAC », 48 ans, a installé le siège de Mediawan, conglomérat de 70 sociétés de production et 1 500 collaborateurs, affichant un milliard d'euros de chiffre d'affaires et vingt mille heures de programmes. Le groupe compte des succès comme le film « Bac Nord » et la série « Dix pour cent ».

Pierre-Antoine Capton exerce désormais son talent et son entregent sur un autre continent. Après avoir cherché pendant deux ans le partenaire idéal pour se développer aux États-Unis, Mediawan a acquis Plan B, société de production réputée et « successful » de Brad Pitt.

Lire aussiPierre-Antoine Capton, le magnat français qui séduit les Etats-Unis

Contrats signés, les projets communs s'enchaînent : la série Le Problème à trois corps en mars sur Netflix, le biopic de Bob Marley et Beetlejuice 2 de Tim Burton bientôt au cinéma, un film sur la formule 1 avec Brad Pitt au générique en cours de tournage...

Le patron de Mediawan confie volonté de garder un goût populaire pour plaire au plus grand nombre et générer des abonnements sur les plateformes. Créer des marques, les développer, les exporter, à l'image du plus gros succès français sur Netflix, Miraculous, dessin animé décliné en produits de merchandising particulièrement lucratifs, joyau de l'écurie Mediawan.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 06/04/2024 à 7:07
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L amf autorité indépendante! LOL Jean Charles Naouri est toujours en liberté …! Qu ont ils fait ? Rien !

à écrit le 05/04/2024 à 13:12
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Mediawan est aux mains des amis et sponsors de l'adulescent de l'Élysée, par conséquent aucun risque pour eux! :):):)

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