Publicité : quand les géants du streaming menacent les chaînes de télévision

Après HBO Max ou Discovery+, Netflix et Disney+ préparent des abonnements à prix plus doux, mais en incorporant, de manière inédite, des pages publicitaires. Cette nouveauté constitue une menace pour les chaînes de télévision traditionnelles, qui pourraient, à terme, en pâtir. C'était précisément l'argument de TF1 et M6 pour justifier leur projet de fusion que n'a pas entendu l'Autorité de la concurrence. Analyse.
Pierre Manière
Netflix compte 220  millions d'abonnés dans le monde.
Netflix compte 220 millions d'abonnés dans le monde. (Crédits : DADO RUVIC)

C'est une révolution qui se profile dans le monde de la publicité. Après avoir bâti leur réussite sur un modèle d'abonnement payant, et surtout sans publicité, les cadors du streaming changent de stratégie. Leur idée ? Garder leurs abonnements premiums. Mais proposer, en parallèle, des offres à prix plus doux, mais qui comprennent des pages publicitaires. Aux Etats-Unis, HBO Max ou Discovery+ ont déjà franchi le pas. Mais surtout, Netflix et Disney+, les mastodontes du secteur avec respectivement 220 et 152 millions d'abonnés dans le monde, doivent se lancer d'ici à la fin 2022. Leur arrivée constitue une menace pour les chaînes de télévision traditionnelles, qui en redoutent les conséquences sur le marché de la publicité sur le petit écran.

Les Français devraient être concernés par ces nouvelles offres de Netflix et Disney+. Ils n'y seraient, a priori, pas insensibles. D'après une étude de l'agence Iligo, « ils sont 67% à apprécier une formule qui ferait baisser le prix de l'abonnement en l'échange de la présence de publicités ». Les 18-34 ans, en particulier, s'y montrent très favorables, à hauteur de 75%. « Certains louent le compromis qui permettrait de rendre accessible les plateformes pour des individus qui n'en n'ont pas forcément les moyens », précise l'étude. Surtout dans le contexte inflationniste actuel.

Une opportunité pour les annonceurs

Pour les annonceurs, la conversion des géants du streaming à la publicité constitue une importante opportunité. « Beaucoup de gens qui regardaient la télévision classique et faisaient partie des cibles publicitaires ne sont plus accessibles » aux marques parce qu'ils ne sont plus téléspectateurs des chaînes traditionnelles, explique Colin Dixon, éditeur du site spécialisé dans le streaming ScreenMedia. Selon lui, le streaming « permet aux annonceurs d'accéder à des gens hors d'atteinte depuis quelque temps, au moment où leur attention est la plus soutenue ». Car l'abonné à ce type de service a la particularité de choisir son programme et son heure, à la différence de la télévision à l'ancienne.

Les revenus publicitaires tirés du streaming sont aujourd'hui présentés comme un gigantesque gâteau. Ross Benes, du cabinet Insider Intelligence, estime qu'ils pourraient atteindre 30 milliards de dollars dans les deux ans, rien qu'aux Etats-Unis, et probablement au moins le double au niveau mondial. Ce nouveau marché risque, surtout, de nuire aux chaînes traditionnelles. Cette ouverture devrait affaiblir celles « qui n'auront pas déployé pleinement une stratégie orientée vers le streaming », avertit Dallas Lawrence, du cabinet Samba TV. Netflix et Disney+ sont, en effet, capables d'offrir des audiences massives aux annonceurs. Ce qui était, jusqu'alors, la chasse gardée de la publicité télévisée.

Lire aussi : Netflix, Disney+, HBO Max... : le streaming à la recherche de son modèle économique

TF1 compte toujours se développer dans le streaming

C'est précisément de peur de voir leurs audiences et leurs revenus publicitaires dégringoler face à la concurrence des Netflix et autres Disney+ que TF1 et M6 ont justifié leur volonté de se marier. Ils comptaient, avec ce deal, investir massivement dans le streaming, perçu comme une nouvelle source de revenus dans les années à venir. Mais ils ont récemment été contraint de jeter l'éponge face aux réticences de l'Autorité de la concurrenceA contrario de TF1 et de M6, l'autorité considère que la publicité digitale (dont celle des plateformes de streaming) et la publicité à la télévision sont deux marchés bien différents. Qu'ils n'ont rien, en clair, de vases communicants.

 « La publicité télévisée et la publicité en ligne [ne] sont [pas] suffisamment substituables du point de vue des annonceurs », souligne-t-elle dans un communiqué. « L'arrivée prochaine, annoncée pour la fin de l'année 2022, d'offres hybrides payantes intégrant de la publicité par certaines plateformes de vidéo à la demande par abonnement ne remet pas en cause cette réalité du fonctionnement du marché dans la mesure où la publicité sur les services de vidéo à la demande devrait continuer à relever très majoritairement de la publicité ciblée », estime-t-elle.

Cette analyse ne convainc pas du tout l'état-major de TF1. Un peu plus d'une semaine après l'échec du deal avec M6, le numéro un français de la télévision s'est trouvé un nouveau PDG avec Rodolphe Belmer. Avec une mission claire : développer le groupe dans le streaming, et élargir, ainsi, ses revenus publicitaires.

(avec AFP)

Pierre Manière

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