5G  : en France, Huawei ne sait toujours pas sur quel pied danser

Au Mobile World Congress de Barcelone, Shi Weiliang, le patron de Huawei France a affirmé qu'à sa connaissance, Paris n’avait pas encore pris de décision concernant la participation de l’équipementier, soupçonné d’espionnage pour le compte de Pékin par certains pays, au déploiement des réseaux 5G. « Au niveau politique, c’est encore flou », a-t-il indiqué.
Pierre Manière
En Europe, les opérateurs craignent de prendre de gros retard dans la 5G si le géant chinois des télécoms était interdit.
En Europe, les opérateurs craignent de prendre de gros retard dans la 5G si le géant chinois des télécoms était interdit. (Crédits : Reuters)

Alors que sur le Vieux Continent, plusieurs pays semblent entrouvrir la porte à Huawei pour le déploiement de leurs réseaux 5G, la France, elle, demeure indécise. Voilà, en somme, ce qu'à déclaré Shi Weiliang, le patron de l'antenne française du géant chinois des équipements télécoms. Il s'est exprimé ce lundi, lors d'une conférence de presse au Mobile World Congress de Barcelone, la grand-messe annuelle des télécoms. « La position du Royaume-Uni est désormais très claire : ils ont déclaré que les risques [liés à la sécurité nationale, Ndlr] étaient gérables, et Huawei pourra participer à la 5G », a affirmé le dirigeant, dans un climat de méfiance à l'échelle mondiale envers son groupe, géant des équipements télécoms, et soupçonné par certains d'espionnage pour le compte de Pékin.

Dans l'Hexagone en revanche, « au niveau politique, c'est encore flou », a déclaré Shi Weiliang.

« Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, nous a dit que nos investissements étaient les bienvenus en France, mais il ne nous a pas précisé si c'était le cas pour la 5G, a-t-il enchaîné. Nous avons des échanges avec l'exécutif. Jusqu'à présent, il n'a pas dit 'non'. Mais il n'a pas dit 'oui'... »

Début décembre, Bruno Le Maire a effectivement indiqué que Huawei, qui compte près de 1.000 collaborateurs dans l'Hexagone, avait sa place pour investir dans le pays. Il a toutefois précisé que « si certains de ces investissements doivent toucher la souveraineté nationale ou des technologies sensibles, c'est à nous, le gouvernement, de fixer certaines limites ». À ce moment-là, plusieurs sources concordantes avaient affirmé à La Tribune qu'Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, avait rencontré, au mois de novembre, un haut dirigeant de Huawei. Lors de ce discret entretien, la ministre a, selon une source, précisé que « la 5G ne fait pas partie, du tout, des priorités sur lesquelles Huawei a été orienté ». Depuis, on ignore si l'exécutif, qui planche sur ce dossier depuis des mois, a changé son fusil d'épaule.

La sortie de Shi Weiliang intervient alors que le gouvernement souhaite renforcer la sécurité des équipements de réseaux mobiles en prévision de la 5G, attendue pour 2020. Pour ce faire, les députés En Marche ont déposé, la semaine dernière, une proposition de loi à l'Assemblée nationale. Officiellement, le gouvernement, par ailleurs soucieux de garder de bonnes relations avec Pékin, affirme qu'il ne s'agit pas d'une mesure « anti-Huawei ». À Bercy, en guise de justification, on argue que les infrastructures de Nokia et Ericsson, les deux équipementiers européens, sont aussi concernées. Reste que dans le secteur des télécoms, cette communication laisse - c'est peu dire - beaucoup d'observateurs dubitatifs.

Au Mobile World Congress, qui s'est ouvert ce lundi, l'affaire Huawei est sur toutes les lèvres. Les opérateurs européens, en particulier, redoutent les conséquences d'éventuelles interdictions ou restrictions sur le déploiement des réseaux 5G. Lundi soir, Stéphane Richard, le PDG d'Orange, a tiré la sonnette d'alarme. Alors que les opérateurs se préparent à investir massivement dans la 5G, « nous sommes confrontés à une crise inattendue », a lâché le patron de l'opérateur historique, qui utilise des équipements mobiles de Huawei en Espagne ou en Pologne, mais pas en France.

« Nous avons de gros problèmes avec ce fournisseur, qui n'est autre que le numéro un mondial des équipements télécoms avec une part de marché d'environ 30%, a renchéri le dirigeant. Cette situation pourrait déstabiliser la chaîne d'approvisionnement de toute l'industrie. Dans le cas d'un bannissement, ce sera un gros challenge. »

Si Huawei devait être exclu, les acteurs du mobile redoutent de faire les frais d'un duopole entre Ericsson et Nokia. À Barcelone, de nombreux opérateurs ont aussi souligné qu'un retard dans la 5G pourrait durablement plomber la compétitivité des Etats concernés. Le gouvernement français en a bien conscience. Mais il peine encore, visiblement, à prendre une décision claire.

Pierre Manière

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Commentaires 6
à écrit le 28/02/2019 à 20:57
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Beaucoup d’hypocrisie derrière tout ça : Google et Facebook offrent du gratuit en échange de nos données. Le fleuron national Orange pille les données des utilisateurs des réseaux télécoms sans aucune compensation puisque ses services sont loin d’êtr...

à écrit le 28/02/2019 à 7:43
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C'est étrange pourquoi parler de duopole Ericsson Nokia alors que Samsung est clairement présent sur ce marché et a déjà pris des parts de marché en 5G aux Etats-Unis, en Corée et au Japon?

à écrit le 27/02/2019 à 11:30
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s'ils veulent danser, il faut qu'ils viennent faire une co entreprise en france ou ils detiendront 49% et feront les transferts de teechnologie

à écrit le 26/02/2019 à 20:55
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Le patriotisme économique est extrêmement clair sur cette question, sans même parler du cauchemar d'avoir des technologies intégrant des composants d'une société qui peut (va) être mise à l'index aux USA. Il faut choisir Nokia évidemment (je sais c'e...

à écrit le 26/02/2019 à 16:01
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Pour les équipements stratégiques en FRANCE, il faut trancher en feveur de NOKIA. Il faut protéger nos champions c'est ce que fait la CHINE d'ailleurs.

le 27/02/2019 à 8:10
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Cette raison me paraît valable , par contre nous ne devons pas refouler Huawei juste pour faire plaisir aux usa.

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