À Dunkerque, ArcelorMittal tire les premiers bénéfices de la 5G industrielle

Depuis le 13 octobre dernier, le plus grand site sidérurgique de l’Hexagone profite d’une couverture mobile à très haut débit. Cette innovation permet à ses opérateurs de gagner en efficacité et de passer davantage de temps sur le terrain.
Pierre Manière
Un opérateur d'ArcelorMittal au sein du « train continu à chaud ». De lourdes brames d’acier y sont chauffées à 1.200 degrés, dégrossies puis laminées pour finir en bobines.
Un opérateur d'ArcelorMittal au sein du « train continu à chaud ». De lourdes brames d’acier y sont chauffées à 1.200 degrés, dégrossies puis laminées pour finir en bobines. (Crédits : Pierre Manière)

A perte de vue, des hangars géants, des installations couleur ocre crachant, par leurs cheminées, d'épaisses fumées, des grues transvasant des montagnes de ferrailles dans des camions de chantier... Le tout dans une chaleur et un vacarme parfois assourdissant. L'usine sidérurgique de Dunkerque, la plus importante de l'Hexagone, impressionne par son gigantisme. Avec les sous-traitants, ce sont près de 4.000 personnes qui travaillent sur ce site de 10 km2, et dont 20.000 tonnes d'acier, soit l'équivalent de deux Tour Eiffel, sortent chaque jour.

Ce n'est pas seulement par sa taille que ce site se démarque. Il est dorénavant un des pionniers français de la 5G industrielle. En partenariat avec l'opérateur Orange et l'équipementier suédois Ericsson, ArcelorMittal a équipé son usine d'un réseau mobile 4G et 5G privé. Celui-ci est opérationnel depuis le 13 octobre dernier. Directeur de la transformation numérique du géant de la sidérurgie, David Glijer s'en félicite. « Le réseau est stable, fonctionnel, et les neuf antennes couvrent l'intégralité du site », se réjouit-il. Le dirigeant souligne qu'il avait quelques inquiétudes lorsqu'il a lancé le projet, avec l'aide financière de France Relance, en novembre 2021. « Il faut comprendre que nous travaillons dans un environnement métallique, parfois très poussiéreux, ce qui peut gêner et entraver la propagation des ondes », précise-t-il.

« Avant la 5G, nous n'intéressions pas les opérateurs »

Cela fait donc trois mois et demi que les employés du site bénéficient, pour la première fois, d'une bonne couverture mobile. Auparavant, cette gigantesque usine n'était qu'une vaste zone blanche, au mieux une zone grise. « Nos salariés ne comprenaient pas pourquoi ils avaient le mobile chez eux, mais pas sur leur lieu de travail », raconte David Glijer. Le dirigeant s'est pourtant démené, il y a des années, pour convaincre les opérateurs de couvrir l'usine. Mais il s'est heurté à un mur de refus. « Avant l'arrivée de la 5G, nous n'intéressions pas les opérateurs », déplore-t-il.

Son réseau tout neuf n'a rien, à ses yeux, d'un luxe. Il constitue le catalyseur indispensable de la numérisation du site, et un atout majeur pour préserver sa compétitivité dans les années à venir. Pour l'heure, l'usine bénéficie d'une couverture en 4G. « Le réseau est '5G ready', souligne David Glijer. Nous pourrons facilement le faire évoluer une fois que l'Arcep, le régulateur des télécoms, nous fournira les autorisations nécessaires. » De premiers cas d'usage sont d'ores et déjà opérationnels. Il concernent plusieurs domaines clés, de la maintenance des installations à l'amélioration de la production d'acier, en passant par la sécurité, toujours critique sur un site aussi sensible.

Les managers sont moins au bureau

Sur le terrain, les managers sont désormais connectés. Cette innovation s'avère particulièrement utile au sein du « train continu à chaud ». Il s'agit d'un vaste hangar de 600 mètres de long où de lourdes brames d'acier sont chauffées à 1.200 degrés, dégrossies puis laminées pour finir en bobines. Auparavant, les managers perdaient beaucoup de temps en déplacements entre leurs bureaux, les installations et le « cockpit », un centre névralgique qui surveille les opérations. Désormais, ils effectuent l'essentiel de leurs tâches, de la supervision des lignes de production à la gestion des équipes, grâce à une tablette tactile.

En clair, « nous passons plus de temps sur le terrain, moins à l'administratif », résume un manager. Toutes les opérations, notamment celles liées à la maintenance et à l'inspection des machines, se déroulent bien plus vite. Un gain de temps, mais aussi d'argent. L'immobilisation d'une ligne de production « peut coûter jusqu'à 35.000 euros par heure », explique David Glijer.

Florange aura bientôt son propre réseau

Une autre filière importante, celle du recyclage de l'acier, profite du réseau mobile. A Dunkerque, ArcelorMittal s'est doté d'un centre de tri capable, grâce à cette technologie, de contrôler la qualité de la ferraille qui lui arrive, de vérifier sa provenance, puis de la stocker au bon endroit. Concrètement, les camions remplis d'acier arrivent sous un portique bardé de caméras et de capteurs. Ceux-ci sont capable d'évaluer le poids et la qualité des produits. Ils peuvent aussi détecter la présence d'huile ou de matières dangereuses. « Cette étape est cruciale, avertit un opérateur. Certains produits peuvent exploser s'ils sont chauffés à très haute température, et endommager nos installations. »

A terme, d'autres cas d'usage doivent voir le jour. ArcelorMittal réfléchit, par exemple, à des véhicules ferroviaires autonomes. La multiplication des capteurs sur les machines offrent aussi des perspectives dans la maintenance préventive. La réalité virtuelle permettra également aux employés sur le terrain de bénéficier d'une aide précieuse pour certaines opérations difficiles. Aux yeux de l'état-major d'ArcelorMittal, la numérisation doit lui permettre de tirer son épingle du jeu dans une industrie particulièrement concurrentielle. Après Dunkerque et Mardyck, plusieurs autres sites, dont celui de Florange, seront équipés d'un réseau mobile privé cette année. Orange et Ericsson, les partenaires d'ArcelorMittal, espèrent que cet exemple convaincra d'autres cadors du CAC 40 des bénéfices de la 5G industrielle.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 04/02/2023 à 6:56
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On en reparlera dans quelques années lorsque ce site fermera car non compétitif.

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