Ce mardi matin, la Fédération française des télécoms (FFT) a présenté, comme tous les ans à la même période, une étude sur l'économie du secteur dans l'Hexagone lors d'une conférence de presse à Paris. L'initiative pourrait plus justement s'appeler la « journée de lutte contre la fiscalité ». Et pour cause. Ce moment est systématiquement l'occasion, pour le lobby du secteur, de tirer à boulets rouges contre le « niveau d'imposition » auquel sont confrontés les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. La filière s'estime depuis longtemps trop lourdement taxée par l'Etat, qui a tendance, arguent les industriels, à la percevoir comme une vache à lait.
Une situation inacceptable pour la FFT. D'après son étude, le niveau d'imposition des opérateurs est resté stable en 2020 par rapport à il y a cinq ans, à 5,6%. Ce qui correspond à un montant de plus de 2,5 milliards d'euros. Mais ce qui agace particulièrement les acteurs, c'est le montant de la « fiscalité spécifique » du secteur, qui représente 55% de ce montant, soit 1,4 milliard d'euros. On y retrouve, par exemple, l'IFER, une importante taxe sur les infrastructures Internet fixe ou les antennes-relais.
(Crédits: FFT/Arthur D. Little)
L'ennui, fustige le lobby, c'est que le chiffre d'affaires du secteur, lui, baisse : -0,4% en 2020, à 35,2 milliards d'euros. En face, les investissements dans les réseaux, en particulier dans la fibre et la 5G, grimpent en flèche. L'an dernier, ils ont atteint 11,5 milliards d'euros (hors achat de fréquences). Un record. Pour rappel, les investissements des opérateurs n'étaient « que » de 7,1 milliards d'euros en 2014.
(Crédits: FFT/Arthur D. Little)
Le poids des GAFA
Le sujet agace énormément les opérateurs. Tous estiment, en clair, que cette fiscalité, héritée d'une époque où la filière étaient toute puissante avant l'essor des géants du Net, n'est plus adaptée. Alors que les revenus des Google, Amazon, Facebook ou Microsoft vont crescendo, le niveau d'imposition de ces mastodontes est resté stable ces cinq dernières années, à 0,2% seulement. Cet écart de traitement entre les GAFA et les opérateurs énerve ces derniers au plus haut point. Les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free militent pour que les grandes plateformes américaines, grands consommateurs de bande passante, mettent un jour la main au portefeuille pour financer une partie des coûteux réseaux télécoms, sans lesquels elles ne seraient rien.
Lors de la présentation de l'étude, Arthur Dreyfuss, le président de la FFT, par ailleurs secrétaire général d'Altice France (SFR), a affirmé qu'aujourd'hui, l'équation économique devenait difficile pour les télécoms françaises. La régulation européenne et le gouvernement français ont, en effet, ces dernières années, privilégié une logique de forte concurrence sur le secteur, maintenant de facto les prix à des niveaux très bas. Un abonnement Internet fixe avec téléphonie fixe et télévision coûte en moyenne 22 euros dans l'Hexagone, contre 45 euros en Allemagne, et... 108 euros aux Etats-Unis !
(Crédits: FFT/Arthur D. Little)
« Cela n'est pas raisonnable et cohérent avec les investissements, l'innovation, et le chemin que nous devons emprunter ces prochaines années », déplore, en y mettant les formes, Arthur Dreyfuss. Lequel ne cache pas son souhait de voir le secteur rehausser les tarifs. Cela pourrait intervenir si le secteur se consolidait, et repassait de quatre à trois acteurs à l'échelle nationale. Cette perspective reste dans la tête de tous les opérateurs. Ramon Fernandez, le directeur financier d'Orange, a notamment déclaré, le mois dernier, qu'une telle issue était « inévitable ».
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