Deux salles, deux ambiances. Ce mercredi, quelques journalistes, dont ceux de La Tribune, étaient à Anvers, en Belgique, dans des locaux d'Orange Cyberdefense. Sur place, Stéphane Richard, le PDG d'Orange, a vanté l'activité de cette branche de l'opérateur l'historique dédiée à la cybersécurité. Avec Orange Bank, celle-ci constitue le fer de lance de la politique de diversification du géant français des télécoms. Pour Stéphane Richard, cette stratégie est essentielle pour aller grappiller de la « croissance ». Ce qui est beaucoup plus difficile à réaliser dans son métier historique, la vente d'abonnements Internet fixes et mobiles, dans un contexte d'hyperconcurrence et de prix bas. En parallèle, ce même jour, Ramon Fernandez, le directeur financier d'Orange, répondait à d'autres journalistes lors d'une conférence organisée en visioconférence par la banque d'affaires américaine Morgan Stanley. Le dirigeant s'est lâché : selon ses propos rapportés par Reuters, une consolidation du secteur français des télécoms est, à terme, « inévitable ».
Depuis 2016 et l'échec de l'« opération Jardiland », où Orange et Bouygues Telecom ont échoué à se marier, ce vieux rêve du secteur d'un retour à trois opérateurs dans l'Hexagone semblait enterré. Ramon Fernandez l'a exhumé. D'après le dirigeant, malgré de nombreuses tentatives de fusions avortées, cette perspective serait facilitée par les retraits récents de la Bourse d'Iliad, la maison-mère de Free, et d'Altice (SFR).
« Pour les entreprises qui ne sont plus cotées en Bourse, il est probablement plus facile de réfléchir (...) à des options stratégiques, peut-être à une consolidation sur le marché français, a-t-il affirmé. Je ne dis pas que nous sommes sur le point de voir quelque chose se produire en France. Mais le moment venu, et inévitablement, il viendra. Ce sera plus facile pour ces acteurs de s'engager dans des discussions. »
Orange mal en point en Bourse
Cette déclaration a de quoi surprendre. Pour justifier une consolidation, les acteurs ont souvent répété, ces dernières années, que le marché français n'était pas assez grand pour quatre opérateurs. Il est vrai que depuis 2012 et l'arrivée de Free Mobile, qui a cassé les prix du mobile, il y a toujours eu un « homme malade » dans le secteur. Bouygues Telecom, SFR et Free se sont, ces dernières années, échangés cette étiquette. Mais cela ne semble plus le cas aujourd'hui. En témoignent les derniers résultats trimestriels, plutôt satisfaisants, des opérateurs. Lesquels résistent par ailleurs très bien à la crise du Covid-19.
Difficile, en revanche, de ne pas faire le lien entre la sortie pro-consolidation de Ramon Fernandez et les très mauvaises performances d'Orange en Bourse. Cela fait longtemps que l'opérateur historique essuie les foudres des marchés. Depuis la fin 2019, où il caracolait à 15 euros, le titre se traîne sous la barre des 10 euros. Orange, tout comme les autres grands opérateurs européens, fait l'objet d'une fronde des investisseurs, qui pestent contre ses gros investissements dans la fibre, la 4G et la 5G, alors que les prix demeurent bas en raison d'une forte concurrence.
« Vodafone relève ses objectifs, et le titre baisse ! »
C'est la raison pour laquelle Iliad et Altice ont fait leurs adieux à la Bourse. Stéphane Richard ne cache pas qu'il aimerait, « s'il [le] pouvait », faire de même, a-t-il déclaré en conférence de presse le 5 novembre dernier. Le sujet le mine. Ce mercredi à Anvers, il s'est notamment insurgé contre la baisse du cours de Vodafone, le géant britannique du mobile, qui venait de publier ses résultats trimestriels. « Ils relèvent leurs objectifs, et le titre baisse ! », a-t-il râlé, l'air dépité devant son smartphone.
Toutes les dernières tentatives d'Orange de rebooster un peu son cours de Bourse ont échoué. L'opérateur historique a notamment lancé, ces derniers temps, une « tower co », Totem, et une « fiber co », Orange Concessions. En logeant une partie de ses réseaux de fibre et de téléphonie mobile dans de nouvelles filiales, Orange veut développer leurs business, tout en dégageant du cash en faisant rentrer des entreprises et fonds d'investissements à leur capital. L'opérateur n'a jamais caché qu'il entendait aussi, avec ces manœuvres, démontrer aux marchés qu'il disposait de beaux actifs. Et ce, dans un contexte où les investisseurs adorent les infrastructures télécoms, alors qu'ils boudent les opérateurs. En témoigne la capitalisation boursière de Cellnex, le nouveau géant espagnol des tours télécoms, qui se situe à 35 milliards d'euros, 9 milliards de plus que celle d'Orange ! Il n'empêche que les lancements de Totem et d'Orange Concessions n'ont pas eu de réel impact sur le cours de l'opérateur.
Une consolidation changerait tout
En revanche, une consolidation du marché français changerait tout. Tous les acteurs restants y gagneraient. Chacun disposerait, d'abord, d'une plus grosse part de gâteau. Une moindre concurrence permettrait aussi de rehausser les prix, et donc les profits. De quoi, sans nul doute, redonner un joli coup de fouet au cours d'Orange. Les propos de Ramon Fernandez ont d'ailleurs été bien entendus par les marchés. Ce jeudi matin, le titre de l'opérateur historique a un temps progressé de 1,3%, à 9,92 euros.
Sujets les + commentés