Cette audition était très attendue. Ce mercredi, Stéphane Richard s'est présenté devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale. Le PDG d'Orange a l'habitude de l'exercice. Mais il n'était, cette fois-ci, pas question de la concurrence dans les télécoms ou encore de la couverture du pays en fibre ou en 5G. L'audition n'avait qu'un objectif : permettre aux députés d'y voir plus clair concernant la panne essuyée par Orange les 2 et 3 juin dernier, qui a empêché de nombreux Français de joindre, comme d'habitude, les différents numéros d'urgence. Plusieurs morts ont possiblement découlé de ces « dysfonctionnements graves », dixit le Premier ministre Jean Castex, dont il faut « tirer toutes les conséquences ».
Stéphane Richard est d'abord revenu sur le « bug » logiciel à l'origine de la panne. Alors que l'opérateur est souvent montré du doigt pour la mauvaise qualité et le manque d'entretien de son réseau cuivre dans les campagnes, le dirigeant a voulu mettre les points sur les « i ». Dans le cas présent, « ce n'est pas un sous-investissement de la part d'Orange ».
« Ce n'est pas lié, non plus, au réseau cuivre », a-t-il insisté. Il s'agit, selon lui, d'un « dysfonctionnement logiciel ». Celui-ci « s'est produit au moment d'une commande de reconnexion [concernant] les call serveurs, à l'occasion d'une opération de modernisation et d'extension du réseau pour faire face à l'augmentation du trafic en 2020 », a-t-il déclaré.
Ces calls serveurs sont des éléments essentiels qui permettent d'assurer l'interconnexion entre les services de voix sur IP (sur internet, NDLR), et ceux hébergés sur le vieux réseau commuté, comme la très grande majorité des numéros d'urgence.
Ce parc de six call serveurs « s'est arrêté dans un délai assez court, quasiment instantanément, parce qu'ils ont reçu la même commande de reconnexion à quelques minutes d'intervalle », a poursuivi le dirigeant. Résultat : la « redondance » de ce système, liée au fait qu'une machine - et une seule - peut tomber en panne sans entraver les communications, n'a pas fonctionné. Stéphane Richard a toutefois souligné qu'il aurait sans doute fallu un « délai plus long » entre les envois successifs de ces fameuses « commandes de reconnexion » aux différents call serveurs.
L'idée d'une "campagne de SMS massive" en cas de panne
Le logiciel défaillant a été fourni par un « équipementier italien qui a pignon sur rue », a affirmé Nicolas Guérin, le secrétaire général d'Orange, sans lever, pour autant, le voile sur son nom. Peu après l'incident, celui-ci a envoyé à l'opérateur un patch pour relancer correctement les machines, a précisé Stéphane Richard.
Le PDG a également reconnu qu'Orange avait trop tardé à mettre en place ses cellules de crise, notamment pour communiquer sur ses problèmes plus rapidement auprès de l'Etat et du grand public. « Nous souhaitons ramener de 2 heures à trente minutes le délai de leur constitution », a déclaré le dirigeant. Parmi les mesures visant à limiter l'impact de ce type de panne, Stéphane Richard a lancé l'idée d'« une campagne de SMS massive » pour alerter la population, et lui indiquer d'autres numéros.
« Le risque zéro n'existe pas »
Le dirigeant a aussi argué que les réseaux télécoms, et en particulier la gestion des numéros d'urgence, sont par nature d'une grande complexité. Dans ce monde, « le risque zéro n'existe pas », a-t-il ajouté. D'après lui, entre 2017 et 2021, de nombreux opérateurs, qui ont la charge des numéros d'urgence, ont connu des pannes plus ou moins graves. « Il y a eu les Etats-Unis avec AT&T, l'Angleterre, à plusieurs reprises, avec BT, la Belgique avec Proximus, ou encore la Suisse qui, l'an dernier, a été deux fois victime d'une coupure totale des numéros d'urgence », a-t-il égrené.
L'affaire n'est pas terminée. L'Etat a notamment demandé aux services de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (Anssi) d'enquêter sur cette panne. L'institution doit rendre sa copie d'ici deux mois.
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