Élevage d'insectes : la Française InnovaFeed lève 40 millions d'euros

La startup, qui produit des farines et huiles destinées à l'aquaculture, a ouvert son site pilote à Gouzeaucourt (Nord) en 2017. Après avoir annoncé un partenariat pour la construction d'une nouvelle unité de production dans les Hauts-de-France, elle compte désormais se développer à l'international, notamment dans le reste de l'Europe et aux États-Unis.
Giulietta Gamberini
L'entreprise nourrit ses insectes avec des coproduits de l'industrie agroalimentaire, aujourd'hui trop nombreux pour être absorbés par l'élevage bovin.
L'entreprise nourrit ses insectes avec des coproduits de l'industrie agroalimentaire, aujourd'hui trop nombreux pour être absorbés par l'élevage bovin. (Crédits : InnovaFeed)

40 millions d'euros, s'ajoutant à 15 millions déjà sécurisés en février. InnovaFeed, entreprise biotechnologique spécialisée dans l'élevage d'insectes, vient de clôturer sa troisième levée de fonds depuis sa création en 2016, ce qui porte à 55 millions d'euros le montant levé depuis sa création. Ce tour de table fait également entrer à son capital un groupe d'investisseurs internationaux emmené par Creadev, entreprise familiale française d'investissement en fonds propres.

Ces investisseurs rejoignent ainsi les plus anciens tels que Olivier Duha (fondateur de Webhelp), les associés d'Accuracy, ainsi que des acteurs bancaires comme la Caisse d'Épargne, BNP et HSBC structurés autour du Crédit-Agricole, précise le communiqué d'InnovaFeed. Ils remplacent, en revanche, de premiers investisseurs de la société comme Alter Equity ou Finovam.

L'aquaculture à la recherche de protéines animales

Les insectes élevés par la startup dans un premier site de production pilote à Gouzeaucourt (Nord) servent notamment à la production de farines et huiles destinées à l'alimentation de poissons d'élevage. Bénéficiant d'une croissance du marché mondial de 10% par an, mais contrainte dans son approvisionnement de sardines par les quotas de pêche, l'industrie de l'aquaculture est, en effet, à la recherche de nouvelles sources de protéines animales pour ses poissons carnassiers, explique Bastien Oggeri, cofondateur d'InnovaFeed. Or, les insectes sont non seulement des sources de qualité, mais aussi des aliments naturels pour ces animaux : dans les rivières, ils représentent jusqu'à 80% de l'alimentation de truites et saumons.

InnovaFeed vend déjà ses produits à divers producteurs de nourriture pour poissons en Europe, où le marché de l'aquaculture a été ouvert aux protéines d'insectes en 2017. L'entreprise a également souscrit un partenariat avec un acteur de la grande distribution pour commercialiser en France des poissons nourris de ces farines. Les déchets organiques des insectes sont aussi vendus comme fertilisants.

Des symbioses avec l'industrie agroalimentaire

Quant à la nourriture des insectes, l'entreprise achète des coproduits de l'industrie agro-alimentaire, aujourd'hui trop nombreux pour être absorbés par l'élevage bovin. « Nous convertissons ces protéines végétales en protéines animales, en ajoutant donc de la valeur, alors que s'ils étaient méthanisés, une partie de cette valeur serait détruite », souligne Bastien Oggeri. La startup a annoncé en septembre un partenariat avec Tereos, qui aboutira à la construction d'un deuxième site de production à côté d'une usine du groupe coopératif, à Nesle (Hauts-de-France).

« De faible valeur et humides, les co-produits de l'agroalimentaire sont difficiles à transporter sur de grandes distances. Notre modèle économique se fonde donc sur la préférence accordée aux cycles courts. Nous installer à côté des sites de production permet, en outre, de mettre en place aussi d'autres formes de symbioses : nous utilisons par exemple l'énergie fatale de Tereos pour chauffer nos bâtiments, ce qui nous permet de minimiser nos émissions de gaz à effet de serre », explique Bastien Oggeri.

Le site de Nesle aura une capacité de production dix fois supérieure à celle de Gouzeaucourt (pourtant déjà la plus grande d'Europe selon InnovaFeed), atteignant 10.000 tonnes de farine d'insectes par an. Elle sera finie en 2019.

Cinq nouveaux sites avant 2022

La toute dernière levée de fonds vise à poursuivre ce développement. InnovaFeed espère notamment ouvrir encore « cinq unités de production dans les trois prochaines années en Europe et aux États-Unis » - là où des coproduits agricoles sont disponibles et des symbioses avec des unités industrielles possibles. Elle assure que « plus de 200 millions d'euros seront investis dans la mise en place de ces cinq nouveaux sites ». La startup compte sur la bonne connaissance de ses nouveaux investisseurs du "secteur agricole et du développement international". Elle prévoit également d'étoffer ses équipes, en passant de 50 à 150 salariés en 2019, et en atteignant plus de 500 effectifs en 2022.

La concurrence d'autres acteurs français tels que Ynsect et Protify ne l'effraie pas car non seulement les modèles économiques diffèrent parfois partiellement, mais surtout « leur présence dans un grand pays agricole comme la France montre que le secteur de la production d'insectes et sain et pertinent. »

« Nous ne construisons pas que InnovaFeed, mais l'ensemble de la filière », précise Bastien Oggeri.

La startup se concentre toutefois sur la recherche du "bon rythme de développement":

« La viabilité économique est la condition sine qua non de notre contribution positive à une alimentation plus durable », résume Bastien Oggeri.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 07/12/2018 à 4:47
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"aujourd'hui trop nombreux pour être absorbés par l'élevage bovin." C'est sans compter que les bovins manquent de paille en raison de la sécheresse de cet été, et sont abattus ! Sans doute que l'aquaculture rapporte plus. Je n'achète aucun poisson...

le 07/12/2018 à 9:52
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Moi aussi, ! Je suis pour la légalisation du canabis !

à écrit le 06/12/2018 à 20:25
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Dans « la farine « d’insecte y a t’il du blé ? Ou bien ce n’est que du broyage et du conditionnement d’insectes uniquement?

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