Luc Vigneron résiste à Safran et gagne une crédibilité chez Thales

Le désaccord sur les échanges d'actifs entre Safran et Thales met un terme (provisoire ?) à la consolidation de l'industrie de défense en France. Les gagnants et les perdants de cet échec.

Le vaste échange d'actifs discuté depuis plusieurs mois entre Safran et Thales a-t-il trouvé son épilogue hier à l'issue d'un séminaire technique organisé lundi à la Direction générale pour l'armement (DGA) du ministère de la défense avec comme conséquence l'abandon de ce projet ? C'est fort possible mais prudence, le dossier pouvant toujours resurgir à nouveau. En décembre, il était déjà au point mort avant de rebondir en avril sous l'impulsion du ministre de la Défense, Hervé Morin.

En tout cas, les deux patrons des groupes - Luc Vigneron et Jean-Paul Herterman - et la DGA ont acté lundi leur désaccord. A savoir, Thales ne lâchera pas l'activité de calculateur de bord au profit de Safran, qui voulait devenir le champion français de l'avionique de l'aéronautique civile. Et ce en dépit du ministère de la Défense qui a mis tout son poids dans la balance pour faire avancer ce dossier et tordre le bras au PDG du groupe d'électronique Luc Vigneron. En vain. Il a été soutenu après le temps de la réflexion, par Charles Edelstenne, PDG de Dassault Aviation, le partenaire industriel de Thales. Ce dernier aurait été convaincu par une certaine logique industrielle. De plus, les personnels du groupe auraient hurlé au démantèlement. Ce qui aurait alimenté le malaise chez Thales.

De ce bras de fer, Luc Vigneron en sort grandi en interne chez Thales, ce qui n'est pas rien au regard du contexte mouvementé du groupe. Une victoire qui pourrait lui donner enfin un début de légitimité dans le groupe. A condition de capitaliser dessus et de se montrer plus accessible et moins cassant dans son management, les reproches les plus fréquemment entendus à son sujet en interne. C'est aussi la première bonne nouvelle depuis son arrivée même si elle devra être confirmée dans le temps. Toutefois, la marge de man?uvre de Luc Vigneron reste pour l'heure étroite. Il sera jugé sur les prochains résultats et commandes du groupe. Enfin, le ministre de la Défense Hervé Morin voudra-t-il lui faire payer cet échec ? A voir.

En revanche, le ministère de la Défense, qui ne sait plus comment faire avancer ce dossier, a vu ses limites face à des industriels réticents à accompagner cette opération. Et pourtant, le ministère était prêt à ce que Dassault Aviation garde au sein de Thales les calculateurs embarqués du Rafale. La réunion décisive prévue mi-mai au ministère reste toujours à l'agenda. Mais Hervé Morin trouvera-t-il les ressources et une issue pour relancer la dynamique de ce dossier ?

Soucieuse de rationaliser l'optronique au sein d'un seul groupe, en l'occurrence au sein de Thales, la DGA a quant à elle perdu pas mal de temps sur l'un des volets de ce dossier, qui était pour elle le plus important. Que peut-elle faire ? Au-delà de geler certains crédits de R&T (Recherche et Technologie) aux deux groupes, la DGA devra décider à moyen terme quel bureau d'études voudra-t-elle privilégier dans l'optronique. Ce qui entraînera forcément les industriels, contraints et forcés, à s'entendre sur cette consolidation a minima, qui était initialement le projet visé par la DGA.

Enfin, Jean-Paul Herteman, qui n'a jamais voulu semble-t-il de cette opération, a fait monter les enchères en demandant les calculateurs. En le faisant, il était bien conscient de pouvoir faire capoter le dossier. Mais au final, il n'a pas été loin de rafler le jackpot en profitant de la fragilité de Thales. Après avoir brillamment man?uvré dans le dossier SNPE face à l'Etat, qui voulait se débarrasser de tout le groupe public alors qu'il n'en voulait qu'une partie, il a forcé une nouvelle fois sa chance. Sans succès cette fois-ci.

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