Google licencie 28 salariés pour avoir manifesté contre son contrat cloud avec Israël

L'entreprise estime que leur action, un sit-in de plusieurs heures, était « menaçante » et a entravé le travail des autres salariés. Cet épisode est le résultat d'une fronde grandissante à l'encontre du contrat Nimbus, soit la fourniture de services Cloud à Israël par Google et Amazon.
(Crédits : Steve Marcus)

[Article publié le 16 avril à 16h43 et mis à jour le 19 avril à 12h17]

Licenciés pour avoir protesté contre un contrat. C'est le sort de 28 salariés chez Google aux États-Unis. Cette décision fait suite à un sit-in de plus de dix heures dans les locaux de Google à New York et Sunnyvale (Californie), et de manifestations devant les bâtiments de l'entreprise à Sunnyvale, New York et Seattle appelant l'entreprise à cesser son accord avec les autorités israéliennes.

Ce contrat de 1,2 milliard d'euros a été signé par Amazon et Google en 2021. Il prévoit que les deux entreprises fournissent leur service cloud à l'État israélien pour héberger ses différents systèmes informatiques. De quoi susciter l'inquiétude de certains salariés qui craignent de voir les produits qu'ils conçoivent utilisés à des fins militaires, à l'encontre de la population palestinienne.

« Les Googlers contre le génocide », « Pas de cloud pour l'apartheid », pouvait-on lire sur les pancartes de ces manifestations coordonnées par l'association « No Tech For Apartheid ». À Sunnyvale, certains salariés ont investi le bureau du président de Google Cloud, Thomas Kurian, et ont refusé d'en sortir jusqu'à l'arrivée des forces de l'ordre. Au total, neuf participants à ces sit-in (rebaptisés « Nimbus Nine » par No Tech For Apartheid) ont été arrêtés.

Google justifie les licenciements par le caractère « très dérangeant » et « menaçant » de l'action de ces salariés. « Le fait d'entraver physiquement le travail d'autres salariés et de les empêcher d'accéder à nos espaces constitue une violation manifeste de nos règles », nous explique un porte-parole de Google. La firme les a immédiatement mis « en congé administratif » et a coupé leur accès au système de l'entreprise. L'enquête a ensuite révélé que 28 salariés étaient impliqués dans les manifestations des sites de New York et de Sunnyvale.

Google minimise l'ampleur de l'opposition

L'association No Tech for Apartheid avance que seuls 9 des 28 salariés licenciés ont effectivement participé au sit-in. Ce que Google dément. « Chacune des vingt-huit personnes licenciées a été personnellement et clairement impliquée dans des activités perturbatrices à l'intérieur de nos bâtiments. Nous avons soigneusement vérifié, puis re-vérifié, l'identité de chacune de ces personnes lors de notre enquête interne. Les groupes ont diffusé leur action en direct depuis les espaces physiques qu'ils ont occupés pendant de nombreuses heures, ce qui nous a aidé dans notre confirmation. Par ailleurs, de nombreux salariés dont le travail a été physiquement empêché ont porté plainte, en apportant détails et preuves. Les affirmations contraires qui sont faites sont par conséquent tout simplement absurdes. »

No Tech For Apartheid estime que le licenciement est une mesure inadaptée, qui montre la non considération de l'entreprise pour ce sujet. « Cet acte flagrant de représailles indique clairement que Google accorde plus d'importance à son contrat de 1,2 milliard de dollars avec le gouvernement et l'armée génocidaires d'Israël qu'à ses propres travailleurs. Depuis trois ans que nous nous organisons contre le projet Nimbus, nous n'avons pas encore entendu un seul dirigeant s'intéresser à nos préoccupations », écrivent des représentants de l'organisation dans un post sur Medium.

Google minimise toutefois ce mouvement d'opposition. L'entreprise estime que cette position radicale contre le contrat Nimbus est minoritaire dans l'entreprise. « Ces manifestations s'inscrivent dans le cadre d'une longue campagne menée par un groupe d'organisations et de personnes qui, pour la plupart, ne travaillent pas chez Google », juge un porte-parole. No Tech For Apartheid défend qu'au contraire des milliers de salariés soutiennent leur action.

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Une fronde qui dure depuis 2021

Ce sit-in n'est pas un événement isolé. Depuis la signature du contrat en 2021, plusieurs salariés de Google se sont, en effet, mobilisés contre. Ils étaient près de 400 employés de Google et d'Amazon à signer en 2021 une tribune dans le Guardian pour exprimer leur désaccord. « Cette technologie permet de renforcer la surveillance des Palestiniens et la collecte illégale de données les concernant, et facilite l'expansion des colonies illégales d'Israël sur les terres palestiniennes », écrivaient-ils alors. La tension s'est intensifiée suite à l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et des bombardements à Gaza qui ont suivi. Le mois dernier, deux salariés ont démissionné en réaction à ce contrat.

Les choses s'emballent depuis quelques jours. Notamment lorsque le 12 avril, le Time révèle qu'il existe un contrat entre le ministère de la Défense israélien et Google. Or jusqu'alors, les applications du projet Nimbus restaient vagues (le militaire n'était pas évoqué, Google parlait d'application dans l'éducation, le commerce...). Par ailleurs, le Time précise que le géant américain a renforcé son contrat avec Israël pendant la guerre à Gaza. « Selon le document, le ministère israélien de la Défense dispose de sa propre "zone d'atterrissage" dans Google Cloud - un point d'entrée sécurisé vers l'infrastructure informatique fournie par Google - qui permettrait au ministère de stocker et de traiter des données, et d'accéder à des services d'intelligence artificielle », écrit le magazine. Le ministère de la Défense aurait demandé, dans le cadre d'un projet de contrat de 1 million de dollars datant de mars, un service de consulting auprès de Google pour étendre son accès à Google Cloud, et de permettre à « plusieurs unités » d'accéder « aux technologies d'automatisation ».

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Contacté, Google tient à préciser que Nimbus « n'est pas destiné à des tâches hautement sensibles, classifiées ou militaires liées aux armes ou aux services de renseignement ». « Nous avons été très clairs sur le fait que le projet Nimbus concerne des charges de travail exécutées dans notre Cloud commercial par des ministères du gouvernement israélien, qui acceptent de se conformer à nos conditions d'utilisation et à notre politique en matière d'usage acceptable de nos services », argumente encore le porte-parole de l'entreprise.

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Commentaire 1
à écrit le 19/04/2024 à 8:49
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Hé oui ça fonctionne toujours de diviser les gens et des millénaires après... alors ils osnt "pour" ils sont "contre" l'essentiel étant qu'ils ne pensent pas trop surtout.

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