Sobriété foncière : la surélévation, une solution durable pour la ville de Rennes ?

Favorable depuis longtemps à la reconstruction de la ville sur elle-même, afin d’épargner les terres agricoles et de lutter contre l’étalement urbain, Rennes Métropole lance une étude portant sur une nouvelle option : la surélévation des immeubles, également nommée foncier aérien. Alors que la pression démographique et la crise du logement s’amplifient, une cartographie précise du cœur de ville est en cours de réalisation par le cabinet Upfactor, afin d’étudier le potentiel réel.
Plusieurs opérations de surélévation à un ou deux étages ont déjà été menées à Rennes, notamment sur cet ex-bâtiment de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, situé rue Saint-Martin et prévu pour être démoli. Finalement rénové et surélevé, il accueille 18 nouveaux logements.
Plusieurs opérations de surélévation à un ou deux étages ont déjà été menées à Rennes, notamment sur cet ex-bâtiment de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, situé rue Saint-Martin et prévu pour être démoli. Finalement rénové et surélevé, il accueille 18 nouveaux logements. (Crédits : Rennes Métropole)

Densification douce, surélévation. Face à la crise du logement et à la nécessité de préserver le foncier disponible et de lutter contre l'artificialisation des sols, toutes les solutions sont envisageables. En déplacement à Villejuif, mi-février, pour dévoiler les 22 « territoires engagés pour le logement », Gabriel Attal s'était déjà fait l'avocat de la densification horizontale et de la ville verticale. A l'échelle hexagonale, le Premier ministre avait indiquer vouloir « chercher tous les logements possibles avec les dents », tandis que dans les 22 territoires sélectionner, l'État espère la sortie de 30.000 nouveaux logements d'ici à 2027.

Lire aussiCrise du logement: l'Etat promet un « choc d'offre » en Île-de-France

À Rennes et dans son agglomération, la crise du logement, accrue par la croissance démographique et l'arrivée de 70.000 nouveaux habitants d'ici à 2040, se caractérise en trois chiffres : 5.000 nouveaux logements par an vont être créés dans le cadre du Programme local de l'habitat 2023-2028, voté en décembre dernier (4.000 dans le précédent PLH) tandis que 26.000 demandeurs sont en attente d'un logement social. C'est 62% de plus qu'en 2016 malgré l'augmentation du parc social.

10% de recyclage bâti d'ici à 2028

Dans ce contexte, Rennes Métropole veut identifier le gisement d'immeubles et de bâtiments offrant des opportunités de surélévation, sur un ou deux étages. La collectivité a ainsi donné mission au cabinet Upfactor. Le spécialiste du développement de nouveaux mètres carrés en zones urbaines denses est désormais chargé de réaliser une cartographie en 3D et à une analyse approfondie du bâti du territoire.

Ce marché à 170.000 euros se concrétisera d'ici à l'été, par une première restitution. Elle portera sur le périmètre constitué du cœur de ville de Rennes et des communes limitrophes de Saint-Grégoire, Cesson-Sévigné, Chantepie et Saint-Jacques-de-la-Lande.

« L'économie du foncier agricole a toujours guidé la collectivité, car Rennes est une ville archipel entourée d'une ceinture verte agricole utile, qui représente 55% de la surface de la métropole. La crise du logement et l'objectif zéro artificialisation nette en 2050 créent des impératifs sociaux et environnementaux » rappelle Marc Hervé.

Lire aussiZAN : à Angers, comment le bailleur social Podeliha adapte sa stratégie foncière

« Grâce aux données issues du PLUi [plan local d'urbanisme intercommunal, ndlr] et du tissu bâti, disponibles dans le jumeau numérique de Rennes, Upfactor va scanner le patrimoine immobilier du territoire pour identifier un gisement potentiel d'espaces de construction »détaille le conseiller métropolitain délégué aux formes urbaines et 1er adjoint délégué à l'Urbanisme de la Ville de Rennes, auprès de La Tribune.

« Après une première étape cet été, les périmètres des communes hors coeur de métropole concernées par la loi SRU (renouvellement urbain) et de celles non directement concernées par la loi SRU, feront l'objet d'une étude des gisements fonciers d'ici à l'automne », poursuit-il.

Cette démarche s'inscrit dans le cadre du Programme Local de l'Habitat (PLH) de Rennes Métropole. Celui-ci prévoit 10% de recyclage bâti d'ici à 2028 sur les 5.000 nouveaux logements crées par an. Outre la conversion d'anciens bureaux, la Métropole travaille, notamment, sur la transformation de certaines franges du campus universitaire de Beaulieu.

Opportunité de rénovation, création d'une filière bois

Avant d'être par la suite soumis pour information aux bailleurs sociaux et aux gérants de copropriétés, le gisement potentiel qui ressortira de l'étude d'Upfactor va tenir compte des contraintes architecturales et de celles du Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi).

« En cas de création de logement par surélévation, il va falloir, par exemple, revoir les règles de stationnement. La modification du PLUi est en cours, une enquête publique aura lieu à l'automne en vue d'une entrée en vigueur fin mars 2025 », précise Marc Hervé.

Pour les élus, la surélévation peut servir de déclencheur en répondant à un modèle de « constructibilité vertueux » , voire en préservant ou en augmentant la valeur globale d'un patrimoine, alors que les habitations dont le DPE sera classé E, F ou G seront interdites à la location en 2034. A titre indicatif, la métropole rennaise compte 30% de passoires thermiques.

« La surélévation présente l'avantage d'accélérer la transition énergétique des bâtiments et la requalification du patrimoine construit, par des travaux de réhabilitation, notamment en matière d'énergie et de performances thermiques ( toiture, habillage des façades) », fait valoir Laurence Besserve, vice-présidente de Rennes Métropole déléguée à l'Aménagement.

Dans ce cas-là, la Métropole accompagnera les syndics de copropriétés et les bailleurs sociaux sur des études de faisabilité pré-opérationnelle et, pour les particuliers, dans le cadre du programme EcoTravo, pendant métropolitain du dispositif national Ma Prime Rénov'.

Suivant sa logique bas-carbone, la collectivité avance aussi que le développement du foncier aérien pourrait contribuer à consolider à terme les nouvelles filières bois ou utilisant des éco-matériaux. Plus lourd, le béton risquerait de faire travailler la structure d'un immeuble.

Démarches comparables à Strasbourg et Nice

En termes d'acceptabilité, la densification douce par surélévation est moins propice aux critiques de la population que le remplacement d'une maison de ville par un immeuble.

Questionnés par La Tribune, les élus écologistes de la Métropole se déclarent, quant à eux, d'accord pour « reconstruire la ville sur elle-même », stratégie pertinente du point du vue environnemental et social, via l'adaptation et la modernisation des immeubles. Ils assurent toutefois qu'ils resteront « vigilants à la sauvegarde du cadre de vie, à la qualité des logements construits et à rester sur des hauteurs modérées d'immeubles ».

Citant des démarches comparables menées par les métropoles de Strasbourg et de Nice, Marc Hervé veut croire que « les discussions sur le recyclage du bâti ont déjà eu lieu dans le cadre du nouveau PLH et que les élus des communes comprennent les objectifs bas carbone et la nécessité de remplir les dents creuses. »

Dans la ville du Parlement européen, une étude d'Upfactor a permis d'identifier 16.500 bâtiments potentiellement surélevables sur 65.000 analysés. À Nice, le cabinet de conseil a montré que 10% des emprises résidentielles analysées étaient potentiellement surélevables.

 « La première étape de l'étude va sans doute trouver plusieurs milliers de logements éligibles, ce n'est pas neutre. Le recyclage urbain est un travail de longue haleine. L'objectif ZAN impose d'imaginer la ville à l'horizon 2050 », anticipe l'élu rennais.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 30/03/2024 à 16:55
Signaler
Vous aviez une vue imprenable ? Vous aurez des immeubles surélevés qui vous empêcheront de voir.

à écrit le 29/03/2024 à 13:12
Signaler
Lutter contre l'artificialisation des sols c'est d'abord lutter contre les "bassinnes" qui mobilisent des centaines d'hectares, détruisent les nappes phréatiques au profit de quelques dizaines d'agriculteurs.

à écrit le 29/03/2024 à 11:23
Signaler
La mairie ferait mieux de s'occuper du traffic de drogue et des fusillades entre groupes concurrents

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.