À Lille, les espaces de travail partagés foisonnent

Les sites de « coworking » se multiplient dans la métropole lilloise. Et attisent du coup la convoitise de gros acteurs du marché de l'immobilier de bureau. Revue de détail des lieux et des tarifs.
Now Coworking a loué une partie du Palais de la Bourse pour installer un espace haut de gamme très connecté.
Now Coworking a loué une partie du Palais de la Bourse pour installer un espace haut de gamme très connecté. (Crédits : Nowcoworking)

Chaque inauguration semble surpasser la précédente. Le 22 novembre, le groupe Regus a coupé le ruban d'un nouvel espace de près de 1.200 m² sur quatre étages... à l'étage de la gare Lille-Flandres ! Avec 155 postes de travail, 44 bureaux privatifs et 38 postes de coworking, la filiale de la multinationale IWG (International Workplace Group), siégeant au Luxembourg, cible les travailleurs nomades qui pourront avoir une vue imprenable sur les quais de départ ! Courant septembre, c'était le Coworkoffice à Lesquin (groupe Artea) qui montrait ses atouts : trois étages répartis sur 2.500 m², imaginés par des architectes d'intérieur travaillant les matières naturelles comme le bois et misant sur la lumière. On peut venir y travailler pour 15 euros HT la demi-journée ou 25 euros HT la journée, 80 euros HT les dix jours ou 145 euros HT le mois.

En octobre 2017, l'arrivée de Now Coworking avait fait beaucoup de bruit. Il faut dire que les fondateurs, Pascal Givon et Edouard Laubies, ont vu les choses en grand en louant une partie du magnifique Palais de la Bourse de la CCI Grand Lille, juste en dessous du beffroi. Coût de l'investissement de départ : 2,2 millions d'euros pour un espace haut de gamme très connecté, avec rooftop [terrasse, ndlr] à la clef. Le prix est assorti : 219 euros par mois en illimité (avec 150 places de bureaux nomades, 300 places de bureaux fixes).

Avant de s'installer dans l'historique gare lilloise, Regus proposait déjà 730 postes de travail dans la métropole, répartis en trois centres : un historique à Lille Europe, implanté depuis 2007, et les deux petits nouveaux, Porte de Valenciennes, ouvert en avril 2017, et Marcq-en-Baroeul, en janvier dernier (209 euros HT le mois). « Nous prévoyons également d'ouvrir un espace à Villeneuve d'Ascq et un autre de 3.000 m² en 2020 dans un bâtiment historique totalement rénové pas très loin de la Grand'Place de Lille », précise Christophe Burckart, président de Regus France.

Réseautage

Si Christophe Burckart concède des taux d'occupation assez inégaux (90% pour Lille Europe, 50% pour le site de Marcq-en-Baroeul), il avance un argument massue : « Notre réseau permet d'accéder à 3.200 centres dans 114 pays, 115 sites en France répartis dans 55 villes, permettant à des multinationales d'accompagner le télétravail, le déplacement, l'implantation en cœur de ville mais aussi la décentralisation en province, etc. Tout en s'affranchissant du bail conventionnel, devenu trop contraignant ».

Now Coworking avance un autre argument de taille : Pascal Givon et Edouard Laubies ont mis au point une appli qui permet de mettre en lien tous les coworkers.

« On travaille beaucoup sur le compagnonnage d'affaires : ici, les coworkers se fournissent mutuellement du travail ou des tuyaux. C'est pour cela que nous n'accueillons pas pour une heure : les personnes doivent rester un minimum de temps pour rendre le réseautage efficace ».

Now Coworking ambitionne 1,6 million d'euros de chiffre d'affaires à l'année. Avant Regus, Artea et Now Coworking, le coworking lillois comptait déjà certaines implantations historiques, comme la Cofactory, le Mutualab et la Coroutine, créées en 2011 à quelques mois d'écart. Association autogérée, la Coroutine était déjà constituée d'une communauté de travailleurs indépendants : elle s'est installée dans un 120 m² près de la mairie. « Le noyau dur est toujours constitué de cinq à dix personnes, avec entre 30 à 50 personnes qui gravitent. S'implique dans la gestion du lieu qui veut », explique Gwen Fondeur. Les tarifs oscillent entre 2 euros de l'heure, 10 euros la journée et 125 euros par mois.

Des communautés historiques

Le Mutualab, lui, a migré dès 2013 dans un ancien laboratoire de traitement de l'image de 700 m², situé près de la place de La République afin d'agréger différents usages, du bureau à l'espace partagé en passant par la communauté de makers pour la fabrication numérique. « La communauté s'est créée autour du projet. Nous accueillons une cinquantaine de personnes par jour, comprenant entre dix et 20 nomades et notre communauté avoisine aujourd'hui les 500 personnes », explique Emmanuel Duvette, cofondateur de Mutualab, avec des tarifs commençant à 140 euros TTC par mois pour les nomades. Pour lui, « 90% des personnes qui viennent ne réussissent pas à travailler tout seul chez eux ». Fort de son expérience, Mutualab a même donné naissance à POP, une structure d'accompagnement à la création des lieux de collaboration de demain, comme à Saint-Omer ou à Valenciennes.

Seule la Co-Factory a tout de suite constitué une entreprise à part entière. David Thilliez, le fondateur, voulait créer « un lieu où rencontrer d'autres entrepreneurs, un espace créé par un entrepreneur pour les entrepreneurs ». Aujourd'hui, une centaine de personnes fréquentent régulièrement les 450 m2 avenue de la République : « Ils viennent d'abord pour l'accompagnement dont ils peuvent bénéficier, je suis là pour créer des ponts et mutualiser les expériences ».

L'adhésion coûte 75 euros par an, comprenant huit entrées au coworking, sachant que les tickets servent également pour participer à des ateliers. En fonction des formules et des dégressivités, le ticket moyen coûte entre 6 et 7 euros la demi-journée pour l'indépendant, « d'autres tarifs existant pour les entreprises qui ont compris tout l'intérêt de mélanger leurs collaborateurs aux indépendants, une source de dynamisme et de créativité naturelle ».

Située rue Gambetta à Lille et géré par la coopérative Smart, née d'un réseau d'entreprises de l'économie sociale et solidaire, La Grappe se positionne plus comme une coopérative d'activité, avec une offre immobilière à la clef. Les bureaux sont proposés pour 7 euros HT la demi-journée, 12 euros HT la journée et 120 euros HT le mois. D'autres initiatives ont vu le jour mais n'ont pas survécu, comme 1624 Cowork'in Lille, dans le Vieux-Lille ou le bar-bureau Helmut & Raoul qui proposait un tarif à l'heure. Quand on dit « coworking », on pense spontanément aux commerciaux, aux salariés nomades ou aux indépendants et aux freelances, mais les entreprises elles-mêmes peuvent aujourd'hui recourir à ces nouveaux espaces de travail. C'est le pari qu'a lancé l'un des derniers nés, Clockwork, un « coworking café » de 400 m².

« Les entreprises ont de plus en plus besoin d'un lieu de travail déporté qui ne soit ni la maison ni le bureau, explique Florent Ionescu-Martin, ex-consultant en ressources humaines et fondateur de Clockwork, j'ai pu moi-même constater une modification assez profonde des modes d'organisation du travail, avec une problématique de gestion des talents. Les jeunes diplômés rêvent plus de monter leur propre projet que de rejoindre une multinationale : les entreprises doivent donc les convaincre et les fidéliser avec des conditions de travail flexibles. »

D'où l'offre de Clockwork : des postes de travail sans réservation et sans engagement tout près de la Grand'Place, avec une tarification à 5 euros de l'heure, passant automatiquement à un forfait journée de 20 euros au bout de 5 heures.

« On a fait un petit buzz auprès des étudiants, à l'occasion des révisions de fin d'année : on n'avait pas pris conscience du vrai problème de place dans les bibliothèques universitaires et qu'étudier dans les fast-foods ou les coffee shops avait ses limites », raconte Florent Ionescu-Martin. D'autres nouveaux venus essaient de se faire une place sur ce marché désormais arrivé à maturité. Comme Wereso, qui propose du coworking à 4 euros de l'heure HT, 15 euros la demi-journée, 25 euros HT la journée, 249 euros HT le mois. La surface de 650 m2 va être prochainement agrandie pour atteindre 1 200 m2 rue Nationale.

« Notre concept repose sur beaucoup de services, des consommables, des chaises ergonomiques, un accès 24h/24 et aussi une animation de trois personnes au quotidien : on ne loue pas qu'un bureau et une chaise », souligne Pierre-Arthur Six, cogérant de l'enseigne qui possède d'autres antennes en France, insistant au passage sur le préavis de quinze jours, un « délai très court ».

Et ailleurs dans la métropole ?

Le coworking essaime dans toute la métropole, à commencer par Roubaix. La Maison d'Alfred est nichée dans une vraie maison bourgeoise. Avec un point d'équilibre peut-être moins évident à atteindre.

« Si je ne proposais que du coworking, je ne serais pas certain de remplir toute la maison. Ce qui est génial, c'est justement de faire cohabiter des résidents, des entrepreneurs de passage, des séminaires de formation, des ateliers de sophrologie et méditation, etc. », commente David Duprez, gérant des 19 postes sur 180 m².

Les prix en dehors de Lille s'avèrent plus attractifs : 60 euros pour 5 jours, 120 euros le mois pour 3 jours par semaine, 180-210 euros le mois en nomade/fixe. Toujours à Roubaix, Oh Happy Desk propose, lui, « 15 emplacements de coworking en mode bureau et quatre en mode salon » à 15 euros HT la demi-journée, 35 euros HT la journée, 100 euros HT la semaine ou 250 euros HT le mois.

L'une des tendances de fond est la spécialisation des espaces : à Saint-André-lez-Lille, la Creative Factory rassemble des pros de la communication, Volume Ouvert accueille des artistes ayant besoin d'ateliers, Wetail s'est spécialisé dans les indépendants travaillant dans le secteur du retail, le Cl'hub, espace de coworking réservé aux concessionnaires, partenaires et industriels de la « maison abordable », et le dernier né, Plateau Fertile, nouveau tiers lieu mode et design, propose tout un écosystème autour de la confection textile.

Dernier lancement en date : Saint-So Bazaar va occuper les 5000 m² de l'ancienne halle B de la gare Saint-Sauveur à Lille. La mairie ambitionne d'en faire, grâce à la coopérative européenne SMart et le cluster initiativesETcité en charge du projet, un futur repaire des makers, artistes, artisans, entrepreneurs, mais aussi des gens du quartier qui pourront louer un espace de coworking ou venir profiter de l'espace de vie et showroom. Encore une inauguration en vue.

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Commentaire 1
à écrit le 12/12/2018 à 8:52
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Autant galérer à plusieurs que galérer seul, le meilleur antidote contre le brun out et la dépression. 300 millions de dépressions dans le monde dont 800000 se suicidant par an. Tout va bien.

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