« Nous allons porter une négociation sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises » (Frédéric Souillot, FO)

RENCONTRES ÉCONOMIQUES D'AIX-EN-PROVENCE. La Tribune reçoit en direct de son studio en plein air les décideurs économiques et politiques pendant les trois jours des Rencontres d'Aix, le Davos provençal. Ce samedi, le secrétaire général de Force Ouvrière (FO), a affirmé qu'il défendrait la conditionnalité des aides publiques aux entreprises auprès du gouvernement lors des prochaines discussions.
Maxime Heuze
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Vous rencontrez avec les autres partenaires sociaux, Elisabeth Borne la semaine prochaine. Qu'allez-vous lui dire? Qu'est-ce que vous attendez de cette rencontre ?

FREDERIC SOUILLOT - Mercredi, nous aurons une discussion autour de l'agenda social. Et puis nous, les organisations syndicales, nous allons aussi lui parler des revendications que nous avions déposées les 16 et 17 mai, à Matignon. Donc, ce que nous attendons et que nous répétons depuis l'année dernière, après le deuxième tour des élections législatives, c'est de redonner la place qui est la sienne à la négociation collective, car l'ADN de Force ouvrière est la pratique contractuelle et conventionnelle.

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Dans cet agenda social, il y a un certain nombre de thèmes. En revanche, les salaires ne sont pas inscrits. Vous le regrettez ?

Je le regrette, je l'ai porté. L'agenda social est numéroté et il n'y a que les deux premiers points, car le troisième point, l'assurance-chômage et le salaire est encore en discussion. Donc, tant qu'il y a de la discussion, la porte n'est pas fermée.

Quelle est votre priorité de cet agenda social ?

D'abord, la thématique institutionnelle. Quelle est place accordée aux partenaires sociaux, sa gouvernance et tout ce qui va avec. Deuxièmement, on a une échéance sur la convention quadriennale Agirc-Arrco donc la retraite, la retraite complémentaire qui n'est pas un petit sujet.

La réforme des retraites est-elle derrière nous ?

Non. A Force Ouvrière, nous ne tournons pas la page de la réforme des retraites. D'ailleurs, nous allons contester tout un tas de décrets d'application devant le Conseil d'Etat, notamment sur les actifs et super actifs. Par exemple, pour la fonction publique, ceux qui avaient eu un contrat de travail dans le secteur privé, avant de rentrer dans la fonction publique, c'est-à-dire la police, la pénitentiaire et les égoutiers. Et nous allons contester l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans cette réforme, car les femmes vont avoir une retraite moindre.

Vous craignez une rentrée sociale compliquée ?

Moi, je ne crains rien. C'est peut-être l'exécutif qui devrait craindre quelque chose. Aujourd'hui, 94% des actifs sont encore contre un recul de l'âge de départ et un allongement de la durée de cotisation. Le deuxième sujet, c'est les salaires. Il y a encore un certain nombre de conflits dans les entreprises concernant les augmentations de salaires. Les entreprises préfèrent mettre des primes, mais c'est avec un salaire que l'on remplit le frigo.

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Quel est votre message aux entrepreneurs et chefs d'entreprise ici aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence ?

D'abord, gardez les entreprises en France. Pour une fois, nous sommes d'accord avec l'exécutif lorsqu'il nous dit qu'il va falloir réindustrialiser. L'expérience de la pandémie nous a prouvée que nous avons besoin de réindustrialiser, y compris dans l'industrie pharmaceutique. Ensuite, nous aimerions leur faire passer des messages sur l'attractivité des métiers, les salaires, les conditions de travail.

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Quand nous parlons de conditions de travail, nous parlons notamment de la semaine de quatre jours. Qu'en pensez-vous?

La semaine de quatre jours, de trois jours, c'est comme les 35 heures à l'époque. Il faut redonner la main aux interlocuteurs sociaux, et que nous discutions de l'organisation du travail.

Car concernant l'aménagement du temps de travail et des 35 heures, à cause de la verticalité des décisions à l'époque, nous avons plus précarisé, plus annualisé. Et si l'on parle de ce sujet, il faut aussi parler des aides publiques aux entreprises, car à chaque fois qu'une aide publique est versée, l'Etat doit la compenser dans notre système de protection sociale, au moment où nous parlons de réduire la dette. Nous allons porter, une négociation sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, lors de ces discussions.

Que pourrait faire changer le gouvernement et le Parlement sur cette question?

Quand on nous parle de déficit de nos systèmes de protection sociale, ce sont 12 milliards d'euros, selon Conseil d'orientation. Avec la réforme, ce sera peut-être 5 milliards. Dans le même temps, les aides publiques aux entreprises représentent 163 milliards d'euros par an d'argent de l'Etat, sans aucune condition. Donc quand nous parlons de partage de la valeur, il faut aussi parler de conditionnalité des aides publiques aux entreprises, sur le fait qu'elles gardent les emplois en France, qu'elles offrent de bonnes conditions de travail et de meilleurs salaires.

Il y a eu beaucoup de changements à la tête des syndicats. Qu'est-ce que ça va changer ?

Cela ne va pas changer grand-chose. Je sais juste que nous n'allons peut-être pas être d'accord avec Patrick Martin du Medef, sur la place qui est la sienne dans la négociation collective et sur l'agenda autonome. Mais il va bien falloir que nous prenions aussi des éléments qui vont aux uns ou aux autres.

Nous avons beaucoup parlé de l'intersyndicale. C'est une force dans ce conflit contre la réforme des retraites. Vous pensez que c'est vraiment un acquis aujourd'hui ?

Nous avons chacun nos différences, mais oui, je pense qu'elle va continuer. Nous avons trouvé un mode de fonctionnement lors notre premier communiqué intersyndical sur la loi pouvoir d'achat. D'ailleurs, nous avions déjà parlé à l'époque de la conditionnalité des aides publiques aux entreprises. Nous allons continuer d'assumer nos différences, mais lorsque nous sommes d'accord sur une revendication, pourquoi ne pas la porter à plusieurs ?

Faut-il s'attendre à des mobilisations, des manifestations à la rentrée ?

Nous allons en discuter, avant la fin des vacances scolaires, et nous allons discuter de la suite. Notre revendication sera sur le pouvoir d'achat et les salaires, puisque plus personne ne parle de l'inflation maintenant.

Vous ne croyez pas que le pic de l'inflation est passé ?

Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, a la même communication que lors de la pandémie. Il estime que nous sommes sur le pic, et qu'elle va redescendre, mais de nombreux intervenants aux rencontres estime que l'inflation va durer. C'est même ce que disait Bruno Le Maire.

Dans une telle situation, nous portons l'idée de remettre en place l'échelle mobile des salaires le temps que dure l'inflation pour éviter un tassement des grilles de salaires, sinon tout le monde va se rapprocher du Smic, ce qui est une mauvaise idée.

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Maxime Heuze
Commentaire 1
à écrit le 08/07/2023 à 17:48
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FO, CFDT, CGT, mêmes défaites comment le pourriez vous autrement alors que vous mangez à la même gamelle que ceux contre lesquels vous êtes sensés vous opposer ?

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